L’armée de l’Air et de l’Espace préoccupée par le manque d’interopérabilité entre le Rafale et le F-35

Grâce à la liaison de données tactiques L16 [ou Liaison 16], un chasseur-bombardier de 5e génération comme le F-35 peut échanger des informations avec d’autres appareils de conception plus ancienne. Seulement, ce mode de communication peut être détecté par un adversaire potentiel, ce ferait perdre à l’avion de Lockheed-Martin l’un de ses principaux avantages, à savoir la furtivité.

Aussi, les F-35 utilisent un système de liaison de donnés censé être plus sûr, comme le MADL [Multi Function Advanced Data Link], qui leur permet de communiquer entre eux en toute discrétion. Mais pour qu’ils puissent continuer à transmettre des données à des Eurofighter Typhoon, par exemple, via la L16 sans prendre le risque de se faire détecter, il faut une « passerelle » de communication, appelée BACN [Battlefield Airbone Communication Node].

Ce qui entre dans les « coûts cachés » du F-35, comme l’avait souligné un rapport du Comité de défense de la Chambre des communes [HCDC] au sujet de la Royal Air Force. Qui plus est, il y a également des soucis potentiels au niveau de la bande passante utilisée par les communications, le volume des données produites étant plus élevé qu’auparavant.

Pour l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], l’interopérabilité entre le Rafale [ainsi qu’avec ses autres types d’avions, comme l’A330 MRTT] et le F-35 est désormais une source de préoccupation. Au point que, si les choses en restent à l’état, il n’est pas certain qu’elle puisse rééditer une opération comme celle qui fut conduite avec l’US Air Force et la Royal Air Force contre le programme chimique syrien en avril 2018. En outre, le chasseur-bombardier de Lockheed-Martin tend à devenir l’épine dorsale de nombreuses forces aériennes européennes, ce qui finira par poser des soucis pour les missions effectuées dans le cadre de l’Otan.

Cet aspect a d’ailleurs récemment été souligné dans un rapport publié par les députés Jean-Charles Larsonneur et Charles de la Verpillière au sujet des « enjeux géopolitiques et de défense en Europe de l’Est ».

« Le maintien de l’interopérabilité avec les États-Unis est indispensable pour nos opérations » alors que « plusieurs partenaires européens ont recours aux F-35 dans le cadre de l’eAP [enhanced Air Policing, mission de police du ciel au profit des États baltes, ndlr], notamment l’Italie qui en a déployé l’an dernier », ont d’abord rappelé les rapporteurs. « La mission a pu être tenue en toute interopérabilité et grâce au fait que la mission est principalement centrée sur le commandement et non sur l’armement », ont-ils ajouté.

Cela étant, ont-ils continué, « si l’AAE n’a pas à se prononcer sur le choix du F35 par nos partenaires européens, la préservation de l’interopérabilité sur tous les théâtres est un enjeu primordial pour la France, ce qui implique de travailler davantage avec les partenaires européens dotés de F35, tels que les Britanniques, les Hollandais, les Italiens et bientôt les Finlandais ».

Dans un entretien accordé à Breaking Defense lors d’un déplacement à Washington, le n°2 de l’AAE, le général Frédéric Parisot a indiqué que l’interopérabilité avec le F-35 est une priorité.

« Nous aimerions pouvoir opérer de la même manière que nous l’avons fait en 2018 lors du raid contre le programme chimique syrien » mais « je ne suis pas certain que ce soit possible en ce moment, car il y a de plus en plus d’escadrons de F-35 au sein de l’Otan et notre interopérabilité entre les F-35 et les Rafale fait toujours l’objet d’un travail en cours », a expliqué le général Parisot.

« Il est inconcevable d’avoir une alliance à deux vitesses, séparant les flottes de F-35 des autres. Cette question d’interopérabilité a été l’une de nos priorités lors de cette visite » à Washington, a-t-il poursuivi.

En clair, il faudrait une « passerelle » entre le MADL du F-35 et la liaison protégée et renforcée permise par la mise en service de la constellation de satellite Syracuse 4. A priori, les échanges qu’a pu avoir le général Parisot et ses interlocuteurs américains auront été fructueux. « Nos deux forces aériennes sont actuellement soumises à une énorme pression opérationnelle, et nous avons pu faire des progrès considérables, grâce au soutien et à l’ouverture d’esprit de nos homologues américains, en particulier le général Jeffrey Harrigian », a-t-il confié.

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