S’agissant des munitions, les forces françaises manquent d’épaisseur pour un conflit de longue durée, selon M. Cambon

Combien de temps les forces françaises pourraient tenir dans un conflit de longue durée? À cette question, Christian Cambon, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, avait répondu à Public Sénat que, « au bout de quinze jours, on commencerait à avoir de vraies difficultés, peut-être avant sur certains équipements ».

Et d’ajouter : « La France est une armée tout à fait capable de protection, et sur la totalité des armes, mais malheureusement on risquerait dans un conflit plus important de ne pas tenir très longtemps à cause du manque de munitions, que ce soit les munitions spéciales ou classiques », notamment s’agissant des missiles Aster [surface-air] et Exocet [antinavire], sur lesquels « on est très court ».

Plus tôt, lors du débat ayant suivi la déclaration du gouvernement relative à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, M. Cambon fit remarquer que, « à Kharkiv, les Russes ont tiré en une minute ce que l’armée française tire en un an dans ses camps d’entraînement », ce qui donne « la mesure de cette guerre ».

En novembre 2021, les sénateurs de la commission présidée par M. Cambon avait tiré le signal d’alarme sur le niveau des stocks de munitions, après une visite au 2e Régiment d’Infanterie de Marine [RIMa]. « Notre déplacement au Mans nous a permis d’illustrer cette problématique de l’investissement et de la préparation à la haute intensité. Les munitions, en particulier les munitions complexes sont en nombre insuffisant », avait ainsi affirmé Olivier Cigolotti.

« Sont concernées les munitions pour l’entraînement et aussi pour le combat. La gamme s’étend des balles aux missiles. Nous sommes sur un fil de crête, nous disposons du strict nécessaire. Or, nous devrions disposer de stocks supplémentaires, si d’aventure le besoin s’imposait un jour », avait précisé Hélène Conway-Mouret tandis que sa collègue, Gisèle Jourda, venait de s’étonner que des équipements neufs pouvaient être livrés aux forces « sans les munitions pour les faire fonctionner ».

Cela étant, M. Cambon avait livré une estimation encore trop optimiste par rapport à la réalité. C’est en effet ce qu’il a déclaré à l’antenne de RFI, le 15 mars.

« Je ne force pas le trait, je pense même que mes informations sont encore optimistes par rapport à la réalité sur un certain nombre de points. […] Le point le plus flagrant, ce sont les munitions », a-t-il répondu, alors qu’il était interrogé sur ses déclarations faites deux semains plus tôt.

« Il faut bien comprendre les choses, d’abord la France utilise actuellement des munitions sur la bande sahélo-saharienne avec Barkhane, donc nous ne sommes pas comme d’autres pays européens à regarder nos stocks, nous les utilisons aussi » mais « nous savons depuis longtemps que nous n’avons pas en matière de munitions, l’épaisseur, c’est-à-dire la quantité qui nous permettrait de soutenir un conflit de longue durée », a expliqué M. Cambon, avant d’ajouter que « certains parlent » de « trois à quatre jours » de réserves.

Désormais, l’armée de l’Air & de l’Espace ne communique plus sur le nombre de munitions utilisées sur les théâtres d’opérations extérieurs, comme l’a montré la rétrospective 2021 récemment publiée par le Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes [CDAOA]. Ce que l’on peut comprendre, au regard du contexte actuel, de telles informations n’ayant pas à être mises sur la place publique.

Cependant, M. Cambon a laissé entendre qu’il fallait être au contraire conscient de cette situation afin de la faire évoluer.

« On se souvient de la situation de la France en 1939 et nous ne voudrions pas nous retrouver dans une situation identique si jamais le conflit arrive jusqu’à nos portes, ce que nous n’osons pas croire », a fait valoir le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense. « Nous sommes [les parlementaires] les gardiens vigilants de la loi de programmation militaire, et nous allons aller dans ce sens. Nous avons pointé certaines faiblesses qui risquent de nous coûter cher en cas de conflit et il faut absolument se préparer et les Français en ont conscience », a-t-il insisté.

Par ailleurs, la quantité disponible de munitions est une chose… Et leur qualité en est une autre. Tel est le cas des missiles anti-navires Exocet, lesquels sont « devenus peu compétitifs face aux missiles supersoniques de nos compétiteurs, tels que le Zircon russe », comme l’a récemment soutenu un rapport parlementaire sur les enjeux militaires de la Méditerranée.

Un constat partagé par l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], dans un commentaire sur l’exercice Polaris 21. « Nous avons touché du doigt l’importance de préparer l’arrivée d’armes plus performantes. Notre programme de missile antinavire supersonique [FMAN/FMC, ndlr] est vital si on veut continuer à se faire respecter », a-t-il dit, dans un entretien publié par la revue Conflits.

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