Le Parlement va débattre de l’engagement militaire de la France au Mali

L’article 35 de la Constitution, l’exécutif est tenu d’informer le Parlement de sa décision de lancer une opération extérieure [OPEX] trois jours après, au plus tard, le début de celle-ci. Cette information peut donner lieu à débat qui n’est suivi d’aucun vote. Cependant, si cette intervention militaire se prolonge au-delà de quatre mois, alors elle doit être soumise à l’autorisation des députés et des sénateurs, les premiers pouvant se voir demander de décider en dernier ressort, dans le cas où les deux assemblées ne seraient pas d’accord.

Une fois que l’autorisation a été donnée, il n’est plus possible faire machine arrière. Au mieux, le Parlement peut être en débattre, mais sans avoir à se prononcer sur la suite à donner. L’article 4 de la Loi de programmation militaire [LPM] 2014-19 prévoyait ainsi la tenue d’un débat sur l’ensemble des OPEX chaque année.

Une telle approche tranche avec celle de l’Allemagne, où, tous les ans, le Bundestag [chambre basse du Parlement] est appelé à prolonger ou non les opérations dans lesquelles est engagée la Bundeswehr. Ainsi en ira-t-il pour la présence de celle-ci au Sahel, un vote étant prévu en mai prochain. Que décideront les députés d’outre-Rhin, sachant que Berlin a pris des engagements auprès de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali [MINUSMA]?

En tout cas, les derniers évènements au Mali ne plaident pas en faveur d’un maintien de la présence de la Bundeswehr au sein de la mission européenne EUTM Mali, laquelle forme et entraîne des les Forces armées maliennes [FAMa]. Le fait que la junte malienne, qui a pris le pouvoir à la faveur d’un double coup d’État, a sollicité les services du groupe paramilitaire russe Wagner, devrait peser lourd dans la balance. De même que son attitude à l’égard de la France, de ses partenaires européens et de la MINUSMA.

Peu après avoir pris ses fonctions de ministre de la Défense, en décembre, Christine Lambrecht avait suggéré de redéployer les insutructeurs allemands de l’EUTM Mali au Niger, pour des raisons de sécurité. Puis, un mois plus tard, elle a rejeté l’idée d’un retrait de la Bundeswehr du Mali afin de « ne pas faciliter la tâche » aux Russes.

Et d »assurer, dans un entretien donné au journal Welt am Sonntag, qu’elle demanderait à la junte malienne de « s’assurer que les conditions sont réunies » pour faire en sorte que les soldats allemands restent dans le pays. « Je vais dire très clairement au gouvernement malien qu’il est impossible que les élections soient suspendues pendant cinq ans et qu’il travaille avec des mercenaires coupables de graves violations des droits de l’homme », a-t-elle dit.

Cependant, la commissaire parlementaire auprès de la Bundewehr, Eva Högl, avait affiché une position plus tranchée quelques semaines plus tôt, appelant le gouvernement allemand à revoir les opérations menées dans la région et même à envisager un retrait du Mali. Visiblement, ce dernier pourrait effectivement convaincre le Bundestag de prendre une telle décision, notamment après les tensions apparues entre Bamako et Paris, avec l’expulsion de l’ambassadeur de France au Mali, l’affaire du contingent danois de Takuba et la tenue de propos désobligeants.

« Au vu des récentes mesures prises par le gouvernement malien, nous devons nous demander honnêtement si les conditions préalables au succès de notre engagement commun sont toujours en place. Notre engagement n’est pas une fin en soi », a ainsi estimé Annalena Baerbock, la ministre allemande des Affaires étrangères.

Restera donc à voir ce que décideront les députés allemands sur la conduite à tenir… Leurs homologues français pourraient aussi avoir leur mot à dire. Du moins, si le gouvernement le décide.

En effet, ce 2 février, le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé qu’un débat sera organisé à l’Assemblée nationale et au Sénat afin d’évoquer la présence militaire française au Mali et l’opération Barkhane. Débat qui promet d’être animé, certains parlementaires de l’opposition estimant que la France a été « humiliée » par la junte malienne au cours de ces dernières semaines.

« Le Parlement évidemment mérite d’être parfaitement informé » et « le gouvernement organisera un débat sur la base de l’article 50-1 sur ce sujet extrêmement important », a déclaré M. Castex, lors d’une séance de questions au Sénat. Toute la question est de savoir si l’exécutif engagera ou non sa responsabilité, alors que la session parlementaire arrive à son terme, élection présidentielle oblige.

Selon l’article 50-1 de la Constitution, le gouvernement « peut, de sa propre intiative […], sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité ».

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