Le retour du service militaire fait de nouveau débat en Allemagne

Durant la campagne présidentielle de 2017, le candidat Emmanuel Macron avait proposé d’instaurer un « service militaire universel » obligatoire d’une durée d’un mois. Cette idée avait-elle été émise pour séduire une partie de l’électorat dont une partie, selon les enquêtes d’opinions, serait favorable à un retour de la conscription? Ou traduisait-elle une conviction profonde, en dépit qu’un tel projet allait être difficile à mettre en oeuvre? En tout cas, cette proposition s’est depuis transformée en un « service national universel » qui, a priori, peine à trouver sa vitesse de croisière.

Qu’en sera-t-il pour les prochaines échéances électorales, alors que M. Macron, qui ne s’est pas encore déclaré candidat pour un nouveau mandat, a prévenu que l’invasion de l’Ukraine par la Russie allait avoir « des conséquences durables et profondes […] sur nos vies » et exigerait de prendre les décisions qui « s’imposeront »?

Sans doute que le débat qui vient de [re]naître en Allemagne aura une influence en France. Pour rappel, Berlin a décidé de suspendre la conscription en 2010. Et les derniers conscrits furent incorporés au sein de la Bundeswehr pour une durée de six mois, en janvier 2011.

À l’époque, il était question de porter l’effectif total des forces armées allemandes à 185’000 soldats, grâce au recrutement de 15’000 volontaires par an. Et il s’agissait ainsi pour ces dernières d’être en mesure de déployer davantage d’hommes sur les théâtres d’opérations extérieurs. Seulement, en raison d’une démographie atone, d’un faible taux de chômage chez des jeunes peu portés sur la vie militaire, la Bundeswehr a régulièrement été à la peine pour trouver des recrues… au point qu’il fut un temps proposé d’ouvrir son recrutement à des ressortissants européens.

Quoi qu’il en soit, depuis la décision du président russe, Vladimir Poutine, d’envahir l’est de l’Ukraine, l’idée de rétablir le service militaire s’est rapidement imposée dans le débat politique allemand. Et selon de nouvelles modalités puisqu’il serait question pour l’ensemble d’une classe d’âge [garçons et filles] d’effectuer un an sous les drapeaux [ou dans un serice d’intérêt général] à la fin du cursus scolaire.

Porte parole du SPD [le parti du chancelier Olaf Scholz, ndlr] pour les questions de défense, Wolfgang Hellmich a ainsi estimé nécessaire d’avoir un débat sur ce retour de la conscription outre-Rhin. Et cela de « façon urgente car nous besoin d’un consensus au niveau de la société sur ce sujet », a-t-il dit, dans le colonnes du Rheinische Post. Et d’estimer que cela « encouragerait l’esprit de solidarité ».

À l’autre bord de l’échiquier politique allemand, la vice-présidente du Parti chrétien-démocrate [CDU] Carsten Linnemann, a exprimé la même opinion. « Un tel service renforcerait la résistance de notre société, en fournissant des compétences sociales dont un pays a besoin en temps de crise », a-t-elle confié au quotidien Bild.

Pour Joachim Krause, directeur de l’Institut de politique de sécurité de Kiel, ce retour de la conscription est quasiment inéluctable. « L’Otan est en train de repasser à une stratégie de dissuasion et l’Allemagne va devoir participer car elle est le pays le plus important en matière de forces terrestres et nous avons de grands déficits. Et je pense que nous allons probablement devoir réintroduire le service militaire obligatoire », a-t-il fait valoir, à l’antenne de la chaîne Sat 1.

Cependant, tout le monde n’est pas sur la même ligne. Commissaire parlementaire auprès de la Bundeswehr, Eva Högl [SPD] estime, au contraire, que le retour de la conscription n’est pas une priorité, contrairement au renforcement qualitatif des capacités militaires allemandes. « Nous avons besoin de technologie et de système d’armement, pas de têtes », a abondé Florian Hahn, membre de la CSU [le parti bavarois associé à la CDU].

Pour que le service militaire soit de nouveau en vigueur outre-Rhin, il faudrait que les deux tiers des députés du Bundestag y soient favorables. Le débat ne fait sans doute que commencer… Et peut-être que la Suède, qui a récemment remis la conscription au goût du jour après l’avoir suspendu, sera prise en exemple.

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