Le ministère espagnol de la Défense assure ne pas s’intéresser au F-35… Vraiment?

Quelles sont les véritables intentions de l’Espagne pour moderniser son aviation de combat? La question se pose étant donné les déclarations contradictoires en provenance de Madrid. Ainsi, le 9 novembre, une porte-parole du ministère espagnole de la Défense a catégoriquement démenti, auprès de l’agence Reuters, tout intérêt pour l’avion de combat F-35 du constructeur américain Lockheed-Martin.

« L’Espagne n’a pas l’intention d’acheter d’avions de combat F-35 aux États-Unis et reste attachée au programme européen SCAF [Système de combat aérien du futur] », mené en coopération avec la France et l’Allemagne, a-t-elle assuré. « Le gouvernement espagnol n’a pas de budget pour s’engager dans un autre projet d’avion en plus de celui qui est déjà en cours. Nous excluons d’entrer dans le projet F-35. Notre engagement d’investissement est dans le SCAF », a-t-elle encore insisté.

Ce démenti a été publié cinq jours après que le journaliste Gareth Jennings d’IHS Janes, a affirmé que l’Espagne envisagait pourtant d’acquérir 50 F-35 [dont 25 en version STOVL c’est à dire à « décollage court et atterrissage vertical » – F-35B, ndlr], pour remplacer une partie des F/A-18 Hornet de l’Ejército del Aire ainsi que les AV-8 Harrier II de la composante aérienne de l’Armada Española.

L’achat éventuel du F-35B ne serait nullement surprenant étant donné qu’il s’agit du seul appareil sur le marché pouvant être mis en oeuvre depuis le pont d’envol du porte-aéronefs Juan Carlos I. Un telle option a été évoquée à plusieurs reprises par les responsables militaires espagnols, le remplacement des AV-8 Harrier II étant un dossier prioritaire afin de conserver une capacité aéronavale. Et il ne peut guère en être autrement : le New Generation Fighter [NGF], sur lequel reprosera le SCAF, n’aura pas de version STOVL.

En revanche, l’idée que l’Ejército del Aire puisse envisage de se doter de 25 F-35A [la version « classique » de l’avion de Lockheed-Martin, ndlr], n’avait jamais été avancée jusqu’ici. Et pour cause : en octobre 2020, Madrid avait annoncé son intention d’acquérir 20 Eurofighter Typhoon supplémentaires. Cependant, cette commande n’a pas encore été signée.

Cette information concernant l’achat potentiel de F-35A n’a pas été démentie par le colonel Jesus Ferrer, de la Direction générale de l’armement et du matériel [DIGAM] du ministère espagnol de la Défense. S’il est bien question de remplacer les F/A-18 Hornet les plus anciens de l’Ejército del Aire par 20 Eurofighter, les jeux seraient ouverts pour la suite.

« Un second programme sera lancé pour remplacer les F-18 opérant depuis les bases de Sarragosse et de Torrejón. Le F-35 de Lockheed Martin est envisagé, avec d’autres Eurofighter. Ce sont les deux options », a confié l’officier espagnol à Defense News, en marge du salon de l’armement FEINDEF 2021, le 4 novembre.

Qui plus est, en août dernier, le directeur de la DIGAM, l’amiral Santiago González Gómez, s’est rendu aux États-Unis pour rencontrer le général Eric Fick, le reponsable du programme F-35 au Pentagone. Et ce n’était sans doute pas pour discuter de la météo… Et pour un gouvernement qui assure ne pas être s’intéresser à l’avion de Lockheed-Martin, on peut trouver une telle visite étrange…

Cela étant, est-ce que l’Espagne ne cherche-t-elle pas à assurer ses arrières? Certes, l’accord de coopération relatif à la phase 1B du SCAF a été signé par les gouvernement concernés. Et la Direction générale de l’armement françaises, aux commandes de ce programme, doit notifier les contrats aux principaux maîtres d’oeuvre. Ce qui a été fait pour Airbus Allemagne, qui dirige les travaux sur le cloud de combat et les effecteurs. Et ce qui devait l’être le mois dernier, s’agissant des moteurs, pour Eumet [co-entreprise formée par Safran et MTU, ndlr]. Mais il subsiste encore des difficultés pour le NGF.

« Nous attendons la signature de la maison Dassault, maître d’œuvre de l’avion, qui mène des négociations difficiles sur l’organisation et le partage du travail avec ses partenaires principaux que sont Airbus Allemagne et Airbus Espagne. Nous devons traiter cette difficulté au cours des semaines à venir, pour aboutir mi-novembre à la signature du contrat de la DGA et des contrats afférents qui associent les maîtres d’œuvre à leurs principaux partenaires », a ainsi expliqué Joël Barre, le Délégué général de l’armement, devant les quatre députés présents lors de sa dernière audition à l’Assemblée nationale…

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