Faute de lanceur Soyouz, la mise sur orbite du satellite militaire français CSO-3 sera retardée d’un an

Le 19 décembre 2018, une fusée Soyouz décollait du Centre spatial guyanais [CSG] pour placer le premier des trois satellites d’observation militaire de la constellation CSO [Composante spatiale optique] sur une orbite héliosynchrone phasée, à 800 km d’altitude.

Le lancement du second engin prit un peu de retard, en raison d’une suspension temporaire des vols à Kourou. Mais il eut finalement lieu en décembre 2020, grâce encore à une fusée Soyouz. Depuis, CSO-2 tourne autour autour de la Terre à 480 km d’altitude, ce qui lui permet de fournir des images d’une « extrême haute résolution » au Centre militaire d’observation par satellites [CMOS] 1/92 « Bourgogne ».

L’objectif était alors de déclarer la pleine capacité opérationnelle de la constellation CSO en 2022… après le lancement, par une fusée Ariane 6, de CSO-3, celui-ci devant être placé sur la même orbite que CSO-1 [soit à 800 km d’altitude] afin d’augmenter la fréquence de prise de vue des zones d’intérêt.

« Arianespace annonce avoir signé avec le CNES le contrat de services de lancement pour le satellite CSO-3 qui sera lancé à bord du futur lanceur Ariane 6, dans sa version A62, depuis le Centre Spatial
Guyanais. Cette option figurait dans le contrat de lancement précédemment conclu pour la mise en orbite, au moyen du lanceur Soyuz, des satellites CSO-1 et CSO-2 », s’était félicité le groupe, dans un communiqué publié en septembre 2018.

Seulement, des « difficultés techniques imprévues » dans le développement des « bras cryotechniques qui relient le lanceur au pas de tir, et du générateur de puissance auxiliaire de l’étage supérieur de la fusée » ainsi que l’impact de la pandémie de covid-19 conduisirent ArianeGroup à repousser la mise en service d’Ariane 6 de deux ans, soit au second trimestre 2022. Ce qui n’arrangeait pas forcément les affaires du ministère des Armées.

Cela étant, celui-ci avait dit espèrer pouvoir disposer d’un « système complet à la pointe de l’imagerie spatiale » […] à l’horizon 2022. Et on pouvait alors penser que le retard d’Ariane 6 n’allait pas être si préjudiciable que cela.

Sauf que, finalement, avec les incertitudes concernant la date exacte du premier vol d’Ariane 6 [qui ont depuis été levées, un lancement été prévu au second semestre 2022], le ministère des Armées a décidé de d’avoir de nouveau recours à un lanceur Soyouz pour le satellite CSO-3. Selon La Tribune, cette décision aurait été prise à la fin de l’année 2021, c’est à dire au moment même où la Russie accentuait sa pression militaire sur l’Ukraine [ne laissant que très peu de doutes sur ses intentions] tout en engageant un bras de fer diplomatique avec les Occidentaux afin d’obtenir des garanties juridiques sur sa sécurité.

La suite est connue. Le 24 février, les discussions n’ayant pas évolué dans le sens qu’il souhaitait, le président russe, Vladimir Poutine, a lancé ses forces armées à l’assaut de l’Ukraine. Ce qui a incité les Occidentaux à sanctionner la Russie, en particulier sur le plan économique. En retour, Moscou a cessé sa coopération dans le domaine spatial, privant ainsi Arianespace du lanceur Soyouz. Ce qui, par conséquent, va contrarier les plans du ministère des Armées pour le lancement de CSO-3.

Aussi, la seule solution est de revenir à l’idée initiale… « L’option qui se dessine c’est d’utiliser Ariane 6 dont le premier vol opérationnel est attendu dans les prochains mois », a en effet déclaré Hervé Grandjean, le porte-parole ministère des Armées, lors de son dernier point presse hebdomadaire. Le « décalage » induit sera d’environ « un an » mais il n’y aura « pas d’impact opérationnel à court terme », a-t-il précisé, CSO-1 et CSO-2 fournissant déjà un « nombre d’images très important ».

Cela étant, la décision russe de suspendre la coopération dans le domaine spatial aura d’autres conséquences sans doute moins « visibles » mais néanmoins importantes. Ainsi, les réservoirs de l’étage supérieur « AVUM » de la fusée italienne Vega sont fournis par le groupe NPO Lavotchkine et produits près de Moscou.

Les États-Unis pourraient également être impactés, l’agence russe Roscosmos ayant annoncé l’arrêt des livraisons des moteurs RD-180 et RD-181, utilisés pour propulser les fusées Atlas V du consortium ULA [United Launch Alliance], lesquelles sont régulièrement utilisées par le Pentagone, et Antares produites par Northrop-Grumman.

« Depuis le milieu des années 1990 », les livraison de moteurs aux Américains ont été « assez intenses », a rappelé Dmitri Rogozine, le directeur de Roscosmos. Maintenant, « laissons les voler sur autre chose, leurs balais, je ne sais pas quoi », a-t-il ironisé.

Un autre question porte sur la coopération relative à la Station spatiale internationale [ISS], la participation de la Russie à ce programme ayant été remise en question par M. Rogozine.

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