L’Otan doute des signaux de « désescalade » envoyés par la Russie

Il y a deux jours, le président ukrainien, Voldymyr Zelenski, s’est risqué à dire que la Russie lancerait une attaque contre son pays le 16 février. D’où, d’ailleurs, sa volonté de dédier cette date à « l’unité ». Or, pour le moment, l’offensive russe annoncée n’a pas eu lieu. Mais il est vrai que la journée n’est pas encore terminée…

En revanche, il en va autrement dans le cyberespace, où plusieurs sites ukrainiens, dont celui du ministère de la Défense, ont la cible d’une attaque informatique, a priori par déni d’accès [qui consiste à saturer un serveur avec une multitude de requêtes simultanées, afin de le rendre inaccessible, ndlr].

Quoi qu’il en soit, et pour le deuxième jour consécutif, Moscou a annoncé le retour vers leurs bases de certaines unités jusqu’alors déployées en Crimée à des fins d’exercice.

« Les unités du district militaire du Sud ayant achevé leurs exercices tactiques sur les bases de la presqu’île de Crimée retournent par voie ferrée vers leur base d’attache », a en effet annoncé le ministère russe de la Défense, ce 16 février. Et de diffuser, à l’appui de ses affirmations, les images d’un convoi ferroviaire chargé de blindés traverser le pont de Kerch, qui relie l’ancien territoire ukrainien à celui de la Russie.

Faut-il y voir un signe de détente, alors que, la veille, le président russe, Vladimir Poutine, a parlé de « génocide » pour décrire la situation du Donbass, région séparatiste située dans le sud-est de l’Ukraine?

Cependant, d’autres capacités ont été déployées près de l’Ukraine. Ainsi, par exemple, dix bombardiers tactiques Su-34 « Fullback » ont été déployés à Primorsko-Akhtarsk, localité située sur les bords de la mer d’Azov, à environ 120 km du port ukrainien de Marioupol. Ces appareils sont venus renforcer le 960e régiment d’aviation d’attaque, doté de Su-25SM.

Et si l’on se souvient que la Russie avait annoncé, à plusieurs reprises, en 2016 et en 2017, le retrait de ses troupes de Syrie alors qu’il ne s’agissait que de relever celles qui avaient été précédemment engagées, il y a de quoi être prudent.

D’où la réaction de Dmytro Kuleba, le ministre ukrainien des Affaires étrangères. « Nous, en Ukraine, avons une règle : nous ne croyons pas ce que nous entendons, nous croyons ce que nous voyons. Si un vrai retrait fait suite à ces déclarations [russes], on croira au début d’une vraie désescalade », a-t-il dit.

À Washington, le président Joe Biden est sur la même ligne. Soulignant que « 150’000 soldats russes restent dans une position menaçante » et que le retait de certaines troupes n’avait pas encore été « vérifié », il a etimé, le 15 février, qu’une invasion de l’Ukraine est encore « tout à fait possible ». Cependant, a-t-il continué, il faut « donner toutes ses chances à la diplomatie », tout en assurant que les États-Unis et l’Otan « ne sont pas une menace pour la Russie » et qu’ils « n’ont pas de missiles en Ukraine ». Et d’insister : « Nous n’avons pas l’intention d’en installer. Nous ne cherchons pas à déstabiliser la Russie. Citoyens de Russie, vous n’êtes pas nos ennemis ».

À l’antenne de France Inter, ce 16 février, le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, s’est dit sceptique au sujet l’annonce du retrait de certaines unités russes de Crimée. « Il faut toujours vérifier », a-t-il dit. « Il y a des signes encourageants peut-être […], mais, d’un autre côté, on a aussi des signes préoccupants », a-t-il continué, en faisant allusion aux intentions de Moscou concernant le Donbass.

Le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a déclaré que le Royaume-Uni jugera sur les actes et pas sur les mots. « Je serais le premier à me réjouir d’une désescalade, nous y avons tous travaillé, mais nous voyons 60% des forces terrestres russes massées aux frontières ukrainienne et biélorusse », a-t-il relevé. « Je suis un ex-soldat, ce n’est pas un exercice normal, surtout quand on voit la profondeur des déploiements », a-t-il fait valoir, sur les ondes de BBC 4, avant de retrouver ses homologues de l’Otan pour une réunion à Bruxelles.

Justement, au début de celle-ci, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a lui aussi fait part de son scepticisme face aux annonces russes.

« Nous n’avons constaté aucune désescalade sur le terrain à ce stade. Au contraire, il apparaît que la Russie continue de renforcer sa présence militaire » et qu’elle « peut encore envahir l’Ukraine sans préavis, les capacités sont en place », a affirmé M. Stoltenberg.

« Nous avons entendu les messages de Moscou concernant sa volonté de poursuivre les efforts diplomatiques, et nous sommes prêts à discuter. Mais la Russie doit joindre le geste à la parole, retirer ses forces, apaiser les tensions », a encore prévenu le secrétaire général de l’Otan. « Nous suivons de très près ce que fait la Russie. Nous avons constaté l’arrivée de troupes et d’équipements lourds, puis le retrait des troupes, mais les équipements et les capacités restent en place », a-t-il fait remarquer. Et de conclure : « Nous voulons voir un réel retrait, durable, pas seulement un incessant mouvement de troupes […] Nous sommes prêts à nous réunir avec la Russie, mais nous nous préparons au pire ».

Cela étant, un signe de désescalade tangible serait le retrait des troupes qui, originaires de l’extrême-orient russe, sont actuellement déployées aux abords du territoire ukrainien, en particulier en Biélorussie, où elles participent à un exercice de grande ampleur devant se terminer le 20 février prochain. « Pas un seul soldat, pas un seul équipement ne restera sur le territoire de la Biélorussie après la tenue des manœuvres avec la Russie », a assuré Vladimir Makeï, le ministre biélorusse des Affaires étrangères.

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