Barkhane : L’Algérie interdit l’accès de son espace aérien aux avions militaires français

En 2017, durant la campagne électorale, le candidat Emmanuel Macron avait suscité la polémique en qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité » lors d’un entretien accordé à la chaîne algérienne Echorouk News. Un sujet hautement explosif, pour lequel la passion l’emporte souvent sur la raison.

Puis, une fois devenu président, M. Macron a mandaté l’historien Benjamin Stora pour se pencher sur la guerre d’Algérie. Et, en janvier, celui-ci a remis un rapport dans lequel il a recommandé 22 mesures, dont la mise en place d’une commission « Mémoire et Vérité », appelée à encourager des « initiatives mémorielles communes » entre Paris et Alger.

Cependant, ce rapport a été fraîchement accueilli à Alger, où on a estimé qu’il occultait « les revendications légitimes de l’Algérie, en particulier la reconnaissance officielle par la France des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, perpétrés durant les 130 années de l’occupation de l’Algérie ».

On en était là quand, selon des propos rapportés par le quotidien Le Monde, le président Macron aurait affirmé que, depuis son indépendance, obtenue en 1962, l’Algérie s’est construite sur « une rente mémorielle », entretenue par « le système politico-militaire ». Et il aurait dénoncé une « histoire officielle […] totalement réécrite », qui « ne s’appuie pas sur des vérités » mais sur « un discours qui repose sur une haine de la France ». Le locataire de l’Élysée s’exprimait lors d’une rencontre avec de jeunes descendants de protagonistes de la guerre d’Algérie.

« Je ne parle pas de la société algérienne dans ses profondeurs mais du système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle. On voit que le système algérien est fatigué, le Hirak [mouvement populaire de contestation] l’a fragilisé. J’ai un bon dialogue avec le président Tebboune, mais je vois qu’il est pris dans un système qui est très dur », aurait précisément affirmé M. Macron.

Ces déclarations, qui n’ont pas été démenties, ont mis le feu aux poudres entre Paris et Alger. Ainsi, le gouvernement algérien a rappelé son ambassadeur « pour consultation », afin d’exprimer son « rejet catégorique de l’ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures que constituent » les propos du président français, qualifiés par ailleurs « d’irresponsables ».

Mais la réaction d’Alger est allée encore plus loin. En effet, ce 3 octobre, le porte-parole de l’État-major des Armées [EMA], le colonel Pascal Ianni, a indiqué que le survol du territoire algérien était désormais interdit pour les avions militaires français se rendant au Sahel, au titre de l’opération Barkhane.

« Ce matin, en déposant les plans de vol de deux avions, nous avons appris que les Algériens fermaient le survol de leur territoire aux avions militaires français », a en effet confié le colonel Ianni à l’AFP. « Cela n’affecte ni les opérations ni les missions de renseignement [menées par les forces françaises au Sahel] », a-t-il assuré. A priori, aucune notification officielle n’a été adressée par Alger à Paris.

Cela étant, la voie la plus directe pour se rendre au Mali depuis la France passe par l’Algérie. Si cette dernière ferme son espace aérien, alors cela contrait les avions militaires français à passer le Maroc et la Mauritanie. Selon le Figaro, les deux vols – logistiques – évoqués par le colonel Ianni ont dû être reportés.

En tout cas, si on en reste là, la décision algérienne risque de compliquer la réorganisation du dispositif militaire français au Sahel, qui prévoit une réduction des effectifs engagés dans l’opération Barkhane et une montée en puissance du groupement européen de forces spéciales Takuba.

Dans un rapport publié en avril, les députés Sereine Mauborgne et Nathalie Serre avaient affirmé que « l’Algérie constituait un partenaire solide pour la France dans le cadre de la conduite de l’opération Barkhane, au travers de l’autorisation de survol du territoire [environ 1 000 heures de vol en 2019], de la fourniture de carburant et d’eau, mais aussi de la mobilisation accrue dans la mise en œuvre des APR [accords pour la Paix et la Réconciliation au Mali, ndlr] depuis le changement de régime, de la surveillance des frontières ou de la formation des forces armées maliennes et des forces armées nigériennes ».

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