Barkhane a transféré la base de Tessalit à l’armée malienne, qui espère une aide militaire russe accrue

En juin, le président Macron a annoncé la réorganisation du dispositif militaire français au Sahel [et donc la fin de l’opération Barkhane en tant que telle] selon quatre axes : la formation et le conseil des forces armées locales, via les Éléments français au Sénégal [EFS] et les Forces françaises en Côte d’Ivoire [FFCI], l’accompagnement au combat, assuré par le groupement européen de force spéciales « Takuba », la « réassurance » au profit des forces alliées et partenaires, notamment avec des moyens aérien, et la poursuite des actions ciblées contre les cadres des organisation jihadistes.

Cette réorganisation, qui implique une réduction des effectifs français dans la région, prévoit le retrait de trois bases opérationnelles avancées situées dans le nord du Mali, à savoir celles de Tombouctou, Kidal et Tessalit, les moyens devant désormais se concentrer à Gao et à Niamey [Niger]. D’où la nécessité de planifier une manoeuvre logistique importante et… périlleuse compte tenu du risque d’embuscade et de la menace posée par les engins explosifs improvisés [EEI ou IED].

Début octobre, sous l’autorité du Groupement tactique désert logistique « Taillefer », deux convois, d’une centaine de véhicules chacun, sont partis de la Plateforme opérationnelle désert [PfOD] de Gao en direction de Kidal et de Tessalit, « dans un environnement sous forte menace d’engins explosifs improvisés », avait souligné l’État-major des armées [EMA]. « Les convois étaient composés à 70% de camions civils, escortés et protégés par des moyens militaires, aussi bien terrestres qu’aériens et de renseignement », avait-il précisé.

Arrivés à destination après avoir parcouru 400 km en 6 jours [pour celui de Kidal] et 600 km en 7 jours [pour celui de Tessalit], ces deux convois ont pris en compte le matériel devant être ramené à Gao en 48 heures.

Ainsi, raconte un journaliste de Radio France qui se trouvait à Tessalit, « les cuisines, les douches, les frigos, les 60 tentes climatisées furent empaquetés », de même que l’un des deux mortiers du camp ainsi que du matériel de détection et de protection. Cela étant, ces deux bases avancées devant être cédées aux FAMa, « certains éléments de confort ont été cédés » et « l’ensemble des systèmes de protection des bases [abris et bastion walls] a également été laissé sur place », précisa l’EMA.

Si cette vaste opération logistique s’est terminée le 17 octobre, les FAMa n’ont pas immédiatement pris possession des lieux cédés par les militaires français. En effet, ce n’est qu’un mois plus tard que l’EMA a annoncé que « l’emprise occupée par Barkhane à Tessalit a été transférée » le 13 novembre à l’armée malienne. « Les derniers soldats français ont quitté le site le 15 novembre », a-t-il ajouté.

Le transfert de celle de Kidal aux FAMa et aux Casques bleus de la Mission des Nations unies au Mali s’est fait aux alentours du 20 octobre, sans tambour ni trompette.

Pour rappel, le chef du gouvernement de transition malien, Choguel Kokalla Maïga avait accusé la France d’avoir empêché les FAMa de s’établir à Kidal… qui est par ailleurs un bastion de la rébellion touareg. Ce qu’il ne pourra désormais plus faire…

Le transfert de la base avancée de Tessalit « s’inscrit dans le cadre du partenariat de combat qui lie les forces françaises et les forces maliennes », a rappelé l’EMA. « Ainsi, les unités maliennes et françaises se sont entraînées ensemble pendant plusieurs semaines pour partager leurs savoir-faire et préparer la pleine prise en compte de l’emprise par une compagnie renforcée des FAMa. Différentes procédures de réassurance ont notamment pu être mises en œuvre », a-t-il précisé. La prochaine emprise concernée par cette réorganisation du dispositif militaire français sera celle de Tombouctou.

Cela étant, ce départ des forces françaises de ces trois bases avancées situées dans le nord du Mali avait aussi été vivement critiqué par M. Maïga, celui ayant parlé d’un « abandon en plein vol » de la France afin de justifier le recours éventuel à la Russie, via la société militaire privée [SMP] Wagner, proche du Kremlin, qu’il n’avait cependant pas nommée.

La semaine passée, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a rencontré son homologue russe, Sergueï Lavrov, pour évoquer la situation de son pays. « Nous souhaitons pouvoir compter sur la Russie, un partenaire réaliste et pragmatique qui a su faire preuve de son efficacité dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans d’autres théâtres d’opération », a-t-il dit, lors d’une conférence de presse, le 11 novembre. Et d’évoquer un renforcement de la coopération militaire avec Moscou, via des équipements et des formations.

De son côté, M. Lavrov a estimé que, avec le départ de Barkhane du nord du Mali, « les terroristes se sentent de plus en plus à l’aise ».

« Nous comprenons la nécessité de renforcer le potentiel antiterroriste du Mali. Nous fournissons des équipements, des armes et des munitions via nos canaux étatiques. Nous ferons tout notre possible pour prévenir les menaces contre l’État et l’intégrité territoriale du Mali. Il faut éviter le vide de pouvoir qui pourrait se former dans le Nord du pays en raison de la décision de nos collègues français d’évacuer une partie de leur contingent du Mali et de fermer trois des cinq bases militaires dans la zone d’activité la plus intense des groupes terroristes », a insisté le chef de la diplomatie russe.

Quant à la SMP Wagner, avec laquelle Bamako n’a toujours pas signé d’accord bien qu’une telle intention lui est prêtée, elle devrait être sanctionnée par l’Union européenne [UE]. C’est en effet ce qu’a affirmé Josep Borrell, le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité.

L’UE est effectivement concernée par ce recours éventuel du Mali aux mercenaires russes dans la mesure où elle conduit une mission de formation auprès des FAMa [EUTM Mali, ndlr].

« Il y a un consensus pour prendre des mesures restrictives contre ce groupe. Elles seront décidées dès que le travail au niveau technique aura été achevé. Des propositions spécifiques pour désigner des individus et des entités vont être évaluées », a ainsi déclaré M. Borrell, le 15 novembre, à l’issue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des 27 États membres de l’UE.

Selon le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, il s’agirait de décider des « sanctions contre les membres de la société Wagner et contre les sociétés qui travaillent directement » avec elle.

Le 12 novembre, lors d’un entretien avec leurs homologues russes, la ministre des Armées, Florence Parly, et M. Le Drian ont exprimé le « caractère inacceptable que revêtirait le déploiement de mercenaires de Wagner dans la bande sahélo-saharienne » et « réitéré leurs messages de fermeté quant aux risques de déstabilisation régionale et d’atteinte aux intérêts de la France et de ses partenaires engagés dans la lutte contre le terrorisme au Sahel ».

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