L’Otan envisage de renforcer encore significativement sa posture militaire sur son flanc oriental

Ce 16 mars, le président ukrainien, Volodymyr Zelenski, a une nouvelle fois demandé l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de son pays lors d’une visioconférence avec les élus du Congrès des États-Unis.

« J’ai une nécessité, la nécessité de protéger notre ciel. J’ai besoin de votre décision, de votre aide. […] Est-ce trop demander de créer une zone d’exclusion aérienne […] pour sauver des gens? Est-ce trop demander, une zone d’exclusion aérienne humanitaire? », a-t-il lancé. Et d’insister : « Souvenez-vous de Pearl Harbor, ce terrible matin du 7 décembre 1941, quand votre ciel était assombri par les avions qui vous attaquaient, […] souvenez-vous du 11-Septembre, ce terrible jour de 2001. Cette terreur, l’Europe ne l’a pas vécue depuis 80 ans ».

À en juger par les réactions suscitées par les propos de M. Zelensky et l’élan de sympathie à l’égard de l’Ukraine, qui fait face à une invasion russe depuis le 24 février, certains pourraient réclamer la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne… Mais sans avoir la moindre idée des conséquences que cela pourrait avoir pour la suite.

En effet, vouloir interdire l’espace aérien ukrainien aux aéronefs russes suppose le déploiement d’avions de combat, voire de systèmes de défense aérienne. En clair, cela reviendrait pour les pays qui prendraient part à une telle initiative de mener des actes de guerre contre la Russie. Ce serait mettre le doigt dans un engrenage extrêmement dangereux.

Quoi qu’il en soit, et à en juger par les points de situation régulièrement mis à jour par le ministère français des Armées [mais aussi par le ministère de la Défense britannique], l’offensive russe progresse, ce qui a d’ailleurs fait dire au chef du Kremlin, Vladimir Poutine, qu’elle est un « succès », même si aucune grande ville [mis à part, sans doute, Kherson, dans le sud], n’a été conquise.

Évidemment, dans un contexte de « haute intensité », les forces russes subissent des pertes. Mais celles-ci sont difficiles à évaluer avec précision [on ne fait pas d’évaluation des dommages de combat par les réseaux sociaux et la propagande joue à plein des deux côtés]. Cela étant, la région de Kherson semble être passée sous contrôle russe [ce que le ministère des Armées n’a pas confirmé au soir du 15 mars], ce qui laisse entrevoir un mouvement vers Mykolaiv et Odessa, tandis qu’une poussée depuis Melitopol vers Dnipropetrovsk [ou Dnipr] se dessine.

Plus à l’est, la ville portuaire [et stratégique] de Marioupol est toujours assiégée alors que, dans le reste du Donbass, les troupes ukrainiennes semblent coincées dans une « poche » dans la région de Louhansk. Depuis Soumy [ou Sumy], une colonne russe s’est élancée vers Romny, en direction de Kiev, la capitale ukrainienne faisant l’objet d’une manoeuvre – laborieuse – d’enveloppement par l’est et l’ouest. En outre, le 15 mars, M. Zelensky a admis que l’Ukraine ne pourra « jamais intégrer l’Otan », alors qu’une adhésion éventuelle est l’un des motifs de l’offensive russe.

S’agissant de l’Otan, son secrétaire général, Jens Stoltenberg, a une nouvelle fois catégoriquement exclu toute intervention en Ukraine. En revanche, il continue d’encourager l’envoi d’armes aux forces ukrainiennes. À ce jour, celles-ci auraient reçu au moins 20’000 missiles anti-chars et anti-aériens, ce qui, par ailleurs, posera à un moment ou un autre la question de leur suivi [certains auraient été récupérés par les troupes russes].

« Pendant de nombreuses années, les Alliés ont entraîné des dizaines de milliers de soldats ukrainiens. Nombre d’entre eux se battent aujourd’hui sur les différents fronts. Les Alliés fournissent aussi du matériel essentiel en grande quantité, dont des armes antichar et des armes de défense aérienne, des drones, des munitions et du carburant », a ainsi rappelé M. Stoltenberg, le 15 mars, lors d’une conférence de presse.

« L’Ukraine a le droit de se défendre, il s’agit d’un droit fondamental consacré par la Charte des Nations Unies, et les pays membres et pays partenaires de l’OTAN continueront de l’aider à exercer ce droit, en livrant aux Ukrainiens du matériel militaire et en leur apportant une assistance financière et humanitaire », a-t-il ajouté.

Mais plus généralement, pour l’Otan, il s’agit de préparer le coup d’après. Et cela passera par de nouveaux efforts qui viendront d’ajouter aux capacités militaires déjà déployées sur le flanc oriental de l’Alliance.

« À l’heure actuelle, le niveau d’alerte a été relevé pour des centaines de milliers de soldats dans l’ensemble de l’Alliance, 100’000 soldats américains sont présents en Europe et quelque 40’000 soldats se trouvent sous le commandement direct de l’Otan, la plupart dans la partie orientale du territoire de l’Alliance, appuyés par de puissantes forces aériennes et navales ainsi que par des défenses aériennes », a fait valoir l’ex-Premier ministre norvégien. « La mise en place de tout ce dispositif envoie un message très clair : une attaque contre un Allié donnera lieu à une réponse déterminée de la part de tous les Alliés », a-t-il ajouté.

Seulement, il est donc question d’aller encore plus loin. Ainsi, le secrétaire général a évoqué une hausse sensible des forces présentes dans la partie oritentale de l’Alliance, ce qui passerait par davantage de déploiements permanents aériens et navals, un renforcement de la défense aérienne et antimissile, un effort accru en matière de cyberdéfense et par des exercices plus fréquents.

« Notre nouveau dispositif devrait inclure des forces nettement plus nombreuses dans la partie orientale de l’Alliance, à un niveau de préparation plus élevé, avec davantage d’équipements et de fournitures prépositionnés », a détaillé M. Stoltenberg, ce 16 mars, après une réunion extraordinaire des ministres de la Défense des pays membres. « Nous sommes confrontés à une nouvelle réalité pour notre sécurité. Nous devons donc réinitialiser notre défense collective et notre dissuasion pour le long terme », a-t-il insisté.

Le commandat suprême des forces alliées en Europe [SACEUR], le général américain Tod Wolters, a été chargé de faire des propositions en ce sens, en vue du sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Otan, qui doit se tenir à Madrid, en juin prochain.

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