Dissuasion : Un rapport s’inquiète de l’avenir du missile M51 si ArianeGroup privilégie les lanceurs réutilisables

Le 8 octobre, et selon des sources syndicales, la direction d’ArianeGroup a indiqué devant comité social et économique [CSE] qu’elle avait l’intention de supprimer 588 postes, dont 530 en France, l’objectif étant de gagner en compétitivité pour faire face à la concurrence des acteurs du « New Space », à commencer par l’américaine SpaceX, avec ses lanceurs réutilisables.

Cette annonce a été faite alors que, quelques semaines plus tôt, la France et l’Allemagne avaient trouvé un accord pour donner au lanceur Ariane 6, en cours de développement, un « avenir institutionnel et commercial », pour reprendre les mots de Bruno Lemaire, le ministre français de l’Économie, des Finances et de la Relance.

Selon les termes de cet accord, il est prévu de financement supplémentaire d’Ariane 6 de près de 140 millions d’euros supplémentaires par an afin de réduire le nombre de tirs nécessaires pour atteindre le seuil de rentabilité. Et, dans le même temps, de délocaliser la production du moteur Vinci [qu doit propulser le second étage du lanceur] de Vernon à Lampoldshausen [Allemagne].

Cela étant, M. Le Maire a pris l’engagement que le site de Vernon, où l’on craint de nouvelles suppressions de postes, soit désigné pour assurer le développement du moteur à ergols liquides Prometheus [Precursor Reusable Oxygen METHan cost Effective Engine], qui doit être réutilisable et à faible coût.

Le souci est qu’ArianeGroup est un acteur majeur de la dissuasion nucléaire française, via le missile balistique mer-sol M51, qui arme les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE].

Or, et alors qu’un contrat de développement et de production pour la version M51.4 de ce missile est attendu pour 2025, un rapport de l’Assemblée nationale s’inquiète des orientations stratégiques d’ArianeGroup, notamment s’il est décidé de miser uniquement sur les lanceurs réutilisables.

« S’il convient de saluer l’accord signé à l’été 2021 […] pour équilibrer l’exploitation d’Ariane 6, des préoccupations demeurent. En effet, si ArianeGroup décidait de développer des lanceurs réutilisables – évolution qui paraît indispensable pour faire face à la concurrence d’acteurs comme Space X – l’entreprise serait amenée à privilégier un système de propulsion liquide pour le lanceur Ariane, alors que la propulsion du M51 demeurerait solide », explique en effet le député Christophe Lejeune, rapporteur pour avis sur les crédits alloués à la dissuasion.

« Il y a donc là un enjeu crucial de maintien des compétences, parfaitement identifié par l’industriel comme par la Direction générale de l’armement [DGA] », a ajouté le parlementaire, avant de noter, toutefois, que des « réflexions ont été engagées autour du lancement d’un démonstrateur de propulsion financé à partir des crédits inscrits au programme 144 de la mission ‘Défense' ».

Cela étant, les suppressions d’emploi annoncées par la direction d’ArianeGroup ne devraient pas épargner le site de Brest… à la grande surprise des syndicats, d’autant plus que l’activité au profit de la DGA y est « très intense ». Implanté sur la base de l’Île-Longue, celui-ci est « responsable de la préparation finale des missiles M51 jusqu’à leur embarquement à bord des SNLE » ainsi que de la « maintenance » de ces engins ».

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