L’Irlande envisage de revoir sa tradition de neutralité militaire et d’investir massivement dans sa défense

Même si ses forces armées participent à des missions de la paix sous la bannière des Nations unies, l’Irlande tient à son statut de pays neutre, ce qui, d’ailleurs, fit l’objet de débats lors des référendums relatifs à son appartenance à l’Union européenne [UE]. Cette neutralité avait même été conforté par la Déclaration de Séville de 2002.

« L’Irlande confirme que sa participation à la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne n’affecte pas sa politique traditionnelle de neutralité militaire » et « conformément » à cette dernière elle « n’est liée par aucun engagement en matière de défense mutuelle et ne participe à aucun projet visant à mettre en place une armée européenne », précise ainsi ce texte.

Cependant, l’annonce d’un soutien à l’Ukraine, via des livaisons d’armes et d’équipements militaires, faite le 27 février par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, et Josep Borell, le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, marque un tournant. Notamment pour l’Irlande qui, malgré sa neutralité, est solidaire de cette décision, de par son appartenance à l’UE.

Cela étant, l’Irlande s’interroge sur sa neutralité militaire. Et il est désormais question de changement radical dans sa politique de défense, pour laquelle elle ne consacre que 0,2% de son PIB… Ce qui en fait le dernier budget militaire de l’Union européenne. Et cela pour plusieurs raisons.

En premier lieu, et étant donné qu’elle occupe une place stratégique dans l’Atlantique Nord, l’Irlande s’inquiète des incursions régulières de bombardiers stratégiques et d’avions de patrouille maritime russe dans ses environs. Au point que, en 2020, des responsables irlandais ont proposé de doter l’île d’une aviation de combat, afin de ne plus s’en remettre qu’à la seule Royal Air Force [RAF], en vertu d’un « pacte secret » noué avec le Royaume-Uni.

En outre, ses approches maritimes sont également « visitées » par des navires russes, notamment ceux soupçonnés d’espionner [ou de saboter] les câbles sous-marins de télécommunication. Or, plusieurs transitent au large de l’Irlande… Et ils sont essentiels pour les liaisons entre les États-Unis et l’Europe. Plus récemment, Dublin a protesté contre le projet de la marine russe d’organiser un exercice navale dans sa zone économique exclusive [ZEE]. Exercice qui a finalement été déplacé…

En février, la Commission des forces de défense irlandaises a rendu un rapport appelant le gouvernement à reprendre en main sérieusement la défense de l’île, afin de faire face aux activités de la Russie et de la Chine, ainsi qu’à la menace terroriste. Et à mettre le prix, le document ayant recommandé d’augmenter les dépenses militaires de +200% à brève échéance.

Un tel effort devrait permettre l’achat d’avions de transport et de 12 nouveaux navires pour surveiller la ZEE irlandaise ainsi que la création d’une escadron de chasse doté de 12 à 24 appareils pour assurer la police du ciel et la hausse des effectifs des forces de défense, avec le recrutement de 10’000 militaires supplémentaires. Évidemment, cela devrait complété par l’aquisition d’autres capacités complémentaires, notamment en matière de surveillance radar.

Le gouvernement irlandais ira-t-il dans le sens prôné par ce rapport. En tout cas, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a changé la donne. « Cela nous oblige à réfléchir à notre politique de sécurité », a admis Leo Varadkar, le vice-Premier ministre irlandais, sur les ondes de la RTE, le 1er mars. « Je ne nous vois pas postuler pour rejoindre l’Otan, mais je nous vois nous impliquer davantage dans la défense européenne », a-t-il ajouté.

« Nous avons toujours supposé, au cours des 70 dernières années, que notre neutralité militaire nous protégerait et que si nous étions quand même attaqués, des pays de l’Otan, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, viendraient à notre secours. Mais nous devrons nous demander si nous pouvons toujours supposer cela », a affirmé M. Varadkar. En outre, il a également estimé que l’Irlande devrait revoir une loi qui lui interdit de participer à une opération militaire sans un mandat des Nations unies. Selon lui, il s’agitait de tenir compte du droit de veto de la Russie au Conseil de sécurité.

Des pays neutres ont déjà reconsidéré leur politique de défense, à l’aune des activités de la Russie. Tel est le cas, par exemple, de la Suède, qui a, notamment, augmenté significativement son bugdet militaire et repris en main son industrie de l’armement [parmi d’autres mesures]. Et c’est aussi celui de la Finlande… En Autriche, l’heure est aussi à un changement de posture, après des années de régime sec pour ses forces armées.

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