Pour moderniser ses F-16, Ankara met la pression sur Washington en évoquant l’achat d’avions russes Su-35 et Su-57

Par rapport à son homologue grecque, qui pourra bientôt aligner 24 Rafale, 85 F-16 portés au dernier standard [Block 70/72 ou « Viper »], voire des F-35A, la force aérienne turque risque le déclassement, les avions qu’elle met actuellement en oeuvre ayant besoin d’être modernisés.

Or, en raison de l’achat de systèmes russes de défense aérienne S-400, la Turquie a été exclue du programme F-35, dans le cadre duquel elle avait commandé 100 exemplaires, et son industrie de l’armement a été sanctionnée par l’administration américaine, au titre de la loi CAATSA [Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act]. Aussi, les marges de manoeuvre pour moderniser son aviation de combat sont étroites… Et cela pourrait dégrader sa capacité à défendre le flanc sud de l’Otan [à condition qu’elle y soit disposée…].

L’une des solutions passerait donc par l’acquisition de 40 F-16 « Viper » et de 80 kits de modernisation. Ce qui permettrait de patienter jusqu’à la mise en service du TF-X, un avion de 5e génération actuellement développé par Turkish Aerospace Industries. Les informations relatives à ce possible achat ont été confirmées par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, le 17 octobre.

Et, d’après les explications de ce dernier, il s’agirait d’obtenir de la part des États-Unis pour les sommes déjà versées par Ankara au titre du programme F-35. Soit 1,4 milliard de dollars. « Nous avons soulevé cette question dans nos entretiens. Nous attachons de l’importance au dialogue pour trouver une solution à ce problème », a déclaré M. Erdogan. Et ce projet concernant les F-16 est « bien sûr lié au problème des F-35 « , a-t-il ajouté, précisant que l’offre venait de Washington, qui vient, par ailleurs, de renforcer sa coopération militaire avec Athènes.

Seulement, il reviendra au Congrès d’autoriser ou non la vente de F-16 « Viper » à la Turquie… Or, cette dernière n’a pas bonne presse auprès des parlementaires américains…

Quoi qu’il en soit, le président des industries turques du secteur de la Défense, Ismael Demir, qui a par ailleurs été sanctionné par Washington en décembre 2020, a remis sur la table l’idée d’une acquisition de chasseurs-bombardiers Su-35 « Flanker E » et/ou Su-57 « Felon » auprès de la Russie dans le cas où la Turquie ne serait pas autorisée à se procurer des F-16 modernisés.

Une telle « menace » est régulièrement sous-entendue par les responsabls turcs. Comme encore en mars dernier. « S’il y a un avion en Russie pour nos besoins actuels et qu’il ne sera pas difficile de l’intégrer dans notre système et de l’exploiter, nous pouvons bien sûr l’acheter », avait ainsi affirmé Mustafa Varank, le ministre turc de l’Industrie et de la Technologie.

Jusqu’alors, la perspective d’un achat d’avions de combat russes était avancée pour convaincre Washington de revenir sur sa décision relative à l’exclusion de la Turquie du programme F-35. Ce qui n’a pas marché jusqu’à présent. En ira-t-il autrement pour l’achat de F-16 Viper?

En tout cas, M. Demir a usé du même procédé, lors d’un entretien accordé à la chaîne de télévison Kanal 7, le 17 octobre. « Si le processus [d’achat et de mise à niveau des F-16] n’aboutit pas, la Turquie ne sera pas sans solutions. Si nécessaire, le sujet du Su-35 et du Su-57 peut être ouvert à tout moment. Notre industrie fera tout pour assurer notre sécurité, et si quelque chose de plus est nécessaire, nous pourrons toujours trouver une issue », a-t-il affirmé.

Et visiblement, la Russie est prête à aller de l’avant dans cette affaire. Ainsi, Dmitri Chougaïev, le directeur du Service fédéral russe pour la coopération militaire et technique [FSVTS], a été prompt à réagir en assurant, à l’agence de presse Ria Novosti, que ses services étaient disposés à négocier la vente d’avions Su-35 et Su-57 si Ankara décidait de s’en procurer.

Photo : Su-57 « Felon »

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