En mer de Chine, les navires français font régulièrement l’objet d’actes d’intimidation, selon l’amiral Vandier

En avril 2021, le sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] Émeraude et le Bâtiment de soutien et d’assistance métropolitain [BSAM] « Seine » retrouvaient la base navale de Toulon, après un périple de sept mois dans la zone Indo-Pacifique. Et, lors de cette mission dite « d’intérêt stratégique », les deux navires français s’aventurèrent en mer de Chine mérdionale, dont l’appartenance est revendiquée, dans sa quasi-totalité, par Pékin.

 » Pourquoi une telle mission? Pour enrichir notre connaissance de cette zone et affirmer que le droit international est la seule règle qui vaille, quelle que soit la mer où nous naviguons. […] Nous entendons protéger notre souveraineté et nos intérêts », avait commenté Florence Parly, la minsitre des Armées, en rappelant que la France était également une « nation de l’Indo-Pacifique ».

Interrogé, à son retour, par le quotidien Var Matin sur d’éventuelles interactions avec la composante navale de l’armée populaire de libération [APL], le « pacha » de l’Émeraude botta en touche. Pas de commentaire », avait-il dit.

Cela étant, la Marine nationale mena d’autres missions en Indo-Pacifique l’an passé. Le porte-hélicoptères amphibie [PHA] Tonnerre et la frégate légère furtive [FLF] Surcouf passèrent ainsi par la mer de Chine méridionale pour se rendre au Japon, dans le cadre de la mission Jeanne d’Arc 2021. La frégate de surveillance Prairial fut déployée en mer de Chine orientale, au titre de l’opération AETO, menée pour documenter les entorses aux sanctions internationales décidées contre la Corée du Nord.

Enfin, le navire espion Dupuy de Lôme, conçu pour collecter des renseignement d’origine électro-magnétique [ROEM], navigua dans le détroit de Formose [ou de Taïwan], selon une confidence faite par Mme Parly aux sénateurs.

Alors que la Chine est prompte à protester dès qu’un navire étranger navigue en mer de Chine méridionale ou passe par le détroit de Taïwan, aucun incident concernant les bâtiments de la Marine nationale n’a été officiellement signalé durant cette année 2021. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il n’y en a pas eu…

En effet, dans un entretien accordé à la revue Conflits, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], l’amiral Pierre Vandier a affirmé que les « actes d’intimidation » en mer sont « devenus réguliers ». Ainsi, a-t-il continué, « à trois reprises cette année, une frégate chinoise a coupé la route d’un navire de guerre français en passant à 50 mètres de son étrave ». Et d’ajouter : « C’est leur façon de signifier que nous sommes indésirables en mer de Chine ».

« Heureusement, nos commandants ont pour consigne d’éviter l’escalade tout en réaffirmant le respect du droit international », a souligné le CEMM.

Depuis le 31 janvier, la frégate de surveillance Vendémiaire assure une patrouille en mer de Chine méridionale. Est-ce cette dernière qui a fait l’objet des actes d’intimidation décrits par l’amiral Vandier?

Dans son dernier compte-rendu des opérations, l’État-major des armées [EMA] indique que cette frégate a navigué près des îles Spratley et Paracels [revendiquées par Chine, qui y a installé des capacités d’interdiction et de déni d’accès] et qu’elle a mis le cap vers le récif de Scarborough [que Pékin dispute à Manille, ndlr]. Le Vendémaire est « suivi de manière professionnelle par la frégate chinoise Zhanjiang », a-t-il cependant précisé.

Plus généralement, l’amiral Vandier estime que, désormais, la « mer ressemble à une banlieue où les gens auraient brutalement troqué leurs matraques et Tasers contre des kalachnikov pour régler leurs différends ». Et d’expliquer qu’il en a pris vraiment conscience lors de l’incident entre la frégate Courbet et un navire turc, en juin 2020, au large de la Libye. Pour rappel, le bâtiment français avait été « mis en joue » alors qu’il contrôlait le respect de l’embargo sur les armes.

« Je vous laisse imaginer ce qui pourrait arriver entre des marines qui ne sont pas alliées. Un jour, nous serons mis au défi de notre propre volonté, et il faudra probablement être capable d’accepter un échange de coups, au moins intellectuellement dans un premier temps, pour faire valoir nos intérêts », a fait valoir le CEMM.

Quoi qu’il en soit, a-t-il continué, le « match naval est en train de changer » et « je n’imagine pas que les pays dépensant autant d’argent pour s’offrir une marine puissante ne nourrissent pas d’arrière-pensées ». Et de souligner que « des gens se donnent les moyens de mettre au défi notre réponse » et que, par conséquent, il faut « que nos forces soient capables de les affronter le jour où cet ordre leur sera donné ».

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