L’Australie annule l’achat de 12 drones MALE américains MQ-9B SkyGuardian

Le 3 novembre 2002, au Yémen, Abou Ali al-Harithi fut le premier membre d’al-Qaïda à avoir été tué par des missiles effectuée avec un drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-1 Predator américain en dehors de l’Afghanistan. Puis, au titre de la « guerre contre le terrorisme », ce mode opératoire se généralisa, en particulier durant l’administration Obama, avec 388 « frappes ciblées » réalisées entre 2008 et 2013.

Mais au-delà de leur capacité à emporter de l’armement [et sans évoquer les débats que cela a pu susciter par le passé], les drones MALE permettent surtout de mener des missions ISR [renseignement, surveillance, reconnaissance] de très longue durée. Au point que l’on parle de notion « d’occupation aérienne » puisqu’ils peuvent survoler une zone donnée pendant plusieurs heures. Ce qui n’était jusqu’alors pas possible avec les chasseurs-bombardiers, qui ne font que passer.

L’apport des drones MALE dans les opérations de contre-insurrection et les engagements dits « asymétriques » aura été évident. Seulement, dans des environnements plus contestés, voire dans un guerre de « haute intensité » comme celle en Ukraine, ils ne pourront qu’être vulnérables. D’autant plus qu’ils ne disposent pas de contre-mesures pour éviter d’être abattus.

Maintenant que, aux États-Unis, l’accent est mis sur la « compétition » avec la Chine et la Russie, l’US Air Force a lancé un programme pour développer le drone MALE de prochaine génération, lequel devra pouvoir évoluer dans des environnements moins permissifs. Le constructeur américain General Atomics a d’ailleurs dévoilé, en septembre 2020, le projet d’un nouvel appareil, ayant un profil en aile volante [permettant de réduire sa signature radar] et doté d’une autonomie encore plus élevée.

Quoi qu’il en soit, après avoir fait connaître son intention de ne plus commander de MQ-9 Reaper auprès de General Atomics, l’US Air Force envisage de réduire le nombre d’appareils de ce type en service. En effet, dans la demande de budget qu’elle a adressée au Congrès pour l’année fiscale 2023, elle a indiqué qu’elle comptait de réduire sa flotte d’un tiers, en cédant une centaine d’appareils à d’autres organismes gouvernementaux [qu’elle n’a pas précisés].

« Nous essayons de nous départir des capacités ISR qui ne sont pas particulièrement utiles contre la Russie et la Chine ou contre des systèmes de défense aérienne denses de l’Iran et de la Corée du Nord pour investir dans des systèmes ISR qui ont une capacité de pénétration », avait ainsi résumé le général Mark Milley, le chef d’état-major interarmées américain, en 2021. Cela étant, et selon des documents publiés antérieurement, l’US Air Force devrait conserver des Reaper jusqu’en 2035. Reste donc à savoir combien.

En Australie, le débat a d’ores et déjà été tranché. Dans le cadre du projet Air 7003, la Royal Australian Air Force avait l’intention de se doter 12 drone MQ-9 SkyGuardian [une évolution du MQ-9 Reaper] pouvant être armés pour 1,65 milliard de dollars. Cette vente, alors « potentielle », avait été approuvée par la Defense Security Cooperation Agency [DSCA], chargée des exportations d’équipements militaires américains, en avril 2021.

Seulement, le 31 mars, et alors que General Atomics a déjà investi 30 millions de dollars en Australie pour y établir un « centre multinational de services » dans le cadre de cette commande, le ministère australien de la Défense a fait clairement comprendre que le projet Air 7003 allait être annulé, lors d’une discussion budgétaire au Parlement.

A priori, cette décision est liée au projet REDSPICE [Resilience, Effects, Defence, Space, Intelligence, Cyber & Enablers], qui vise à renforcer significativement les moyens et les capacités de l’Australian Signals Directorate, le service de la défense australienne spécialisé dans le collecte du renseignement d’origine électromagnétique et la cyberdéfense. Une enveloppe de 9,9 milliards de dollars australiens doit lui être allouée dans années à venir. D’où la recherche de marges de manoeuvres financières… et l’abandon de l’achat des 12 MQ-9 SkyGuardian.

Cette décision, prise en catimini, a été critiquée par l’opposition australienne. « L’annulation sans préavis de ce projet se répercutera sur l’industrie de défense australienne, déjà sous le choc de l’annulation du programme de sous-marins ‘Attack’ [qui avait été confié au français Naval Group, nldr] », a réagi Brendan O’Connor, spécialiste des questions de défense au Parti travailliste.

De son côté, General Atomics n’a pu que regretter la décision de Canberra. « Le ministère australien de la Défense a fait part de sa décision d’annuler le projet Air 7003, après près d’une décennie d’efforts pour ce programme d’acquisition » qui « devait fournir à aux forces australiennes […] une capacité de renseignement, de surveillance, de reconnaissance, de guerre électronique et de frappe de précision aéroportée tant dans les milieux terrestres que maritimes », a rappelé l’industriel.

« Le projet Air 7003 offrait une capacité multi-domaine rentable qui est profondément pertinente pour le futur environnement stratégique de l’Australie. Tout aussi décevant, nos nombreuses entreprises partenaires de Team SkyGuardian Australia ont investi dans le démarrage et le soutien futur de cette capacité en Australie et perdront des opportunités considérables […] suite à cette décision », a conclu General Atomics.

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