Dassault Aviation « défend les principes pouvant amener à faire un vrai avion de combat européen de bon niveau »

Le 30 août, et après des mois d’incertitude sur les intentions de la commission des Finances du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand] et des discussions compliquées an niveau industriel, la France, l’Allemagne et l’Espagne signaient l’arrangement d’application n°3 [IA3] relatif au Système de combat aérien du futur [SCAF].

« L’accord signé par les trois ministres est le fruit d’une coopération et d’un rapprochement sans précédent entre les entités nationales chargées des questions d’armement : BMVg [Bundesministerium der verteidigung] en Allemagne, DiGAM [Dirección general de armamento y material] en Espagne et DGA [Direction générale de l’armement] en France. Il consacre la crédibilité de la coopération engagée par les trois nations sur ce programme sous leadership de la France et démontre leur capacité à agir conjointement sur des domaines stratégiques », avait alors souligné le ministère français des Armées.

Pour autant, et contrairement à ce que la signature de cet IA3 laissait supposer, toutes les questions concernant le montage industriel du SCAF n’étaient pas encore définitivement réglées, en particulier pour le New Generation Fighter [NGF], l’avion de combat appelé à être au centre de « système de systèmes » et qui doit être mis en point par Dassault Aviation [désigné maître d’oeuvre], Airbus Allemagne et Airbus Espagne.

Devant les députés de la commission de la Défense, en octobre, le Délégué général de l’armement, Joël Barre, expliqua que, suite à la signature de cet IA3, la DGA devait, en tant que maître d’ouvrage, « notifier le contrat, au nom des trois pays, aux maîtres d’œuvre des cinq principaux piliers du programme – l’avion, le moteur, le cloud de combat, les effecteurs déportés et les capteurs ». Et d’ajouter : « Le contrat doit être signé par chaque maître d’œuvre ».

Ce qui a depuis été fait par Airbus Allemagne pour le cloud de combat et les effecteur déportés. Au moment de l’audition de M. Barre, la co-entreprise Eumet, qui réunit le français Safran et l’allemand MTU Aero Engines, était sur le point de le faire pour les moteurs.

« Nous attendons la signature de la maison Dassault, maître d’œuvre de l’avion, qui mène des négociations difficiles sur l’organisation et le partage du travail avec ses partenaires principaux que sont Airbus Allemagne et Airbus Espagne », indiqua M. Barre. « Nous devons traiter cette difficulté au cours des semaines à venir, pour aboutir mi-novembre à la signature du contrat de la DGA et des contrats afférents qui associent les maîtres d’œuvre à leurs principaux partenaires », avait-il ajouté.

Novembre est passé… Et les discussions entre Dassaut Aviation et les deux filiales d’Airbus n’ont, a priori, pas encore abouti. Pour rappel, et après avoir lâché du lest en acceptant que 50% des tâches spécifiques se fassent sans qu’il y ait un responsable désigné, l’industriel français entend garder les leviers censés lui permettre de tenir son rôle de maître d’oeuvre sans renoncer à sa propriété intellectuelle, fruit de plus de 75 ans d’expérience en matière d’aviation de combat.

Au printemps dernier, Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, avait été jusqu’à évoquer un « plan B » si, d’aventure, les discussions avec Airbus venaient à échouer. Et, visiblement, cette option est toujours sur la table. C’est en effet ce qu’il a laissé entendre sur les ondes de BFM Business, le 8 décembre.

En premier lieu, commentant la vente de 80 Rafale F4 aux Émirats arabes unis, M. Trappier a souligné que celle-ci était en partie due à la « technologie », aux « compétences » et à « l’excellence » de Dassault Aviation, une « société modeste en terme de taille, familiale.

Revenant sur la genèse du Rafale, le Pdg de Dassault Aviation a rappelé qu’elle avait été favorisée par la nécessité de prendre en compte les besoins opérationnels propres à la France, en particulier ceux touchant à la dissuasion nucléaire.

« C’est cette logique de la dissuasion nucléaire qui a permis le développement des avions de combat à leur niveau d’aujourd’hui. Et c’est cette logique qui prime en France. Ce n’est pas tout à fait la même logique dans les autres pays en Europe », a souligné M. Trappier.

Aussi, a-t-il dit, « on aura un avion de combat européen comme on pourra avoir un sous-marin européen le jour où on partagera une vraie volonté d’une Europe souveraine. Aujourd’hui, la France est souveraine […] et elle a su faire la réussite du Rafale ».

S’agissant du NGF, M. Trappier a noté qu’il y a « une volonté politique de faire un avion de combat en commun entre la France, l’Allemagne et l’Espagne ». Et, a-t-il continué, « cette volonté, nous l’avons suivie, nous avons répondu favorablement à ce besoin politique et à ce besoin des opérationnels ». Seulement, a-t-il dit, « aujourd’hui, on se bat aussi pour que ça soit un avion de combat européen qui réussisse, c’est à dire basé sur les compétences, les savoir-faire, donc ceux du ‘best athlete' ».

Évoquant à nouveau le contrat émirati, M. Trappier a estimé que « si on fait en européen, il faut faire mieux, c’est à dire qu’on peut partager les coûts d’une certaine manière, pourvu qu’on donne le travail à ceux qui savent faire et non pas que l’on fasse de la duplication ». Or, a-t-il poursuivi, le « problème du modèle européen […] dans l’industrie de défense est de faire de la duplication, de ne pas mettre forcément les meilleurs aux meilleurs endroits. Donc, on ne fait pas, à ce moment là, le meilleur avion de combat ».

Le NGF sera « peut-être Dassault/Thales/Safran » [soit la même équipe du Rafale, ndlr] », ou il « pourra être européen » seulement si les « règles édictées au départ sont suivies », avec un « vrai maître d’oeuvre, un vrai maître d’ouvrage » et donc un « pays leader », a fait valoir M. Trappier.

Pour le moment, a-il indiqué, « on est encore dans une phase amont » et Dassault Aviation « défend les principes qui peuvent amener à faire un vrai avion de combat de bon niveau. On est prêt à poursuivre, pourvu que ces principes sont respectés ». Et de prévenir : « Mais si on repart sur des principes ‘co-co’, c’est à dire un co-développement où tout le monde fait tout, ça ne peut pas marcher ».

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