Surveillance maritime depuis l’Espace : Le français Unseenlabs va étoffer sa flotte de nano-satellites

Afin de compenser certains de ses déficits capacitaires dans le domaine de l’action de l’État en mer, la Marine nationale a recours à la surveillance satellitaire, laquelle permet d’obtenir des informations [comme celles transmises par les balises AIS – Automatic Identification System ou Système d’identification automatique] sur le trafic maritime dans une zone donnée. D’où le contrat Trimaran III, confié à CLS [filiale du CNES et de la CNP] en juin 2021 pour une durée de cinq ans.

Seulement, les navires ne sont pas forcément tous dotés de balises AIS. Et, quand ils en ont, rien ne les contraint à les activer, surtout quand ils livrent à des activités illicites. Une étude publiée en janvier 2020 par le CNRS, et menée dans le cadre du projet « Ocean Sentinel », a démontré que, dans l’océan Austral, « plus du tiers des bateaux rencontrés dans les eaux internationales n’étaient pas identifiables ».

Plus récemment, lors d’une audition d’Annick Girardin, ministre de la Mer, le sénateur Philippe Folliot a évoqué le cas d’un senneur mexicain qui avait prélevé 1200 tonnes de thon dans la zone économique exclusive [ZEE] de l’île française de Clipperton après avoir désactivé sa balise AIS pour ne pas être détecté et suivi par satellite.

« Je rappelle que le Mexique déclare chaque année 700 à 4 000 tonnes de pêche, alors que nous avons croisé fortuitement un seul senneur qui avait probablement 1’200 tonnes de thon dans ses soutes », avait souligné, au passage, le parlementaire.

Par ailleurs, les données transmises par ces dernières ne sont pas toujours d’une fiabilité absolue étant donné qu’elles peuvent être falsifiées, comme l’a montré le cas de la frégate néerlandaise qui, en 2021, avait été repérée vers Sébastopol [Crimée] alors qu’elle était en escale à Odessa.

D’où l’intérêt de la solution proposée par la jeune entreprise française Unseenlabs, soutenue depuis 2018 par le ministère des Armées, via son fonds d’investissement Definvest. Celle-ci repose sur une constellation de nano-satellites dédiés à la détection des signaux radiofréquence [RF], c’est à dire émissions électromagnétiques des systèmes électroniques embarqués à bord des navires [comme ceux utilisés pour l’aide à la navigation, par exemple].

« La constellation d’Unseenlabs détecte, caractérise et géolocalise précisément ces signaux RF, qui proviennent d’un large éventail d’émetteurs, sur des zones maritimes de plusieurs centaines de
milliers de kilomètres carrés.En traitant et en analysant ces données RF, Unseenlabs fournit une connaissance unique pour les opérations de sécurité nationale, la protection de l’environnement et un nombre croissant d’applications dans le secteur commercial », explique cette entreprise, qui a vu le jour à Rennes, en 2015.

Actuellement, Unseenlabs dispose de cinq nano-satellites « BRO » [pour Breizh Reconnaissance Orbiter] en orbite. Deux autres vont les rejoindre en avril, grâce à l’américain SpaceX et le néo-zélandais Rocket Lab.

« BRO-6 et BRO-7 […] de la constellation dédiée à la géolocalisation des navires en mer, seront lancés pour répondre à la demande croissante de données géospatiales RF. […] Les deux
lancements interviendront ce mois-ci [avril 2022] sur deux lanceurs différents : la fusée Electron de Rocket Lab et la Falcon 9 de SpaceX », a en effet annoncé Unseenlabs, ce 31 mars.

Ces « nouveaux satellites ajoutent des capacités essentielles
à la constellation d’Unseenlabs, ce qui se traduit par des solutions supplémentaires et des analyses plus approfondies pour nos clients », a commenté Clément Galic, le Pdg et le co-fondateur de l’entreprise.

L’objectif d’Unseenlabs est d’exploiter, à terme, plus de vingt nano-satellites, ce qui permettra d’assurer une surveillance mondiale du trafic maritime quasi-permanente. Et cela, quelles que soient les conditions météorologiques, ce qui n’est pas un petit détail…

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