La France pousse le concept de « présence maritime coordonnée européenne » pour l’Indo-Pacifique

Face aux visées chinoises dans la région Indo-Pacifique, « je ne crois pas que nous puissions raisonner en opposant les tonnages des navires. Il faut revendiquer ce qui a toujours été notre posture, qui est de chercher à préserver le droit international et à éviter toute forme d’escalade militaire dans laquelle le partenariat « AUKUS » [qui réunit l’Australie, le Royaume-Uni et le États-Unis, ndlr] peut constituer une forme de prémices », a estimé Florence Parly, la ministre des Armées, à l’Assemblée nationale, lors d’une audition dédiée à la rupture par Canberra du contrat portant sur la livraison de 12 sous-marins Shortfin Barracuda, le 12 octobre.

Certes, le tonnage des navires de fait pas tout, car leurs capacités doivent aussi être prises en compte. Mais il n’en reste pas moins qu’aucun n’a le don d’ubiquité… Et qu’une force navale au format contraint, qui doit par conséquent composer avec un dépassement récurrent de son contrat opérationnel [comme c’est le cas de la Marine nationale], ne peut pas faire de miracle.

D’où la solution avancée par Mme Parly devant les députés. Solution qui reposerait sur le concept de « présence maritime coordonnée européenne » [CMP]. Un tel dispositif est actuellement expérimenté dans le golfe de Guinée depuis maintenant plusieurs mois.

Ainsi, début octobre, la frégate multimissions [FREMM] Marciglia, de la Marina Militare, et le patrouilleur de haute-mer [PHM, ex-aviso] Commandant Ducuing, ont manoeuvré ensemble dans le cadre de ce nouveau concept, qui pourrait s’appliquer à d’autres zones maritimes d’intérêt pour l’Union européenne [UE].

« Le mécanisme de présences maritimes coordonnées vise à accroître la capacité de l’UE en tant que partenaire fiable et acteur de la sûreté maritime, en renforçant l’engagement opérationnel européen, en assurant une présence et une couverture maritimes permanentes dans les zones d’intérêt maritimes établies par le Conseil, et en promouvant la coopération et le partenariat en mer au niveau international », a en effet expliqué le Conseil de l’UE, en janvier dernier.

« Sur la présence maritime coordonnée européenne en Indo-Pacifique, je n’ai aucun doute sur le fait que c’est une ambition que nous devons pousser en avant », a affirmé Mme Parly, devant les députés. Cependant, a-t-elle prévenu, il faudra réunir un « certain nombre de conditions préalables », à commencer par trouver des pays membres volontaires.

Or, parmi les 27 États de l’UE, certains, n’ayant aucun débouché sur la mer, n’ont par conséquent pas de capacités navales [tel est le cas, par exemple, de la Slovaquie, de la Hongrie ou encore de la République tchèque]. D’autres sont neutres [comme l’Autriche, qui n’a pas de marine non plus, ou comme lrlande, la Suède et la Finlande]. Enfin, parmi ceux qui ont des capacités navales, celles-ci visent avant tout à protéger leur littoral et l’intégrité de leurs espaces maritimes. Les pays baltes, la Pologne, Chypre, la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie et la Croatie sont dans ce cas.

En outre, d’autres pays dont les forces navales ont été réduites à la portion congrue, ont à fournir des moyens à l’Otan, conformément à leurs engagements. Enfin, pour couronner le tout, nombreuses sont les marines européennes à disposer de navires dépassés, ou sur le point de l’être.

Finalement, peu d’États membres ont les moyens de déployer des navires en Indo-Pacifique. Parmi eux, on peut compter l’Italie, les Pays-Bas [un navire néerlandais fait partie de l’escorte du porte-avions britannique HMS Queen Elizabeth, ndlr], voire l’Allemagne, qui y a d’ailleurs envoyé la frégate Bayern [F-217, classe Brandenburg] pour une mission de sept mois. Une première depuis vingt ans. Cependant, la Deutsche Marine doit elle aussi composer avec les difficultés, notamment celle concernant ses nouvelles frégates de type F-125.

Cela étant, Mme Parly a admis que l’une des premières difficultés serait de réussire la « génération de forces ». C’est « une dimension essentielle, surtout lorsque les missions en question sont éloignées du territoire européen », a-t-elle dit. Cependant, a-t-elle continué, il « nous faut pouvoir avoir un dialogue très ouvert avec nos partenaires ». Et cela d’autant plus qu’un « partenariat de cette nature doit permettre d’affirmer la volonté des Européens de voir le droit international et la liberté de navigation réaffirmée », a-t-elle estimé.

Reste à s’entendre aussi sur les intérêts à défendre à 27… Ce qui ne sera pas une mince affaire étant donné que certains membres cultivent une certaine proximité avec la Chine, via notamment les « nouvelles routes de la soie »…

Mais Mme Parly a dit « n’avoir aucun doute sur la pertinence » d’une initiative comme la CMP. « Encore fait-il que l’Union européenne se donne les moyens de déployer une présence maritime coordonnée dans un espace qui est plus éloigné encore que ce nous avons testé dans le golfe de Guinée », a-t-elle affirmé, avant de souligner que la « boussole stratégique », qui sera « l’un des marqueurs de la présidence française » de l’UE, permettra justement de « fixer une ambition pour l’Europe de la défense ».

Photo : Interactions entre la FREMM italienne Marciglia et le PHM Commandant Ducuing  © Marine nationale

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