Selon son chef, l’armée de terre allemande ne pourra soutenir l’Otan que d’une façon « extrêmement limitée »

Lors du sommet de l’Otan qui s’était tenu à Bruxelles, en juillet 2018, Donald Trump, alors président des États-Unis, avait mis l’Allemagne devant ses contradictions, en l’accusant d’être dans la main de la Russie pour ses approvisonnements énergétiques alors qu’elle comptait sur les forces américaines pour la défendre contre la menace russe.

« L’Allemagne est complètement contrôlée par la Russie […] elle est prisonnière de la Russie. […] Elle paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisionnements en énergie et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela? Ce n’est pas juste! », s’était emporté M. Trump face à Angela Merkel. Et d’enfoncer le clou sur les manquements de Berlin à l’égard de l’Otan, en particulier sur l’engagement de porter les dépenses militaires à 2% du PIB.

Ces contradictions pointées par l’ex-chef de la Maison Blanche viennent d’être mises en pleine lumière après que la Russie a lancé une offensive de grande ampleur contre l’Ukraine. Chef d’état-major de la « Heer », c’est à dire la composante terrestre des forces armées allemandes [Bundeswehr], le général Alfons Mais a mis les pieds dans le plat, dans un message publié via son compte Linkedin, ce 24 février.

« Vous vous réveillez le matin et vous réalisez qu’il y a la guerre en Europe. […] Dans ma 41e année de service en temps de paix, je n’aurais pas cru devoir vivre une autre guerre. Et la Heer que j’ai l’honneur de commander est plus ou moins à sec » au point que les « options politiques que nous pouvons proposer pour soutenir l’Otan sont extrêmement limitées », a déploré le général Mais.

Et d’ajouter : « Nous l’avons tous vu venir et n’avons pas pu faire passer nos arguments pour tirer et mettre en œuvre les leçons de l’annexion de la Crimée ».

Aussi, pour le général Mais, il est plus que temps de « laisser derrière nous la mission en Afghanistan, sur le plan structurel et matériel, et de nous réorganiser, faute de quoi nous ne pourrons pas mettre en œuvre notre mission constitutionnelle et nos engagements envers l’Alliance avec des chances de succès ».

Pourtant, ce ne sont pas les rapports qui ont manqué pour alerter sur l’état de préparation des forces allemandes, comme ceux de Hans-Peters Bartels, commissaire parlementaire auprès de la Bundeswehr entre 2015 et 2020.

« Alors que les missions extérieures avec de petits contingents se sont bien déroulées, la Bundeswehr, dans son ensemble, ne peut actuellement être utilisée pour la défense collective », avait-il conclu en 2018, alors que l’Allemagne devait prendre la tête de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation [Very High Readiness Joint Task Force, VJTF] de l’Otan en janvier 2019. Et un constat identique sera dressé les années suivantes…

Ainsi, un rapport interne à la Bundeswehr, cité par le quotidien Die Welt, s’était alarmé du manque de disponibilité de certains équipements clés. « Au Panzerlehrbataillon 93 de la Panzerlehrbrigade 9 de Munster [alors appelé à intégrer la VJTF, ndlr], à peine 9 des 44 chars Leopard 2A6 sont prêts et sur les 14 Marder nécessaires, seuls 3 sont en état de marche », y était-il affirmé. Et la situation des petits équipements, pourtant essentiels, était encore plus compliquée…

Ayant eu souvent à croiser le fer avec Olaf Scholz, qui fut ministre du budget du dernier gouvernement dirigé par Mme Merkel avant de devenir à son tour chancelier, l’ex-ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, a fait son mea culpa.

« Je suis tellement en colère parce que nous avons échoué historiquement. Après la Géorgie, la Crimée et le Donbass, nous n’avons rien fait […] pour dissuader vraiment Poutine », a lancé Mme Kramp-Karrenbauer, qui n’a parlé du projet Nord Stream 2. « Nous avons oublié la leçon des anciens chanceliers Helmut Schmidt et Helmut Kohl, selon laquelle si la négociation vient toujours en premier, nous devons aussi être suffisamment fort militairement pour que la non-négociation ne soit pas une option pour l’autre partie », a-t-elle conclu.

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