La Russie ne fera usage de l’arme nucléaire qu’en cas de « menace existentielle », assure le Kremlin

Lors de son allocution télévisée annonçant le début de l’invasion de l’Ukraine, le président russe, Vladimir Poutine avait assuré que ceux qui « tenteraient d’interférer avec nous doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et conduira à des conséquences que vous n’avez encore jamais connues ». Ce qui a été perçu comme une allusion à l’arme nucléaire.

Cette perception a d’ailleurs été renforcée quelques jours plus tard, quand le chef du Kremlin ordonna la mise en alerte des forces stratégiques russes, estimant que les « hauts responsables des principaux pays de l’Otan » venaient de faire des « déclarations agressives » contre la Russie.

D’où la question que beaucoup se posent : M. Poutine pourrait-il déclencher le feu nucléaire?

En février 2020, l’US Navy mit en service une nouvelle tête nucléaire de faible puissance [5 kilotonnes 5.000 tonnes de TNT], à bord de l’un de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de la classe Ohio. Et cela afin de répondre à la doctrine « escalade-désescalade » de la Russie. Celle-ci avait été décrite dans la dernière version de la « Nuclear Posture Review », publiée deux ans plus tôt par le Pentagone.

« La stratégie et la doctrine russes mettent l’accent sur les utilisations coercitives et militaires potentielles des armes nucléaires. Elle évalue à tort que la menace d’une escalade nucléaire ou d’un premier usage effectif des armes nucléaires servirait à ‘désamorcer’ un conflit à des conditions qui seraient favorables. Ces perceptions erronées augmentent les risques d’erreur de calcul et d’escalade », était-il expliqué dans ce document.

En clair, selon cette NPR, la Russie pourrait faire l’usage en premier d’une arme nucléaire tactique en cas de conflit avec l’Otan, en tentant le pari que les États-Unis ne pourraient pas adapter leur riposte, leur arsenal ne comptant que des armes stratégiques.

« Nous voulons nous assurer que la Russie ne fait pas d’erreur de calculs. Elle doit comprendre que lancer une attaque nucléaire, même limitée, ne lui permettra pas d’atteindre son objectif, modifiera fondamentalement la nature du conflit et aura un coût incalculable et intolérable pour Moscou », avait alors expliqué Robert Soofer, le secrétaire adjoint à la Défense chargé de la politique nucléaire.

La Russie a toujours démenti vouloir mettre en oeuvre cette logique d’escalade/désescalade. Cependant, dans la dernière version de sa doctrine nucléaire, sortie en 2020, il y est affirmé que, « en cas de conflit militaire, la politique de l’État dans le domaine de la dissuasion nucléaire visera à empêcher l’escalade des hostilités et y mettre fin dans des conditions acceptables pour la Fédération de Russie et [ou] ses alliés ».

Pour le quotidien Kommersant, ce passage, pris au « sens large », pourrait être interprétée comme une « confirmation officielle que les autorités russes considèrent qu’il est possible d’utiliser des armes nucléaires à une échelle limitée pour obtenir une percée dans le cadre de conflits utilisant des armes classiques ».

Par ailleurs, cette doctrine précise que la Russie se réserve « le droit d’utiliser son arsenal nucléaire en réponse à l’utilisation d’armes nucléaires ou d’autres armes de destruction massive contre elle et [ou] ses alliés, ainsi que dans le cas d’une agression contre la Fédération de Russie avec des armes conventionnelles, dès lors que l’existence même de l’État serait menacée ».

Interrogé par CNN, le 22 mars, sur la possibilité que Vladimir Poutine ait recours à l’arme nucléaire [une option qu’il avait envisagé au moment de l’annexion de la Crimée], le porte-parole du Kremlin, Dmitri Perskov, a renvoyé vers la doctrine des forces russes.

« Nous avons une doctrine de sécurité. Cela est public, vous pouvez y lire toutes les raisons pouvant motiver l’utilisation des armes nucléaires. Et s’il s’agit d’une menace existentielle pour notre pays, alors elles peuvent être utilisées, en accord avec notre doctrine », a répondu M. Peskov.

D’après la doctrine publiée en 2020, la Russie pourrait avoir recours à son arsenal nucléaire en cas « d’informations fiables sur le lancement de missiles balistiques attaquant le territoire de la Russie et [ou] de ses alliés », « d’utilisation d’armes nucléaires ou d’autres armes de destruction massive par l’ennemi et ses alliés », d’un « impact d’une attaque ennemie sur les installations critiques et militaires du pays au point que la capacité de riposter avec des armes nucléaires est perturbée » et d’une agression avec des armes classiques susceptible de menacer l’existence même de l’État ».

« L’utilisation d’armes nucléaires ou d’autres armes de destruction massive par l’ennemi et ses alliés » est un point important… Le 10 mars, la Russie avait en effet accusé les États-Unis d’avoir aidé l’Ukraine à développer des armes biologiques. « L’objectif de ces recherches biologiques financées par le Pentagone était de créer un mécanisme de propagation furtive de pathogènes meurtriers », avait insité le ministère russe de la Défense.

« Tout cela est un stratagème évident de la part de la Russie pour tenter de justifier sa nouvelle attaque préméditée, non provoquée et injustifiée contre l’Ukraine », avait rétorqué Jen Psaki, la porte-parole de la Maison Blanche. En effet, le partenariat entre Washington et Kiev dans ce domaine visait à « sécuriser les agents pathogènes et les toxines préoccupants pour la sécurité des installations gouvernementales ukrainiennes, tout en permettant la recherche pacifique et le développement de vaccins ».

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