Que peut bien chercher l’avion militaire américain « renifleur » de particules radioactives en Méditerranée?

Pour la quatrième fois depuis 1986 [et la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl], un avion WC-135 Constant Phoenix, spécialisé dans la collecte de particules radioactives présentes dans l’atmosphère, a été déployé en Europe par l’US Air Force.

Lors de sa seconde mission sur le Vieux Continent, en février 2017, un taux anormalement élevé d’iode 131 [un radionucléide d’origine artificielle] avait été relevé dans l’atmosphère de plusieurs pays européens. Ce qui pouvait alors justifier sa présence. À moins qu’elle fût liée à la perte présumée d’un missile russe Burevestnik [ou SSC-X-9 Skyfall], supposé être à propulsion nucléaire…

Cependant, en août 2019, quand l’explosion d’un moteur décrit comme étant « à ergols liquides » provoqua une brusque hausse de la radioactivité près de la base russe de Nyonoksa [oblast d’Arkhangelsk], aucun des deux WC-135 Constant Phoenix ne fut envoyé en Europe, et plus précisément à Mildenhall [Royaume-Uni]. L’un de ces appareils y fit son apparition en août 2021. Et lors de son séjour, il assura au moins quatre vols, dont certains au profil particulier.

En effet, deux d’entre-eux concernèrent la mer de Barents et la région de la Baltique, ce qui pouvait s’expliquer par l’imminence d’un éventuel essai du missile Buresvestnik, comme le suggérait alors l’examen de l’imagerie satellitaire. Cela étant, lors de sa mission au-dessus de la mer Baltique, le WC-135 Constant Phoenix vola pendant à une altitude inhabituellement basse, alors qu’il se trouvant non loin de l’île suédoise de Gotland.

Les deux autres vols qu’il effectua durant cette période se concentrèrent sur la Méditerranée et la mer Noire. Pour quel but? Mystère…

En tout cas, lors de sa mission en Méditerranée, et contrairement aux précédentes, le WC-135 Constant Phoenix coupa son transpondeur au large de la Sicile, rendant ainsi impossible son suivi via les sites spécialisés. Et son vol dura, a priori, plusieurs heures.

Depuis son arrivée à Mildenhall, le 30 janvier dernier, pour son 4e déploiement en Europe, le WC-135 Constant Phoenix est resté au sol pendant une semaine. Du moins officiellement. Et ce n’est donc que le 7 février qu’il a effectué sa première mission de l’année dans les cieux européens, plus précisément en… Méditerranée. À nouveau.

Selon les données obtenues via les sites de suivi du trafic aérien, l’avion « renifleur » américain, avec l’indicatif JAKE 21, est resté environ 7 heures au-dessus de la Méditerranée. On sait qu’il a coupé son transpondeur alors qu’il se trouvait au large de la Crète, qu’il l’a rallumé à la hauteur de Chypre, avant de l’éteindre à nouveau. Ce n’est qu’aux environs de la Sicile qu’il l’a remis en marche. En outre, d’après les réseaux de surveillance de la radioctivité, rien d’anormal a été signalé dans la région.

D’où les questions que l’on peut légitimement se poser sur la nature de la mission de ce WC-135 Constant Phoenix, sachant que, officiellement, ses équipements lui permettent seulement de capturer des particules radioactives dans l’atmosphère. Son vol a-t-il eu un rapport avec la présence de la flottille russe de navires de débarquement en Méditerranée orientale? Arrivée à Tartous [Syrie] au début de ce mois et réunissant des bâtiments fournis par les flottes russes de la Baltique et du Nord, celle-ci a apparemment mis le cap vers la mer Noire.

Une autre hypothèse serait que ce WC-135 ait d’autres capacités plus « confidentielles ». Comme, par exemple, celle de détecter des sous-marins à propulsion nucléaire. Théoriquement, cela serait possible en repérant les neutrinos/antineutrinos, c’est à dire des particules élémentaires émises par une chaufferie nucléaire. En pratique, cela exige des installations imposantes, incompatibles avec un tel appareil. Du moins était-ce le cas en 2014, selon des explications fournies par deux experts du Commissariat à l’énergie atomique [CEA] aux députés qui s’inquiétaient à l’époque des conséquences d’une telle technologie pour la Force océanique stratégique [FOST].

Enfin, il est aussi possible que le déploiement en Europe de ce WC-135 ait un rapport avec la tenue annoncée de l’exercice Grom 2022 [ou « Tonnerre 2022 »] qui vise à vérifier l’état de préparation des forces stratégiques russes. C’est l’hypothèse avancée par le journal russe « Gazeta », celui-ci évoquant un possible essai du missile Burevestnik à cette occasion.

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