M. Poutine annonce que la marine russe sera dotée du missile hypersonique Zircon à partir de 2022

« Je ne suis pas certain que ce soit un ‘moment Spoutnik’ [quand les États-Unis prirent conscience de leur retard par rapport à l’Union soviétique dans le domaine spatial, en 1957, ndlr], mais je pense qu’on en est très proche », a récemment commenté le général Mark Milley, le chef d’état-major interarmées américain, au sujet de l’essai d’un planeur orbital hypersonique à capacité nucléaire par la Chine, en août dernier.

En matière d’armes hypersoniques, les États-Unis sont actuellement en retard, alternant les bonnes et les mauvaises fortunes dans les différents programmes qu’ils conduisent dans ce domaine. Et cela, alors qu’ils avaient été les premiers à vouloir s’en doter, dans cadre du programme « Conventional Prompt Global Strike », lancé à l’aube des années 2000.

Si la Chine fait craindre un « moment Spoutnik » au Pentagone, la Russie assure avoir pris de l’avance dans le développement d’armes hypersoniques. En décembre 2019, elle a mis en service le système Avanguard, qui, mis au point par NPO Mashinostroyenia Corporation, est un planeur hypervéloce et manoeuvrable lancé par un missile balistique intercontinental RS-18/SS-19.

En outre, et comme son homologue chinoise avec le « CH-AS-X-13 », la force aérospatiale russe dispose d’un missile aérobalistique, en l’occurrence le Kinjal, mis en oeuvre par des MiG-31K.

Quant à la marine russe, elle pourra équiper ses batteries de défense côtière, ses frégates de type « Amiral Gorchkov » et ses sous-marins nucléaires d’attaque [SNA] de la classe Iassen avec des missiles hypersoniques Zircon [code Otan : SS-N-33] à partir de 2022. C’est en effet ce que vient de confirmer Vladimir Poutine, le chef du Kremlin, ce 3 novembre.

« Les tests du missile de croisière hypersonique russe Zircon sont presque terminés et les livraisons à la marine commenceront en 2022 », a en effet annoncé le président russe, lors d’une intervention télévisée.

Pour rappel, le sous-marin Severodvinsk a été le premier navire de ce type a tiré un missile hypersonique Zirkon, dans le cadre d’un essai réalisé le 4 octobre, en mer de Barents.

« Maintenant, il est particulièrement important de développer et de mettre en œuvre les technologies nécessaires pour créer de nouveaux systèmes d’armes hypersoniques, des lasers de haute puissance et des systèmes robotiques qui seront capables de contrer efficacement les menaces militaires potentielles, ce qui signifie qu’ils renforceront davantage la sécurité de notre pays », a par ailleurs soutenu M. Poutine.

À noter que, le 1er novembre, ce dernier a dénoncé les Occidentaux pour leur « tentative de briser la parité stratégique » avec la Russie, via le déploiement de systèmes antimissiel à longue portée près des frontières russes.

« Nous ne sommes que trop conscients du fait que certains de nos partenaires étrangers n’ont pas renoncé à leur tentative de briser la parité [stratégique], à travers notamment le déploiement de systèmes de défense antimissile à longue portée [dans des zones] proches de nos frontières. Il nous est impossible d’ignorer ces menaces envers la sécurité de la Russie et nous y répondrons de manière adéquate », a ainsi fait valoir M. Poutine.

Cela étant, avec la mise en service d’armes hypersoniques, potentiellement à capacité nucléaire, la Russie prend un avantage certain sur l’Otan, qui n’en possède pas encore. Actuellement, au sein de l’Alliance, seuls les États-Unis, el Royaume-Uni et la France mènent des programmes pour s’en doter.

Si elles sont moins discrètes que les missiles balistiques en raison d’une signature thermique plus forte, les armes hypersoniques sont plus manoeuvrantes… Et comme le plasma généré par les fortes températures absorbent les ondes radars et qu’elles peuvent évoluer à des altitudes où les systèmes de défense aérienne sont moins performants, elles ne seront pas faciles à contrer… à moins d’apporter des changements, comme l’a récemment souligné l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], lors d’une audition parlementaire.

« Jusqu’à présent, nos systèmes d’armes étaient conçus pour détruire des missiles subsoniques. Aujourd’hui, nous travaillons à la transformation de nos navires, de sorte qu’ils soient capables d’intercepter les missiles hypersoniques en augmentant la vitesse de réaction de nos systèmes de combat. Nous mettons ainsi en œuvre des programmes d’amélioration de nos navires par la veille coopérative navale », a expliqué l »amiral Vandier.

Et d’ajouter : « Concrètement, une force navale coopère en transmettant les cibles élaborées par chaque bateau. L’élaboration des cibles nécessite environ quatre à cinq secondes, ce qui induit un décalage temporel des données partagées. Et cinq secondes de décalage, alors qu’il s’agit d’appréhender des missiles filant à Mach 7, c’est beaucoup. Les radars doivent donc être capables de coopérer entre eux, indépendamment des systèmes d’armes, de façon à identifier les cibles beaucoup plus rapidement. Cette technique de guerre coopérative implique d’utiliser le segment spatial, en exploitant les données des satellites de basse orbite, dont le temps de latence est très inférieur à celui des satellites géostationnaires ».

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