Pour le chef d’état-major britannique, le risque d’une « guerre accidentelle » avec la Russie n’a jamais été aussi élevé

Peu avant de quitter ses fonctions de chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre avait insisté sur la nécessité de « faire prendre conscience à nos concitoyens que le monde qui les entoure est un monde violent et qu’ils vont être rattrapés par cette violence très rapidement, quoiqu’il arrive, qu’ils le veuillent ou non ».

Outre-Manche, devant céder sa place de chef des forces britanniques à l’amiral Tony Radakin d’ici la fin de ce mois, le général Nick Carter a tenu des propos de même nature lors d’un entretien donné à Times Radio, alors que les tensions dans l’est de l’Europe ne cessent d’augmenter, avec notamment la pression migratoire – instrumentalisée par la Biélorussie – sur la Pologne et les mouvements des forces russes – décrits comme étant « inhabituels » – aux abords de l’Ukraine.

Ces derniers jours, la Russie a par ailleurs affiché son soutien militaire à la Biélorussie avec l’envoi de bombardiers stratégiques Tu-22M3 « Backfire » et Tu-160 « Blackjack » et la tenue d’exercices impliquant des troupes aéroportées. En outre, le 12 novembre, deux autres Tu-160 ont effectué une patrouille en mer du Nord, où ils ont été interceptés par des F-16 belges et des Eurofighter Typhoon britanniques.

Cependant, et dans le même temps, le Royaume-Uni a envoyé un détachement d’une dizaine de militaires en Pologne, avec la mission d’apporter un « soutien technique » afin d’aider Varsovie à « faire face à la situation à la frontière avec la Biélorussie ». En outre, l’US Navy a envoyé deux vaisseaux en mer Noire – le « destroyer » USS Porter et le navire de commandement amphibie USS Mount Whitney [le « navire amiral » de sa 6e flotte] pendant que plusieurs avions de renseignement y sont régulièrement interceptés par les forces aériennes russes. Quatre l’ont ainsi été le 11 novembre, selon l’agence TASS.

Le 13 novembre, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, a déclaré qu’une telle activité militaire en mer Noire posait un « sérieux défi » à la Russie. « Les États-Unis et leurs alliés de l’Otan mènent des exercices imprévus en mer Noire. Avec non seulement un groupe naval assez puissant, mais aussi l’aviation, dont l’aviation stratégique. C’est un sérieux défi pour nous », a-t-il dit.

Interrogé sur cette situation, le général Carter a affirmé que la menace d’une « escalade » pouvant « conduire à une erreur ce calcul » était un « véritable défi ». D’autant plus que cette « concurrence pour l’influence régionale s’intensifie » alors que les « canaux diplomatique qui étaient autrefois utilisés pour apaiser les tensions durant la Guerre Froide n’existent plus », a-t-il ajouté.

« Nous sommes dans un monde beaucoup plus compétitif qu’il y a dix ou quinze ans » et « je pense que la nature de la compétition entre les États et les grandes puissances conduit à de plus grandes tensions », a expliqué le chef d’état-major britannique. « Nous devons veiller à ce que les gens ne finissent pas par laisser la nature belliqueuse de certaines de nos politiques se retrouver dans une position où l’escalade mène à des erreurs de calcul », a-t-il poursuivi.

« Beaucoup des outils et mécanismes diplomatiques traditionnels avec lesquels vous et moi avons grandi pendant la Guerre Froide ne sont plus là. Et sans eux… il y a un plus grand risque d’escalade pouvant conduire à des erreurs de calcul. C’est un vrai défi auquel nous sommes confrontés », a insisté le général Carter.

Et à la question de savoir sur le risque d’une guerre était plus important aujoud’hui qu’à n’importe quel moment de sa carrière, le général Carter a répondu « oui ». Et d’ajouter : « Après le monde bipolaire de la guerre froide et le monde unipolaire de la domination américaine, les diplomates sont désormais confrontés à un monde multipolaire plus complexe ».

Pour éviter d’éventuelles « erreurs de calcul », comme cela a failli se produire à plusieurs reprises au cours de ces dernières années, il est en effet toujours préférable d’établir un dialogue. Mais, depuis octobre, celui entre l’Otan et la Russie est suspendu, Moscou ayant décidé de mettre en sommeil sa représentation diplomatique auprès de l’organisation, après le retrait de l’accréditation de huit de ses membres, accusés d’être des « agents de renseignement non déclarés ».

« Les relations entre l’Otan et la Russie sont à leur point le plus bas depuis la fin de la guerre froide. Et c’est à cause du comportement russe. […] Nous avons vu une augmentation des activités malveillantes de la Russie en particulier en Europe et donc nous devons agir. Nous sommes prêts à nous impliquer dans un dialogue significatif avec la Russie », avait alors déploré Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance.

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