Le général Burkhard veut « gagner la guerre avant la guerre »

Depuis plusieurs mois, les chefs militaires ne cessent de souligner la nécessité de préparer les forces françaises à un engagement de « haute intensité ». En juin, lors de l’un de ses dernières auditions parlementaires, l’ex-chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre avait ainsi expliqué qu’il fallait « faire prendre conscience à nos concitoyens que le monde qui les entoure est un monde violent et qu’ils vont être rattrapés par cette violence très rapidement, quoiqu’il arrive, qu’ils le veuillent ou non ».

Son successeur, le général Thierry Burkhard, ne remet pas en cause ce constat, d’autant plus que l’on assiste actuellement à une course aux armements dans le monde. Cependant, dans la vision stratégique qu’il s’apprête à dévoiler [et dont il aura l’occasion d’en parler lors de ses prochaines auditions à l’Assemblée nationale et au Sénat], le CEMA insiste sur le fait que l’on se trouve dans une période marquée par la « compétition permanente ».

« Avant, les conflits s’inscrivaient dans un schéma ‘paix / crise / guerre”. Désormais, c’est plutôt un triptyque ‘compétition / contestation / affrontement’. […] La compétition est devenue l’état
normal, que ce soit dans le champ économique, militaire, culturel ou politique, et les conflits dits périphériques appartiennent à cette compétition. On a vécu vingt ans durant lesquels la logique était l’engagement sur le terrain, mais aujourd’hui ce n’est plus l’unique solution », a ainsi développé le général Burkhard devant la presse.

Ces phases de contestation se caractérisent souvent par la politique du fait accompli. C’est ce qu’a fait la Russie en Crimée ou encore la Chine en mer de Chine méridionale. Et elles peuvent dégénérer en affrontement entre puissances majeures. D’où la nécessité de préparer les forces françaises à un engagement de haute intensité.

Cela étant, avant d’en arriver là, inspiré sous doute par les principes édictés par Sun Tzu [« le meilleur savoir-faire n’est pas de gagner cent victoires dans cent batailles, mais plutôt de vaincre l’ennemi sans combattre »], le général Burkhard dit vouloir « gagner la guerre avant la guerre », c’est à dire doter les forces françaises de la capacité à mener des actions en dessous du seuil de conflit et des opérations dites « hybrides », afin qu’elles puissent « freiner, voire empêcher l’autre de décider en faisant planer sur lui une incertitude », a-t-il expliqué, selon Le Figaro.

Ce qui passe, par exemple, par le renseignement, la lutte informatique d’influence [LII] et la « guerre des perceptions » [au sujet de laquelle le ministère des Armées dévoilera prochainement une nouvelle doctrine]. On retrouve, là encore, l’influence de Sun Tzu. « Sois subtil jusqu’à l’invisible; sois mystérieux jusqu’à l’inaudible; alors tu pourras maîtriser le destin de tes adversaires », avait écrit le penseur chinois.

À noter que, au Royaume-Uni, la dernière revue stratégique, publiée en mars dernier, met aussi l’accent sur la capacité à mener des actions au-dessous du seuil de conflit. « Nous ne pouvons plus tenir pour acquise la supériorité des forces occidentales. Nos ennemis ont infiniment plus d’options. […] Nous nous retrouvons constamment confrontés dans une ‘zone grise’ – des actions agressives en dessous du seuil de conflit ouvert », avait en effet soutenu Ben Wallace, le ministre britannique de la Défense. Mais cette orientation ne sera pas sans conséquence sur le format de la British Army, lequel va être réduit. Dans le même temps, Londres va investir fortement dans les moyens de la Royal Navy.

D’après la presse, le général Burkhard a évoqué, pour l’armée de Terre, une capacité intermédiaire entre les forces spéciales et classiques. Comme, du reste, son prédécesseur. La British Army va ainsi se doter d’un régiment de « Rangers », à partir de quatre unités existantes. En France, les groupements de commandos [GCM, GCP, GAE-A et le récent GAE-B] sont déjà à l’oeuvre.

Quoi qu’il en soit, cette vision stratégique ne remettra pas en cause les programmes de modernisation ainsi que la poursuite de la remontée en puissance des forces françaises. Cependant, et afin de mieux se préparer à « gagner la guerre avant la guerre » et à un possible engagement de haute intensité, celles-ci doivent trouver des marges de manoeuvres.

Pour cela, il faut un effort sur la disponibilité des matériels, des entraînements plus « durcis » et… des opérations extérieures plus « légères », les engagements dits asymétriques consommant du potentiel tout en ne permettant pas de se préparer à des missions plus « complexes », comme celles, par exemple, consistant à intervenir dans un milieu fortement contesté.

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