Indo-Pacifique : Selon un rapport, la Chine pourrait exploiter la fragilité des forces françaises pour imposer un fait accompli

En septembre dernier, après la rupture du contrat relatif aux sous-marins australiens, on pouvait légitimement se demander si la décision de Canberra de nouer une alliance stratégique avec Washington et Londres n’était pas en partie dû au fait que la France n’avait pas forcement les moyens de ses ambitions militaires dans la région Indo-Pacifique.

En effet, après la professionnalisation des armées, décidée en 1995, et le coup de rabot de la Révision générale des politiques publiques [RGPP], en partie confirmé par la Loi de programmation militaire [LPM] 2014-19, le format des forces dites de souveraineté s’est réduit comme peau de chagrin… alors même qu’elles contribuent aux principales fonctions stratégiques [prévention, intervention et connaissance et anticipation] et sont susceptibles d’appuyer la dissuasion. Qui plus est, les capacités qu’elles mettent en oeuvre sont insuffisantes [il leur manque, par exemple, des moyens de lutte anti-sous-marine], quand elles ne sont pas dépassées, au point de risquer des ruptures capacitaires temporaires.

Ainsi, en juillet dernier, plus aucun navire de la Marine nationale n’était disponible en Nouvelle-Calédonie, après un incendue survenu à bord du plus récent d’entre-eux, à savoir le Bâtiment de soutien et d’assistance outre-Mer [BSAOM] D’Entrecasteaux. Certes, le renouvellement des patrouilleurs P400 est engagé… de même que celui des avions de surveillance maritime [programme AVSIMAR, désormais appelé « Albatros »]. Mais il manquera toujours des capacités de lutte anti-sous-marine… Et des avions de transport récents.

Tel est le constat dressé par les députées Monica Michel-Brassart et Laurence Trastour-Isnart, dans un rapport sur les « enjeux de la défense en Indo-Pacifique », récemment publié.

« La modernisation de nos moyens militaires a déjà été engagée, notamment à la suite de la dernière LPM. Ainsi, en 2025, les Falcon 200 […] dédiés à la surveillance maritime vont tous être remplacés par des Falcon 2000 beaucoup plus performants […]. Les nouveaux patrouilleurs d’outre-mer [POM] devraient arriver en 2023 en Nouvelle-Calédonie et les deux années suivantes à la Réunion et en Polynésie. Le renouvellement des Frégates de Surveillance devrait quant à lui intervenir à l’horizon post-2030 », reconnaissent les deux parlementaires.

Mais, préviennent-elles, « il n’en reste pas moins que ce décalage du rythme de la montée en puissance de nos moyens militaires avec ceux de la Chine crée une fragilité exploitable par cette dernière pour mener une politique du fait accompli, notamment en matière de pêche, tout en exposant nos marins à un potentiel incident armé ».

Au cours de leurs auditions réalisées pour les besoins de leur rapport, Mmes Michel-Brassart et Trastour-Isnart ont recensé quelques pistes pour remédier à cette situation.

Ainsi, il est question de « reconsidérer la cible des patrouilleurs présents en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie [actuellement 2 unités par plots qui pourraient être augmentées de 1 à 2 patrouilleurs supplémentaires] », ce qui ferait 2 à 4 POM de plus à commander.

Dans le même registre, les députées préconisent d’accélérer et de renforcer le renouvellement des frégates de surveillance par le « lancement d’un programme de corvettes [en cohérence avec le programme de corvette européenne], navires de classe moyenne mais dotés d’une valeur militaire plus solide afin d’afficher une présence militaire prépositionnée de plus forte crédibilité opérationnelle ». Et d’estimer qu’il en faudrait deux par plot, au lieu d’une.

Une autre recommandation parle d’étudier « l’acquisition de moyens amphibies prépositionnés, capacité perdue avec le retrait du service des BATRAL [bâtiment de transport léger], mais pourtant utiles pour disposer sur zone d’une capacité minimale de projection de force en cas de mission humanitaire […], de maintien de l’ordre [Ouvéa, nord de la Nouvelle-Calédonie…] voire de démonstration de puissance interarmées, face à un risque d’occupation étrangère illégale d’un îlot isolé ».

Enfin, il s’agirait également d’accélérer le « renouvellement de la composante ‘surveillance Maritime’ en la combinant avec un programme de surveillance spatiale plus ambitieux, en s’appuyant sur les capacités satellites civiles et de l’IA pour en extraire des données valorisées » et de « conduire des activités à forte visibilité stratégique ».

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