La Biélorussie modifie sa Constitution pour autoriser le déploiement d’armes nucléaires russes sur son sol

En décembre 1994, l’Ukraine, le Kazakhstan et la Biélorussie signèrent les mémorandums de Budapest, en vertu desquels ces trois pays prirent l’engagement de restituer à la Russie les armes nucléaires qu’ils possédaient après le retrait de l’Armée Rouge ainsi que celui de rejoindre le Traité de non-prolifération [TNP]. En échange, leur intégrité territoriale devait leur être garantie.

Alors à peine arrivé au pouvoir, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, aurait signé de mauvaise grâce ce mémorandum, négocié par Stanislaw Chouchkievitch, son prédécesseur. C’est en effet ce qu’il a expliqué dans un entretien diffusé par Russia Today, en décembre dernier, en avançant que, à l’époque, il avait subi des pressions de la part de Boris Eltsine, alors chef du Kremlin, et des États-Unis afin de rendre à la Russie la vingtaine de missiles nucléaires SS-25 « Sickle » qui avaient été déployés par l’Armée rouge en Biélorussie. Et d’assurer que s’il y avait eu un moyen de l’éviter, il ne l’aurait pas fait.

Cela étant, si les SS-25 ont été rendus à la Russie, les sites de lancement n’ont pas tous été démantelés, contrairement aux engagement pris par Minsk. Selon un rapport [.pdf] publié en 2001 par le Monterey Institute of International Studies, un seul l’a effectivement été… sur 81, le programme américain Nunn-Lugar, chargé de superviser cette opération, ayant été suspendu en Biélorussie suite à des complications diplomatiques.

Quoi qu’il en soit, la « dénucléarisation » de la Biélorussie est actée dans la Constitution que ce pays s’est donné en 1994.

Ainsi, l’article 18 précise que « la République de Biélorussie vise à faire de son territoire une zone exempte d’armes nucléaires et à se déclarer neutre ». Ce qui fait, en l’état actuel des choses, aucun déploiement d’armes nucléaire sur le sol biélorusse ne peut être autorisé. Mais ce ne sera sans doute plus le cas prochainement.

Dans l’entretien diffusé par Russia Today, M. Loukachenko a fait part de son intention de proposer à Vladimir Poutine, son homologue russe, l’idée de déployer à nouveau des armes nucléaires sur le sol biélorusse. Et de souligner que tout était prêt pour cela, les installations qui auraient dû être détruites après 1994 étant toujours « intactes ».

Aussi, fin janvier, une reponsable de la diplomatie américaine a dit craindre que la révision constitutionnelle présentée par M. Loukachenko quelques semaines plus tôt allait autoriser un tel déploiement d’armes nucléaires russes.

« Ces changements constitutionnels pourraient indiquer que la Biélorussie prévoit de permettre à des forces nucléaires et conventionnelles d’être stationnées sur son territoire », a-t-elle affirmé. Et de souligner que la présence de telles armes aux frontières de l’Union européenne [et de l’Otan] « représenterait un risque pour la sécurité européenne et pourrait demander une réponse ».

Effectivement, parmi les nombreux amendements à la Constitution biélorusse, l’un deux propose une nouvelle rédaction de l’article 18 en ces termes : « La République de Biélorussie exclut depuis son territoire toute agression militaire contre d’autres États ». En outre, s’agissant du Parlement, le texte précise que, dorénavant, et « sur proposition du président », il pourra avoir à prendre une « décision sur la possibilité d’envoyer des militaires, des employés d’organisations paramilitaires » à l’extérieur de la Biélorussie pour « participer à la garantie de la sécurité collective et aux activités de maintien de la paix et de la sécurité internationales ».

Cette dernière disposition est à mettre en relation avec des propos tenus par M. Loukachenko le 28 janvier, au sujet de la crise ukrainienne. « Il y aura une guerre dans deux cas de figure : dans le premier cas, si une agression directe est commise contre la Biélorussie, nous nous lèverons pour défendre notre terre et notre patrie, y compris ceux qui ne le veulent pas. Et dans le second cas, si notre allié, la Russie, est attaquée directement, alors la Biélorussie s’engagera dans la guerre », a-t-il prévenu.

Cette révision constitutionnelle doit entrer en vigueur le 27 février prochain. Soit quelques jours après la fin [annoncée] des manoeuvres « Détermination de l’Union 2022 », qui se tiendront en Biélorussie pendant deux semaines. Selon l’imagerie satellitaire, la participation des forces russes sera d’une ampleur inégalée depuis la fin de la Guerre Froide.

Photo : Brian W. McMullinDD-ST-88-09422, Domaine public

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