Le ministère des Armées dément avoir commandé des pulls à une entreprise chinoise aux dépens d’une PME française

Désormais, la « réindustrialisation » de la France n’est plus que jamais à l’ordre du jour de bon nombre de responsables politiques, ce qui marque une rupture du modèle sur lequel repose en partie l’économie française, qui, pour schématiser à grands traits, privilégie la consommation aux dépens de la production.

Cela étant, fondée en 1973 dans le Tarn, Regain est une entreprise qui se veut exemplaire en matière de « Responsabilité Sociétale des Entreprises » [RSE], dans la mesure où elle s’engage à « produire en France », « respecter les intérêts » de ses clients, « réduire » ses « impacts environnementaux », « nouer des relations de confiance » avec ses « partenaires » et à innover. Chaque année, elle vend 210’000 articles, dont 40’000 pullovers. Et une partie de sa production est destinée au ministère des Armées et à celui de l’Intérieur.

En 2019, le Service du commissariat des Armées [SCA] a lancé un appel d’offres, divisés en trois lots, afin de se procurer des chandails et autres pullovers. Le tout pour un montant de près de 2,4 millions d’euros [hors TVA]. Seulement, les propositions soumises par Regain n’ont pas été retenues. Et c’est une entreprise étrangère qui a été retenue.

Ce 4 novembre, visitant justement les locaux de cette entreprise, Arnaud Montebourg, ancien ministre du « Redressement productif » et désormais candidat à la prochaine élection présidentielle, a dénoncé le fait que la confection des pulls et des chandails des militaires français ait été « délocalisée ». Et de déplorer que Regain ait perdu une « commande publique au profit d’un producteur étranger ».

Producteur qui, selon l’équipe de campagne de l’ex-ministre, serait chinois… Sur les ondes de France Bleu, qui a repris cette affirmation à son compte, le Pdg de Regain, Laurent Brunas, a fait valoir que les marchés publics devaient prendre « plus en compte les critères RSE ».

« En France, le coût minute d’une personne qui travaille dans la confection est de l’ordre de 0,50 centime d’euro. Au Portugal, on est à 0,30. En Tunisie et Roumanie on est à 0,13. Et en Chine, le coût à la minute est de 0,05 centime d’euro. La Chine est donc dix fois moins chère que la France. Donc, je n’ai aucune chance de passer. Il faut vraiment qu’on arrive à valoriser de plus en plus la qualité. Un point qui est très important également, c’est le coût de possession qui permet de regarder la durabilité du produit. Parce qu’il y a des produits aujourd’hui qui ne sont pas du tout chers, qui sont très peu qualitatifs et chaque année, il faut racheter », a ainsi fait valoir M. Brunas.

Seulement, l’équipe de campagne de M. Montebourg a, semble-t-il, fait fausse route. Ainsi, sur les trois lots de l’appel d’offres en question, les deux premiers [et les plus importants, car dotés respectivement de 1 million et de 1,2 million d’euros, ont été attribués à SARL Leo Mirror, qui a une filiale à Casablanca [Maroc]. Le dernier, sans doute destiné à la Marine nationale, a été décroché par la PME française « Tricots Saint-James ».

C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé Hervé Grandjean, le porte-parole du ministère des Armées. « Un contrat de fourniture de pulls pour l’armée française a été conclu avec deux entreprises françaises en septembre 2020 : Saint James et Léo Minor. La confection est faite soit en France soit au Maroc ou en Tunisie. Les matières premières sont européennes », a-t-il en effet expliqué, faisant valoir que la procédure a été « menée conformément au code de la commande publique, sur des critères de qualité, de prix, en intégrant des dispositions de responsabilité sociale ».

Si elle n’a pas été choisie dans le cadre de cette dernière, la PME Regain a cependant obtenu du ministère des Armées une commande de 15’000 chandails, pour un montant de 500’000 euros, au tire des mesures de relance de l’économie. « Nous finançons également Regain pour une expérimentation sur des sous-vêtements techniques innovants. C’est une entreprise importante pour nous, et nous lui prouvons », a souligné M. Grandjean.

Et celui-ci de rappeler que le « ministère des Armées a très majoritairement recours à des fournisseurs français pour l’habillement de ses soldats : 78% de nos fournisseurs sont français, et la moitié sont des PME et des TPE ».

Photo : Pull de l’armée de Terre, via Doursoux

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]