La Chine compte désormais trois industriels parmi les dix premiers producteurs mondiaux d’armement

Jusqu’en 2019, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm [Sipri] n’était pas en mesure d’intégrer les principaux industriels chinois de l’armement dans son classement mondial des 100 premières entreprises du secteur, faute de disposer de données fiables. Ce n’est donc désormais plus le cas.

Ainsi, dans le classement publié par le Sipri en décembre 2020, trois groupes chinois [AVIC, CETC et Norinco] figuraient parmi les dix principaux industriels de l’armement au niveau mondial. Et même quatre en élargissant la liste aux 25 premières entreprises, le China South Industries Group Corp. [CSGC] étant classé 24e.

Au total, ces quatre groupes chinois avaient réalisé, en 2019, un chiffre d’affaires d’environ 60 milliards de dollars. Un résultat dû à la demande intérieure, dopée par la modernisation à marche forcée de l’Armée populaire de libération. Cela étant, cela n’avait alors rien de surprenant étant donné que, quelques mois plus tôt, le Sipri avait estimé que la Chine était devenue le second producteur mondial d’armement, derrière les États-Unis.

Visiblement, en 2020, l’épidémie de covid 19 n’a nullement freiné la progression de l’industrie chinoise de l’armement puisque, selon la dernière étude du Sipri, trois de ses représentants, à savoir Norinco [7e], AVIC [8e] et CETC [9e] se classent parmi les dix premiers groupes d’armement au niveau mondial.

Ces cinq entreprises chinoises représentent à elles seules 13% du total des ventes d’armes du Top 100, avec un chiffre d’affaires estimé à 66,8 milliards de dollars en 2020 [+1,5%].

Et, hormis le britannique BAE Systems, dont le cas est un peu particulier en raison de son exposition aux États-Unis, qui représentent 43% de son activité, aucune entreprise européenne ne figure dans ce « top 10 », largement dominé par leurs homologues américaines, lesquelles occupent les cinq premières places [Lockheed-Martin, Raytheon Technologies, Boeing, Northrop Grumman et General Dynamics].

Et, parmi les 20 premières entreprises d’armement, la Chine compte cinq représentants étant donné que CASIC [12e] et CSGC [20e] viennent s’ajouter aux trois du « top 10 ».

« Les ventes d’armes combinées des cinq entreprises chinoises figurant dans le Top 100 s’élèvent à environ 66,8 milliards de dollars en 2020, soit 1,5 % de plus qu’en 2019. Les entreprises chinoises
représentent 13% du total des ventes d’armes du Top 100 en 2020, derrière les entreprises américaines et devant les entreprises britanniques, qui constituent la troisième plus grande part », relève le Sipri.

Pour le Dr Nan Tian, chercheur à l’institut suédois, cette progression s’explique, comme pour les années passées, par le fait que ces entreprises ont « bénéficié des programmes de modernisation militaire » de la Chine. Et, a-t-il ajouté, elles se sont également « concentrées sur la fusion civilo-militaire ». En outre, a-t-il poursuivi, elles « sont devenues devenues parmi les producteurs de technologies militaires les plus avancés au monde », à l’image de Norinco, qui a « co-développé le système de navigation par satellite militaro-civil BeiDou et renforcé ses activités dans les nouvelles technologies ».

Dans le même temps, le Sipri note que l’industrie russe de l’armement est sur le déclin pour la troisième année consécutive, le chiffre d’affaires total de ses neuf entreprises figurant dans le « top 100 » ayant diminué de -6,5% entre 2019 et 2020.

« Cela marque la poursuite de la tendance à la baisse observée depuis 2017, année durant laquelle les revenus issus des ventes d’armes de ces neuf entreprises russes du Top 100 ont culminé », souligne le Sipri, pour qui cette tendance s’explique par « la fin du Plan d’armement de l’État 2011-20 et les retards dans les délais de livraison dus à la pandémie ».

Cela étant, tous les groupes russes ne sont pas logés à la même enseigne. Si Almaz-Antey [17e] et United Shipbuilding Corporation [33e] ont vu leurs ventes baisser respectivement de -31% et de -11% l’an passé, United Aircraft Corporation [21e] a vu les siennes augmenter de 16%.

« L’autre élément essentiel concernant l’industrie de l’armement russe est la diversification des gammes de produits », indique l’institut. « Les entreprises russes mettent actuellement en œuvre une politique gouvernementale visant à augmenter la proportion des ventes civiles à 30 % de leurs ventes totales d’ici 2025 et 50 % d’ici 2030 », rappelle-t-il.

Quant à l’industrie française de l’armement, elle aura connu un année 2020 compliquée. « Les revenus issus des ventes d’armes des six entreprises françaises dans le Top 100 ont chuté de 7,7 % », a observé le Dr Lucie Béraud-Sudreau, directrice du programme Dépenses militaires et Production d’armement du SIPRI. « Cette baisse significative est en grande partie due à une forte diminution
d’une année sur l’autre du nombre de livraisons d’avions de combat Rafale par Dassault. Les ventes d’armes de Safran ont elles progressé, portées par l’augmentation des ventes de systèmes de navigation et de pointage », a-t-elle ajouté.

La premier groupe français du classement établi par le Sipri est Thales [14e], celui-ci étant précédé par l’italien Leonardo [13e] et Airbus Defence & Space [11e]. Naval Group et Dassault Aviation arrivent aux 31e et 32e places, juste derrière MBDA.

Par ailleurs, quatre entreprises allemandes de l’armement figurent dans le classement du Sipri, la première étant Rheinmetall [27e], qui a vu son chiffre d’affaires augmenter de +5,2% en 2020. L’électronicien Hensoldt [78e] a su tirer son épingle du jeu, avec des ventes ayant progressé de +7,9%. Ce qui n’est pas le cas de ThyssenKrupp Marine Systems [55e] et de Krauss-Maffei Wegmann [70e], ces deux groupes ayant respectivement fait état d’un recul de -3,7% et de -7,5% de leurs ventes.

« Les ventes d’armes des quatre entreprises allemandes figurant dans le Top 100 ont atteint 8,9 milliards de dollars en 2020, soit une augmentation de 1,3 % par rapport à 2019. Ces entreprises représentent 1,7 % du total des ventes d’armes du Top 100 », précise le Sipri.

Enfin, et comme son homologue chinoise, l’industrie américaine de l’armement n’a pas souffert de la pandémie de covid19. « Les
ventes d’armes combinées des 41 entreprises américaines s’élèvent à 285 milliards de dollars en 2020 – soit une augmentation de +1,9 % par rapport à 2019 – et représentent 54 % du total des ventes d’armes du Top 100 », constate le Sipri.

Globalement, et alors que l’économie mondiale se contractait de -3% en 2020, les ventes des groupes de ce top 100 ont augmenté de +1,3%, malgré les confinements [comme Thales l’a souligné] et les difficultés d’approvisionnement.

« Les géants de l’industrie étaient largement protégés par une demande publique soutenue en biens et services militaires », explique Alexandra Marksteiner, chercheuse au programme Dépenses militaires et Production d’armes du SIPRI. « Dans une grande partie du monde, les dépenses militaires ont augmenté et certains gouvernements ont même accéléré leurs paiements à l’industrie de l’armement afin de limiter l’impact de la crise de la Covid-19 », a-t-elle conclu.

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