Aviation de combat : Le chef de la force aérienne italienne prédit la fusion des programmes « Tempest » et « SCAF »

En juillet, le ministère britannique de la Défense [MoD] s’est félicité du lancement de la phase de « conception et d’évaluation » du programme d’avion de combat « Tempest », mené en partenariat avec l’Italie, la Suède et peut-être bientôt le Japon. Comme le Système de combat aérien du futur [SCAF] conduit par la France, dans le cadre d’une coopération avec l’Allemagne et l’Espagne, il s’agit de développer un « système de systèmes » reposant sur un chasseur-bombardier de 6e génération. Ce projet est dirigé par BAE Systems, en associaton, notamment, avec Rolls Royce, Leonardo UK et MBDA UK.

Quant au SCAF, et après que le Bundestag [chambre basse du Parlement allemand] a accepté, du bout des lèvres, de voter les crédits nécessaires à sa poursuite, il doit normalement entrer incessamment sous peu dans sa phase 1B, laquelle doit mener à la mise au point d’un démonstrateur.

En octobre, lors d’une audition à l’Assemblée nationale le Délégué général pour l’armement [DGA], Joël Barre, avait dit attendre la « signature de la maison Dassault, maître d’oeuvre de l’avion [le NGF, pour New Generation Fighter], qui mène des négociations difficiles sur l’organisation et le partage du travail avec ses partenaires principaux que sont Airbus Allemagne et Airbus Espagne ». Et d’ajouter : « Nous devons traiter cette difficulté au cours des semaines à venir, pour aboutir mi-novembre à la signature du contrat de la DGA [Direction générale de l’armement] et des contrats afférents qui associent les maîtres d’œuvre à leurs principaux partenaires ». Or, le 15 novembre est passé… Et aucune annonce n’a été faite.

Quoi qu’il en soit, l’existence de deux projets européens d’avion de combat de 6e génération posera, à un moment ou à un autre, la question de leur soutenabilité financière. « Il n’est pas certain que l’Europe pourra s’offrir deux systèmes de combat aérien du futur concurrents, avec une base d’exportation nécessairement plus étroite que s’il n’existe qu’un seul programme, surtout lorsque les conséquences économiques de la crise du coronavirus se seront fait pleinement sentir », avaient en effet estimé sénateurs Hélène Conway-Mouret et Ronan Le Gleut, dans un rapport paru en juillet 2020.

Aussi, certains estiment que ces programmes concurrents seront obligés de se rapprocher, voire de fusionner en un seul. En mai dernier, à l’antenne de BFM Business, M. Barre avait dit espérer une « convergence » entre le SCAF et le Tempest.

« En tout cas, de notre côté me semble-t-il, la porte est ouverte. Si nous pouvons un jour rapprocher les deux projets d’avions de combat qui existent aujourd’hui à l’échelle européenne, ce sera quand même une bonne chose », avait expliqué le DGA.

Plus tard, le chef de la force aérienne allemande [Luftwaffe], le général Ingo Gerhartz, n’avait pas dit autre chose, dans un entretien donné à Defense News. « Il se peut que nous allions sur des pistes différentes. J’espère que nous finirons par fusionner », avait-il déclaré au sujet des programmes SCAF et Tempest.

Un an plus tôt, Dirk Hoke, qui a depuis quitté ses fonctions de Pdg d’Airbus Defence & Space, avait défendu la même idée. « Touver un moyen de fusionner le SCAF et le Tempest devrait devenir une priorité absolue pour les décideurs une fois qu’un accord sur le Brexit sur les futures relations commerciales et de défense sera obtenu », avait-il dit…

Cela étant, de telles préoccupations ne semblaient pas, jusqu’à présent, être partagées par les promoteurs du Tempest… Ce n’est désormais plus le cas.

En effet, selon des propos rapportés par l’agence Reuters, le nouveau chef d’état-major de l’Aeronautica Militare, le général Luca Goretti, a prédit que les programmes Tempest et SCAF allaient fusionner. « Étant donné que l’un et l’autre sont dans une phase conceptuelle, il est normal que chaque pays évalue les options technologiques. Mais ils devraient ensuite fusionner car investir d’importantes ressources financières dans deux programmes équivalents est impensable », a-t-il dit.

Pour le moment, l’Italie prévoit d’investir jusqu’à 2 milliards d’euros sur 15 ans dans le programme Tempest. Une somme qui vient s’ajouter à l’investissement de 2 milliards de livres [|sur quatre ans] consenti par le Royaume-Uni.

Par ailleurs, le général Goretti a expliqué que l’Italie avait rejoint le programme Tempest « parce qu’elle sentait qu’elle pouvait y jouer un rôle plus important que dans le SCAF ». Ce qui n’est pas tout à fait exact, à en croire Guido Crosetto, le président de la Fédération des entreprises italiennes pour l’aérospatiale, la défense et la sécurité [AIAD].

« Est-ce que la France et l’Allemagne ont essayé d’impliquer l’Italie? En outre, si deux grands pays européens concluent des accords sur ces questions, comment les autres partenaires de l’UE devraient-ils réagir? [Aussi], le risque évident est un affaiblissement de l’Union elle-même sur un sujet stratégique, tel que celui de la Défense », avait-il en effet dit, estimant que Paris et Berlin avaient cherché à marginaliser Rome, malgré sa « capacité industrielle ».

Quoi qu’il en soit, une fusion suppose des vues et des intérêts communs… mais aussi de trouver de nouveaux équilibres entre les industriels concernés. Et plus les deux projets avanceront chacun de leur côté, plus il sera difficile de les rapprocher. « La négociation pour la répartition des tâches entre les grands leaders industriels au sein d’un seul et même projet, en particulier Airbus, Dassault, BAE, Thales et Léonardo, serait très complexe », avait ainsi résumé Mme Conway-Mouret et M. Le Gleut.

Qui plus est, si une telle évolution venait à se concrétiser, on retrouverait les mêmes ingrédients de l' »Experimental Aircraft Program » [EAP] qui, associant la France, l’Allemagne [de l’Ouest], l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Italie devait permettre de développer un appareil « multi-rôles ». La partie française, estimant que ses besoins n’étaient pas assez pris en compte, s’en retira en août 1985 et misa sur le Rafale, lequel deviendra par la suite le concurrent de l’Eurofighter Typhoon. Sur le plan économique, il n’est pas certain que la coopération ait été plus avantageuse… l’Allemagne ayant, par exemple, payé ses avions deux fois plus cher que prévus.

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