L’hypothèse d’un achat d’avions F-35A par l’Allemagne gagne du terrain

En 2017, et dans l’idée de ne pas remettre en question sa participation aux missions nucléaires de l’Otan, la Luftwaffe [force aérienne allemande] ne cacha pas son intérêt pour à l’avion de combat de 5e génération F-35A de l’américain Lockheed-Martin, celui-ci étant alors vu comme un possible successeur au chasseur-bombardier Panavia Tornado.

« Pour remplacer leurs Tornado, les forces allemandes ont besoin d’un avion de cinquième génération, difficile à détecter par les radars ennemis et capable de frapper des cibles à grande distance », avait en effet affirmé le général Karl Müllner, qui était alors son chef d’état-major. Et celui-ci d’insister : « Il s’agit vraiment de se donner une capacité de dissuasion. Parce que si vous avez la capacité d’envoyer un avion dans l’espace aérien d’un autre pays sans qu’il se fasse détecter, alors c’est un moyen de dissuasion incroyable « .

Seulement, Dirk Hoke, alors Pdg d’Airbus Defence & Space, ne l’entendit pas de cette oreille. Et il monta au créneau en faisant valoir que l’achat de nouveaux avions de combat auprès des États-Unis était de nature « à affaiblir l’industrie européenne de la défense » et à « la rendre de plus en plus tributaire de la technologie américaine », à l’heure pour le programme franco-allemand de « Système de combat aérien du futur » [SCAF] venait juste d’être lancé. Et, à Paris, on pensait la même chose, comme le souligna le député Jean-Jacques Bridey, quand il présidait la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale.

« Il conviendra […] de scruter la décision que prendront les autorités allemandes s’agissant du renouvellement des Panavia Tornado qui équipent en partie l’armée de l’air allemande et seront progressivement retirés du service à compter de 2025. Si le F35 américain développé par Lockheed Martin est retenu, la coopération franco-allemande en la matière ne pourrait se révéler qu’un vœu pieux. Il s’agit là d’un point essentiel dans la mesure où, à terme, une telle désillusion pourrait sonner le glas des capacités techniques et industrielles européennes sur ce segment de l’industrie de défense, et ainsi remettre en cause notre autonomie stratégique ».

Finalement, le général Müllner fut invité à prendre sa retraite… Et le gouvernement de la chancelière Merkel coupa, en quelque sorte, la poire en deux. Faute de pouvoir certifier la capacité de l’Eurofighter à emporter la bombe nucléaire tactique B61 avant le retrait des Tornado, il fit part de son intention d’acquérir 30 F/A-18 Super Hornet ainsi que 15 E/A-18 Growler de guerre électronique auprès de Boeing. Mais depuis cette annonce, aucun contrat n’a été notifié. Finira-t-il par l’être? Au fil du temps, cela paraît de moins en moins probable…

Ainsi, formée par les sociaux-démocrates, les écologistes et les libéraux et emmenée par le chancelier [social-démocrate] Olaf Scholz, la nouvelle coalition gouvernementale allemande a confirmé la participation de l’Allemagne aux plans nucléaires de l’Otan et souligné la nécessité de remplacer au plus vite, et à cette fin, les Tornado de la Luftwaffe. Mais sans préciser par quel type d’appareil…

Début janvier, selon l’agence de presse DPA, Olaf Scholz et Christine Lambrecht, la ministre de la Défense ont eu un entretien dont l’ordre du jour était de « préciser si l’achat d’avions F-35, plus modernes, est susceptible d’être une alternative et si l’Eurofighter peut être envisagé pour reprendre les missions de guerre électronique des Tornado ».

En clair, Berlin envisagerait ainsi l’achat de 30 F-35A et celui de 15 Eurofighter en version « ECR SEAD », celle-ci ayant été dévoilée par Airbus en 2019. Cette hypothèse s’est renforcée après les propos de Marie-Agnes Strack-Zimmermann, la présidente de la commission de la Défense au Bundestag.

« Une solution européenne grâce à laquelle les Tornado seraient remplacés uniquement par des Eurofighters est séduisante sur le plan indistriel mais rendrait plus difficile la certification d’une participation nucléaire par les Américains », a-t-elle estimé, avant de souligner que la « plupart des partenaires » de l’Otan utilisent le F-35.

Qui plus est, les derniers appels d’offres ne plaident pas en faveur du F/A-18 Super Hornet, l’avion de Boeing ayant été éliminé par ses anciens clients, comme la Suisse, la Finlande et le Canada.

En tout cas, l’idée fait son chemin, à en croire plusieurs sources militaires allemandes citées par Reuters, le 3 février. L’une d’elles a confirmé qu’un « éventuel achat de F-35 est de nouveau sur la table » quand une autre a évoqué des « efforts récents pour informer » Berlin sur la « manière d’aller de l’avant » pour se procurer l’avion de Lockheed-Martin. Ce que n’a cependant pas souhaite confirmer – ni infirmer – un porte-parole de la diplomatie américaine.

En tout cas, la décision d’un tel achat n’est pas encore prise. Mais elle pourrait l’être après le déplacement que fera le chancelier Scholz à Washington, le 7 février. L’un des interlocuteurs de Reuters a indiqué qu’il devrait s’enquérir, auprès de ses interlocuteurs américains, des conditions pour se procurer des F-35A. D’ici à ce qu’une annonce soit fait durant la président française de l’Union européenne…

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