Le Parlement russe approuve les accords conclus avec les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk

La Russie avait attendu plusieurs années pour nouer des accords stratégiques avec l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, deux républiques séparatistes géorgiennes dont elle avait reconnu l’indépendance à l’issue d’une offensive militaire qu’elle avait menée contre la Géorgie, en août 2008.

Accords qui avaient par ailleurs été dénoncés par l’Otan et l’Union européenne [UE], estimant qu’ils « violaient » l’intégrité territoirale de la Géorgie tout en contredisant les « principes du droit international et les engagements internationaux de la Russie ». Cela étant, depuis leur signature, aucun n’a été remis en cause.

Le cas des « républiques » populaires de Donetsk [RPD] et de Louhansk [LPR], situées dans la région ukrainienne du Donbass, est différent, dans la mesure où, malgré le soutien qu’elle leur a apporté, en particulier dans le domaine militaire, depuis 2014 et son annexion de la Crimée, la Russie aura tardé à reconnaître leur indépendance.

C’est désormais chose faite, alors que plus de 3000 violations du cessez-le-feu instauré par les accords de Minsk 2 dans le cadre du format dit de Normandie [Russie, Ukraine, France, Allemagne] venaient d’être constatée par la mission spéciale de surveillance de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe [OSCE].

En effet, le 21 février, soit à l’issue d’une journée au cours de laquelle Moscou a fait état d’un tir d’artillerie contre un poste frontière et de la destruction de deux blindés de reconnaissance ukrainiens sur son territoire [affirmations qu’il n’est pas possible de vérifier en l’état, ndlr], le président russe, Vladimir Poutine, a officiellement reconnu l’indépendance de ces deux républiques autoproclamées.

« Je juge nécessaire de prendre cette décision qui était mûre depuis longtemps : immédiatement reconnaître l’indépendance de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Louhansk », a en effet déclaré le chef du Kremlin, avant d’annoncer, dans la foulée, la signature d’un traité d’amitié et d’entraide avec chacune d’entre-elles.

Puis, il a ordonné l’envoi d’une « force de maintien de la paix » dans ces deux « républiques », tout en intimant à Kiev de cesser « immédiatement ses opérations militaires » contre les séparatistes, au risque d’avoir à assumer « la responsabilité de la poursuite de l’effusion de sang ». Pour rappel, le conflit au Donbass a fait plus de 14’000 tués en huit ans.

Reste à voir ce que fera Moscou, qui n’a cessé d’accentuer sa pression militaire sur Kiev au cours de ces derniers mois, avec des mouvements significatifs de troupes aux frontières ukrainiennes. Le chef du SVR, le renseignement extérieur russe, Sergueï Narychkine, a peut-être apporté un élément de réponse à son corps défendant [même si une « gaffe » commise à un tel niveau par un responsable passant pour être chevronné paraît toutefois improbable…].

Ainsi, lors d’un échange avec le président Poutine, qui lui demandait s’il soutenait la déclaration sur la reconnaissance de l’indépendance des « république » de Donetsk et de Louhansk, le chef du SVR s’est apparemment emmêlé les pinceaux en disant soutenir « la proposition d’unir » ces dernières à la Fédération de Russie. « Mais on ne parle pas de ça! […] On n’en discute pas! On parle de reconnaissance ou non de leur indépendance », lui a rétorqué le chef du Kremlin.

Quoi qu’il en soit, une des questions est de savoir si les responsables des deux « républiques » autoproclamées se contenteront des territoires qu’ils contrôlent actuellement ou s’ils auront la volonté des les étendre à l’ensemble du Donbass, formé par les oblast de Donetsk et de Louhansk.

« Je ne peux en parler que brièvement. Les républiques populaires de Donetsk et Lougansk ont ​​des frontières à l’intérieur des régions de Donetsk et de Lougansk. Le temps nous dira ce qu’il reste à faire », a déclaré Denis Pushilin, l’un des chefs séparatistes pro-russes, à l’antenne de Rossiya-1, ce 22 février.

En attendant, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a précisé que les forces russes déployées dans les deux républiques autoproclamées ont pour objectif principal de « préserver de vies et d’assurer la sécurité de la population de la LPR et de la RPD, qui est constamment soumis à des actions agressives de la part des forces armées ukrainiennes ». Ce qui reste à démontrer.

Cela étant, selon Andreï Roudenko, un vice-ministre russe des Affaires étrangères, les deux traités signés par M. Poutine donnent la possibilité « d’interagir dans le domaine de la politique étrangère ainsi qu’en matière de protection de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, notamment en se prêtant l’assistance requise, y compris militaire, et en accordant le droit de construire, d’utiliser et d’améliorer les infrastructures militaires » sur les territoires de la RPD et la LPR.

En tout cas, le Parlement russe, qui avait démandé à M. Poutine de reconnaître l’indépendance des deux républiques séparatistes ukrainiennes, s’est empressé de ratifier les deux accords en question. À la chambre basse [Douma], les 400 députés présents les ont adoptés quasiment à l’unanimité [un seul élu a fait faux bond, pour ne pas avoir appuyé sur le bon bouton à temps, ndlr]. Même chose au Conseil de la Fédération [chambre haute], une seule voix [sur 155] ayant fait défaut.

« La reconnaissance de l’indépendance des républiques populaires de Donetsk et Lougansk et la ratification des accords d’amitié, de coopération et d’entraide doivent mettre fin au conflit, à la mort de nos concitoyens vivant là-bas », a fait valoir Viatcheslav Volodine, le président de la Douma, la chambre basse du Parlement russe.

Reste que ces derniers développements ne règlent pas les questions de fond posées par la Russie à l’Otan et aux États-Unis au sujet des garanties juridiques de sécurité. Et les chances d’arriver à un hypothétique accord sont même désormais irrémédiablement compromises.

En outre, quelles conséquences auront-ils sur l’adhésion éventuelle de l’Ukraine à l’Otan? Vont-ils accélérer le processus d’intégration… Ou bien, la règle de l’unanimité étant de mise pour accueillir un nouveau membre, vont-ils au contraire le bloquer indéfiniment? Le cas de la Géorgie peut sans doute donner un élément de réponse. Malgré ses demandes insistantes pour rejoindre l’organisation, Tbilissi attend toujours… en raison, en particulier, de l’opposition de Berlin.

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