Tensions avec la Russie : « Le temps d’alerte pour une éventuelle attaque diminue », estime l’Otan

« L’objectif est atteint », a résumé l’Élysée, après les déplacements du président Macron à Moscou et à Kiev, dont l’objectif était de « permettre à chacun de faire une pause et d’envisager les moyens de la désescalade […] dans un moment de tensions croissantes » entre la Russie et l’Ukraine. Vraiment?

Ainsi, le 9 février, le Pentagone a dit avoir « continué à observer, y compris ces dernières 24 heures, des capacités supplémentaires affluer d’autres régions de la Russie vers la frontière avec l’Ukraine et la Biélorussie ». Et son porte-parole, John Kirby, d’ajouter : « Nous ne donnerons pas de chiffres spécifiques mais ils continuent d’augmenter », évoquant notamment la mise en route « d’autres groupes tactiques ».

Le président russe, Vladimir Poutine « continue de renforcer ses capacités militaires. Chaque jour, il se donne plus d’options, chaque jour, il renforce ses capacités, chaque jour, il continue de déstabiliser ce qui est déjà une situation très tendue », a insisté M. Kirby.

Celui-ci n’a pas donné de détails sur les capacités évoquées… Cela étant, on sait que des MiG-31 armés du missile hypersonique Kinjal ont été envoyés dans l’enclave russe de Kaliningrad, d’où ils sont en mesure de viser la quasi-totalité des capitales européennes. Et de puissants obusiers automoteurs 2S7M Malka, de 203 mm, ont été répérés à proximité de la frontière ukrainienne. Ce qui vient s’ajouter aux missiles Iskander ainsi qu’aux autres moyens de frappe et de guerre électronique déjà déployés.

Qui plus est, six navires de débarquement ont récemment fait leur entrée en mer Noire, après avoir traversé la mer Baltique et la Méditerranée, en vue de prochains exercices.

Ce qui a d’ailleurs suscité des critiques à Kiev, où l’on estime que les manoeuvres des bâtiments de la marine russe dans cette région « s’incrivent dans le cadre d’un conflit hybride » consistant à rendre « la navigation en mer Noire et en mer d’Azov pratiquement impossibles ». Ceci « témoigne d’un mépris flagrant des règles et des principes du droit international », a dénoncé le ministère ukrainien des Affaires étrangères. « Il s’agit d’une complication importante et injustifiée de la navigation internationale, en particulier du commerce, qui peut entraîner des conséquences économiques et sociales complexes, notamment pour les ports d’Ukraine », a-t-il fait valoir.

Reste que la grande affaire du jour est le lancement des manoeuvres des forces russes en Biélorussie, d’une ampleur qui n’avait plus été vue depuis la fin de la Guerre Froide. Selon Moscou, elles visent à « se préparer à arrêter et repousser une agression extérieure dans le cadre d’une opération défensive ».

Pour autant, comme l’a souligné Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, sur les ondes de France Inter, ce 10 février. Les manoeuvres russes « sont extrêmement massives. Il y a une accumulation d’exercices très significative, en particulier aux frontières même de l’Ukraine », a-t-il relevé, avant d’affirmer que « tout nous laisse à penser que c’est un geste d’une grande violence, qui nous préoccupe ».

« La Russie s’est donnée les moyens de lancer une nouvelle agression contre l’Ukraine. Il n’y a aucune décision prise à ma connaissance, mais lorsque vous avez 125’000 hommes à la frontière, il y a de quoi être inquiet », a encore estimé M. Le Drian.

À Londres, où il a rencontré le Premier ministre britannique, Boris Johnson, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, n’a pas dit autre chose. « La présence militaire de la Russie se renforce aux frontières de l’Ukraine et nous suivons de près le déploiement de la Russie en Biélorussie, qui est le plus important depuis la fin de la Guerre Froide », a-t-il souligné, estimant qu’il s’agit d’un « moment dangereux pour la sécurité européenne ».

En effet, a-t-il poursuivi, le « nombre de forces russes augmente et le temps d’alerte pour une éventuelle attaque diminue ». Et d’assurer, à nouveau, que des mesures seraient prises le cas échéant.

« Nous allons défendre et protéger l’ensemble des Alliés. Une nouvelle agression de la Russie [contre l’Ukraine] conduira à un renforcement de la présence de l’Otan, pas à une diminution », a prévenu M. Stoltenberg, rappelant que, d’ici quelques jours, il y aura des discussions autour d’un possible « renforcement de la sécurité dans la partie sud-est de l’Alliance, avec la constitution d’un groupement tactique en Roumanie pour la région de la Mer Noire ».

Cela étant, ces mouvements militaires russes à proximité de l’Ukraine ne veulent pas forcément dire que Moscou a effectivement l’intention de lancer une offensive. D’ailleurs, c’est ce qu’admettent les responsables occidentaux quand ils affirment, comme M. Le Drian, qu’à leur connaissance, aucune décision allant dans ce sens n’a été prise. L’objectif que cherche probablement le Kremlin en agissant de la sorte est d’obtenir de l’Otan et des États-Unis les garanties de sécurité qu’il réclame, en affichant ostensiblement sa détermination.

D’ailleurs, depuis quelques jours, on entend parler de « finlandisation de l’Ukraine », qui ferait « partie des modèles sur la table », selon des propos prêtés à M. Macron [qui s’en est cependant défendu]. En clair, il s’agirait de soumettre Kiev à une stricte neutralité stratégique, comme ce fut le cas pour Helsinki durant la Guerre Froide.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]