La Russie menace de réagir « militairement » si les États-Unis ne retirent par leurs troupes d’Europe de l’Est

Si certaines unités russes sont supposée avoir quitté la Crimée après la fin des exercices qu’elles venaient de réaliser, d’autres seraient arrivées dans les environs de l’Ukraine, réduisant ainsi tout espoir de « désescalade ». Ainsi, selon un responsable américain, Moscou aurait déployé environ 7000 militaires de plus à proximité de la frontière ukrainienne.

« Les Russes ont annoncé qu’ils retiraient des troupes de la frontière avec l’Ukraine […]. Nous savons maintenant que c’est faux. En réalité nous avons désormais confirmé que ces derniers jours la Russie a augmenté sa présence le long de la frontière ukrainienne de jusqu’à 7000 militaires dont certains arrivés aujourd’hui », a confié ce responsable à la presse, le 16 février.

En outre, dans le cadre des manoeuvres conjointes qu’elle mène en Biélorussie, l’armée russe s’est exercée à poser à un pont flottant de type PMP-P [Pomtommo Mostovoy Park] sur la rivière Pripiat, au niveau de la Réserve radioécologique d’État de Polésie, créée en 1988 à la suite de l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl [Ukraine].

C’est en effet ce qu’a permis de constater l’imagerie satellitaire, fournie par la société Maxar. En outre, et selon des images diffusées via les réseaux sociaux, l’armée russe aurait également déployé le système de pose de pont mécanisé lourd TMM-3 en Biélorussie.

Évidemment, le choix du secteur où ce pont flottant a été posé interroge, d’autant plus que d’autres parties de la rivière Pripiat aurait pu convenir pour un tel exercice, qui plus est sans avoir à exposer les sapeurs à la radioactivité libérée lors de la catastrophe de Tchernobyl.

Cela étant, c’est dans la région du Donbass [sud-est de l’Ukraine] que la situation s’est brusquement détériorée, avec des violations qualifiées « d’inhabituelles » du cessez-le-feu entre les forces gouvernementales ukrainiennes et les séparatistes pro-russes des républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk.

Dans un communiqué publié ce 17 février, les forces ukrainiennes ont accusé les séparatistes de la région de Louhansk d’avoir bombardé la localité de Stanytsia Luhanska. Une école maternelle a été endommagée. Selon Kiev, trois personnes auraient été blessées.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a dénoncé des « bombardements provocateurs ». Et son ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, a appelé « tous les partenaires de l’Ukraine à condamner rapidement cette grave violation des accords de Minsk par la Russie dans un contexte sécuritaire déjà tendu ».

De leur côté, les séparatistes de Louhansk ont livré une autre version, soulignant que la « situation sur la ligne du front s’est dégradée au cours des dernières 24 heures ». Et d’accuser Kiev d' »essayer de pousser le conflit vers une escalade ». À Moscou, on ne dit pas autre chose.

« Nous avons à maintes reprises prévenu qu’une concentration exagérée des forces armées ukrainiennes à proximité immédiate de la ligne de contact ajoutée à d’éventuelles provocations pourrait constituer un danger terrible. Nous voyons maintenant que d’épouvantables provocations sont en cours », a déclaré Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, selon qui les « premières frappes sont venues du côté ukrainien ».

Pour les Occidentaux, la version développée par Moscou peine à convaincre. « Nous n’avons aucune certitude sur les incidents, mais nous avons vu des tentatives de mise en scène d’un prétexte pour justifier une invasion de l’Ukraine et bien sûr c’est une préoccupation », a commenté Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan. « Il y a pas mal d’officiers russes au Donbass et ils peuvent fomenter un prétexte? […] Nous suivons de près ce qui se passe et nous continuerons à exposer les plans et les actions de désinformation de la Russie pour lui compliquer la tâche et rendre plus difficile une invasion », a-t-il ajouté.

À Washington, le président américain, Joe Biden, a mis en garde contre une opération sous fausse bannière devant servir à la Russie de prétexte pour envahir l’Ukraine. Une estimation partagée par Boris Johnson, le Premier ministre britannique.

Cela étant, cette situation est liée aux exigences que la Russie entend obtenir de l’Otan et des États-Unis au sujet de sa sécurité. Et elle veut notamment l’arrêt de l’élargissement de l’Alliance atlantique [et en particulier en direction de l’Ukraine et la Géorgie] ainsi que le retour à la situation qui prévalait en 1997, c’est au moment de la signature de l’Acte fondateur censé régir ses relations avec les Alliés.

Recevant son homologue italien, Luigi Di Maio. ce 17 février, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’en est pris à l’Otan en des termes vifs.

« L’Otan adopte une position arrogante et provocatrice en menant une politique de la porte ouverte qui pousse les pays neutres à rejoindre l’Alliance », a-t-il en effet déclaré. « Cette position est arrogante et provocatrice parce qu’elle est conçue pour pousser les pays neutres à frapper à leur porte très ouverte », a-t-il insisté.

En outre, M. Lavrov, qui, il y a peine trois jours, estimait qu’une solution diplomatique était encore possible, a déploré le fait que l’Otan a « rejeté la demande » de Moscou « d’appliquer principe de l’indivisibilité de la sécurité [en Europe] après de longues tentatives d’esquiver toute discussion ».

« L’Otan a dit qu’il était hors de question [de l’appliquer] parce que les garanties légales de sécurité ne peuvent être données qu’au sein de l’Otan et non ailleurs », a expliqué le ministre russe.

Quoi qu’il en soit, dans sa réponse aux propositions américaines, Moscou n’entend rien céder. « En l’absence de disposition de la partie américaine à s’entendre sur des garanties juridiques fermes pour notre sécurité […] la Russie sera forcée de réagir, notamment par la mise en oeuvre de mesures à caractère militaire et technique », a prévenu la diplomatie russe, rappelant qu’elle veut le « retrait de toutes les forces et armements des États-Unis déployés en Europe centrale et orientale, en Europe du Sud-Est et dans les pays baltes » et qu’elle attend aussi des propositions des Alliés au sujet de leur « renoncement à tout élargissement futur de l’Otan ».

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