Un rapport parlementaire n’exclut pas un échec pour le SCAF et le futur char de combat franco-allemand

Le rapport qu’ont remis les députés Patricia Mirallès et Jean-Louis Thiériot au sujet de la préparation des forces françaises à la « haute intensité » est riche en informations. Et il a le mérite de soulever quelques questions qui fâchent… Comme l’état d’avancement des projets menés en coopération avec l’Allemagne. Hormis le programme de drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] européen, qui a connu un éclaircie avec l’accord de l’Espage sur son financement, tous sont au point mort, quand leur existence n’est pas menacée.

Ainsi, le Maritime Airborne Warfare System [MAWS – patrouille maritime] ne se relèvera probablement pas de la décision prise par Berlin d’acquérir cinq avions P-8A Poseidon. Quant au développement du standard Mk3 de l’hélicoptère d’attaque Tigre, son ambition sera revue à la baisse si l’Allemagne ne finit pas par le rejoindre… Or, celle-ci a visiblement un autre projet, celui de se procurer des AH-64 Apache américains.

Et les difficultés n’épargnent pas non plus les deux programmes les emblématiques de cette coopération franco-allemande, à savoir le Système de combat aérien du futur [SCAF] et le Main Groud Combat System [MGCS], qui doit déboucher sur un char de combat de nouvelle génération, appelé à remplacer le Leclerc et le Leopard 2.

Certes, le SCAF, conduit par la France, a fait l’objet d’un accord intergouvernemental [appelé arrangement d’application n°3 ou IA3] qui, signé par l’Allemagne et l’Espagne, ouvre la voie à un démonstrateur. Seulement, Dassault Aviation et Airbus n’ont pas encore trouvé une entente au sujet du « New Generation Fighter » [NGF], c’est à dire le chasseur-bombardier sur lequel reposera ce « système de systèmes », l’industriel français n’entendant rien céder sur les leviers devant lui permettre d’exercice sa maîtrise d’oeuvre.

Aussi, et comme cela fait maintenant plus d’un an que la situation est bloquée, les deux rapporteurs ont abordé le sujet du SCAF en le qualifiant de « plus en plus hypothétique ». D’autant plus qu’un éventuel achat par l’Allemagne d’avions F-35A pour remplacer ses avions de combat Tornado risquerait de porter atteinte à ce projet… Projet qui pourrait également « se heurter aux désaccords entre les deux nations sur la politique d’exportations », la nouvelle coalition gouvernementale allemande ayant « annoncé clairement qu’elle s’opposerait à tout export vers le Moyen-Orient » alors que le « modèle industriel français repose, pour son financement, sur l’exportation de 50 % des aéronefs produits ».

Si le Pdg de Dassault Aviation, Éric Trappier, a parlé d’un possible plan B en cas d’échec, M. Thiériot et Mme Mirallès ont évoqué la nécessité de développer un standard F6 du Rafale, alors que le standard F3R a récemment été déclaré opérationnel et que le standard F4 est en cours de développement.

« Alors que le projet franco-allemand de système de combat aérien du futur […] accapare légitimement l’attention, il convient de souligner qu’il ne donnerait pas lieu à des livraisons avant 2040. D’ici là, deux autres standards du Rafale devront raisemblablement être développés », lit-on dans le rapport.

« À horizon 2035, en effet, le standard F4 sera probablement obsolète face à des moyens renforcés de guerre électronique et des systèmes de défense sol-air encore plus performants qu’aujourd’hui, à l’instar des systèmes russes S-500. En outre, le Rafale sera confronté à des avions de combat plus performants, mettant en œuvre des technologies auxquels les Européens n’auront pas forcément accès ‘sur étagère' », lit-on dans le rapport.

Qui plus est, souligne ce dernier, il faudra que le Rafale soit en mesure d’emporter le futur missile ASN 4G [Air-Sol Nucléaire 4e génération], et donc assurer « potentiellement la mission nucléaire durant plus d’une décennie » car même « si le calendrier du SCAF était respecté, il est peu probable que la France décide de basculer sur le futur avion de combat la responsabilité de la composante nucléaire aéroportée dès 2040, du moins pas intégralement ». Aussi, en déduit-il, « c’est notamment pour cette raison qu’un standard F6 succédera sans doute à un standard F5 ».

Pour le moment, et comme l’avait expliqué, l’an passé, le général Frédéric Parisot, le major général de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], les contours du standard F5 « ne sont pas encore arrêtés » mais « dans quinze ans, le le Rafale sera doté d’un nombre impressionnant de capacités, dont certaines que nous n’imaginons pas encore ».

S’agissant du MGCS, le rapport des deux députés n’est guère plus optimiste. Il s’agira d’un « système de systèmes constituant une approche nouvelle de l’architecture du combat de contact », devant être « composé de plusieurs plateformes portant des ‘effecteurs’ différents [canon gros calibre, missile…], certaines à terme inhabitées et accompagnées de capteurs aériens déportés », détaille-t-il.

Seulement, « en tout état de cause, et dans le meilleur des cas, il ne devrait pas aboutir avant 2040 », préviennent les rapporteurs. Or, comme a eu l’occasion de le dire le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA], « si l’armée de Terre fait encore la guerre avec le char Leclerc en 2040, c’est un peu comme si on avait fait la guerre du Golfe avec des M4 Sherman ». Or, pour le moment, ce programme est à l’arrêt [ou presque], faute d’accord entre les industriels concernés [Rheinmetall et Nexter, associé à Krauss-Maffei Wegmann au sein de KNDS].

« Aucun accord équilibré n’a pu être trouvé à ce stade. Il n’est donc pas exclu que la France soit placée dans l’obligation de financer ce projet seule, ce qui pourrait se traduire par une révision à la baisse de ses ambitions opérationnelles », préviennent ainsi les deux députés.

Cela étant, une telle hyopthèse avait déjà été évoqué par le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT]. « Si le MGCS ne peut pas être réalisé avec l’Allemagne, il faudra soit envisager un programme franco-français, soit s’appuyer sur la communauté SCORPION tournée vers le Benelux. De toute façon, il faudra aboutir à la construction d’un nouveau char », avait-il affirmé, lors d’une audition parlementaire, en novembre dernier.

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