Sous-marins : Naval Group va bientôt envoyer une facture « détaillée » à l’Australie

Si les relations entre Paris et Washington sont visiblement sur la voie de l’apaisement après un échange téléphonique entre les présidents Macron et Biden, il en va tout autrement avec Canberra, qui, dans le cadre d’une coopération avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, a fait le choix de se doter de sous-marins à propulsion nucléaire et d’annuler ainsi un contrat attribué au constructeur français Naval Group pour la livraison de 12 navires de type Shortfin Barracuda à propulsion classique.

Pour rappel, afin de protester contre le traitement infligé à la France, tenue à l’écart des discussions visant à établir une alliance entre l’Australie, la Grande-Bretagne et les États-Unis pour la région Indo-Pacifique [AUKUS], Paris avait décidé de rappeler ses ambassadeurs en poste à Washington et à Canberra.

Le 22 septembre, depuis la capitale américaine, le Premier ministre australien, Scott Morrison, a fait savoir qu’il avait vainement tenté de joindre le président Macron après l’annulation du contrat. « Mais nous serons patients. Nous comprenons leur déception », a-t-il dit. « L’Australie a décidé de ne pas donner suite à un contrat de défense très important. Et nous savons que la France est déçue de cette décision, ce qui est compréhensible », a-t-il insisté. Et d’ajouter : « Je pense qu’il va falloir plus de temps pour résoudre ces questions que celles qui ont été résolues entre les Etats-Unis et la France ».

Effectivement, si le retour de l’ambassadeur de France aux États-Unis a été décidé, rien ne tel n’a été pour le moment annoncé pour l’Australie.

À Paris, on insiste particulièrement sur la « brutalité » de la décision australienne au sujet des sous-marins, même si quelques signes avant-coureurs auraient dû mettre la puce à l’oreille, comme en témoignent des informations publiées par ABC Australia en juin dernier. Cela étant, les autorités australiennes n’ont a priori rien laissé paraître de leurs intentions.

Dans une mise au point publiée le 20 septembre par Hervé Grandjean, le porte-parole du ministère des Armées, a révélé que la partie australienne avait écrit à son homologue française pour lui faire part de sa satisfaction des « performances atteignables » par le sous-marin Shortfin Barracuda et le « déroulement du programme ». Ce qui laisser supposer que la phase suivante du contrat allait être lancée sans tarder.

Dans un entretien donné au quotidien Le Figaro, le Pdg de Naval Group, Pierre-Éric Pommellet, a confirmé avoir reçu un courrier du gouvernement australien l’informant « officiellement » que son offre pour la prochaine phase du contrat avait été validée.

« L’engagement par Naval Group de réaliser 60 % de la valeur du contrat avec des partenaires australiens avait été négocié en février et conclu en mars 2021. Au matin du 15 septembre, toutes les
conditions étaient donc réunies pour que le programme franchisse une nouvelle étape, après cinq ans de travail. Le premier sous-marin devait entrer en production à partir de 2023 et nous construisions une filière de sous-traitants australienne », a rappelé M. Pommellet.

Puis est donc venu ce coup de théâtre, avec l’annonce de l’alliance AUKUS et la rupture du contrat confié à Naval Group. En outre, M. Pommellet assure qu’à aucun moment il a été demandé à son groupe de préparer une offre sur des sous-marins nucléaires qui auraient été destinés à la marine australienne.

Or, d’après Le Figaro, qui cite des sources diplomatiques, Paris aurait soumis une telle proposition à Canberra, qui l’aurait refusée. Sur ce point, on peut s’interroger sur le « réalisme » d’une offre de cette nature, déjà que le chantier naval de Cherbourg, où sont produits les sous-marins français, est quasiment à saturation…

En tout cas, M. Pommellet l’assure : « Chez Naval Group, ni en France ni en Australie, nous n’avons eu aucun signe avant-coureur ni la moindre information que nous devenions un plan B au bénéfice d’un plan A associant les États-Unis et le Royaume-Uni ».

Quant aux coûts du programme qui, passés de 35 à 56 milliards d’euros, firent les choux gras de la presse australienne, M. Pommellet nie toute responsabilité de Naval Group, dont les engagements « n’ont pas dévié ». Et d’expliquer que les exigences du gouvernement australien ont « évolué, notamment dans la cybersécurité ».

Quoi qu’il en soit, le contrat des sous-marins ayant été rompu pour « convenance » [ce qui signifie que Canberra n’a rien à reprocher à Naval Group, ndlr], des indemnités devront être versées à l’industriel français. « C’est un cas qui est prévu dans le contrat et qui donnera lieu à un paiement de nos coûts engagés et à
venir, liés à la ‘démobilisation’ physique des infrastructures et informatique ainsi qu’au reclassement des employés », explique M. Pommellet.

Le gouvernement australien a ainsi demandé à l’industriel français de lui remettre une « proposition détaillée et chiffrée » d’ici quelques semaines, a indiqué le Pdg de Naval Group. Et il n’a visiblement pas l’intention de faire le moindre cadeau. « Nous ferons valoir tous nos droits », a-t-il prévenu.

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