Le ministère des Armées place « beaucoup d’espoirs » dans les technologies de calcul quantique

« Si vous croyez comprendre la mécanique quantique, c’est que vous ne la comprenez pas », avait lâché Richard Feynman, co-lauréat, en 1965, du prix Nobel de physique pour ses travaux sur l’électrodynamqique quantique. En réalité les physiciens comprennent bien le fonctionnement de la théorie quantique… mais il leur est plus difficile d’expliquer pourquoi celle-ci rend inopérantes les lois de la physique « classique », laquelle décrit différemment un corpuscule [atome, particule] et une onde [lumière]…

En effet, la physique quantique ne différencie pas le corpuscule de l’onde. On parle alors d’une « onde-corpuscule », pouvant se trouver simultanément dans plusieurs états différents [ce que l’on appelle la « superposition »]. En outre, deux particules peuvent liées par leur état, quelle que soit la distance qui les sépare [c’est le concept d’intrication d’états].

Pour peu que l’on arrive à exploiter de telles propriétés, les applications technologiques de la physique quantique sont très prometteuses. Comme par exemple en informatique, où l’unité de base d’une information – le bit – ne prendrait plus les valeurs 0 ou 1 mais les deux à la fois [on parle alors de qbit]. L’une des difficultés est de passer outre le « phénomène de décohérence », qui se traduit par la perte des effets quantiques au moment de passer à l’échelle macroscopique.

Quoi qu’il en soit, et même s’il a prévu des investissements relativement modestes [30 millions d’euros sur la durée de la Loi de programmation militaire en vigueur], le ministère des Armées s’intéresse de près aux technologies susceptibles de reposer sur la théorie quantique. L’Agence de l’innovation de défense [AID] en a fait l’une de ses priorités. En 2020, celle-ci a lancé un appel à projet thématique via l’Agence nationale de la recherche [ANR] ainsi que le développement d’un équipement opérationnel intégrant un gravimètre quantique, dans le cadre du programme « Capacité Hydrographique et Océanographique du Futur ».

Plus récemment, le Fonds innovation défense a réalisé ses premiers investissement en entrant au capital des entreprises Pasqal, qui développe des processeurs quantiques, et Quandela, spécialiste de la photonique quantique. En outre, le ministère des Armées a apporté son soutien à plusieurs PME, dont Syrlinks et Muquans, et financé une vingtaine de thèses en lien avec les technologies relevant de la théorie quantique.

Pour les armées, les capteurs et la sécurité des communications sont deux domaines où les technologies quantiques suscitent le plus d’intérêt, en raison des capacités décuplées que celles-ci promettent. Et il y en a un troisième, comme l’a expliqué Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’une allocution prononcée ce 4 janvier, à l’occasion du lancement d’une plateforme nationale de calcul quantique, installée au sein du Très Grand Centre de Calcul de la Direction des applications militaires [DAM] du Commissariat à l’Énergie Atomique et aux énergies renouvelables.

« Nous plaçons beaucoup d’espoirs dans ces technologies de calcul quantique. En théorie, elles devraient permettre de réaliser des calculs aujourd’hui inaccessibles pour des processeurs classiques », a en effet déclaré Mme Parly. « Pour le ministère des Armées, cette capacité de calcul phénoménale serait un véritable atout pour prolonger les travaux extrêmement sensibles menés dans le domaine de la dissuasion par la direction des applications militaires du Commissariat à l’Energie Atomique mais aussi dans les combats de demain », a-t-elle ajouté.

Ainsi, a expliqué la ministre, une telle capacité permettrait de « traiter en un temps record des milliards de données, par exemple à des fins de renseignement », « d’améliorer l’efficacité de nos systèmes composés de milliers de véhicules ou de satellites, en optimisant l’ensemble des trajectoires tout en tenant compte de leurs dynamiques individuelles » et de « modéliser plus finement une géométrie, pour concevoir une antenne par exemple, ou de simuler avec plus de précision l’évolution d’un système dynamique, l’écoulement d’un fluide par exemple, pour aller chercher des performances améliorées de ce système ».

Cette plateforme nationale de calcul quantique ne sera pas seulement réservée aux seuls usages du ministère des Armées, les ordinateurs quantiques qu’elle héberge devant être « mis à la disposition d’une très large communauté de chercheurs, de scientifiques, [et] de startups », a souligné Mme Parly, pour qui « multiplier les utilisateurs et les usages de cette plateforme nous rendra plus forts ». Et d’insister : « La souveraineté n’étant pas synonyme de protectionnisme ou d’isolationnisme, nous sommes fiers que des chercheurs internationaux, d’Europe ou d’Outre-Atlantique rejoignent cette communauté du quantique ».

Enfin, que cette plateforme national de calcul quantique spoit hébergée par la DAM sera, pour la ministre, un « véritable atout pour attirer les acteurs industriels de la défense à cette nouvelle technologie ».

Photo : IBM

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