La possible arrivée de mercenaires russes au Mali jette un froid sur les relations entre Bamako et Niamey

Confrontés l’un et l’autre à la menace jihadiste, le Mali et le Niger ont engagé des troupes dans la Force conjointe du G5 Sahel [FC-G5S], au même titre que le Burkina Faso, la Mauritanie et le Tchad. Or, l’intention prêtée à Bamako de sceller une alliance avec la société militaire privée [SMP] russe Wagner fait quelques vagues, non seulement à Paris mais aussi à Niamey.

Pour rappel, selon des informations publiées la semaine passée, les autorités de transition maliennes envisageraient de recourir aux services de la SMP Wagner, dont les dirigeants sont proches du Kremlin, afin de former les soldats des Forces armées maliennes [FAMa] et d’assurer la protection des « hautes personnalités ». Et cela en échange d’une rémunération mensuelle de 9 millions d’euros par mois et d’un accès à des ressources minières.

Le souci est que le gouvernement malien en exercice est issu d’un double coup d’État militaire [l’un fomenté en août 2020 pour renverser le président Ibrahim Boubacar Keïta, l’autre mené en mai 2021, pour asseoir le pouvoir du colonel Assimi Goïta] et qu’un processus de transition est normalement en cours, avec un référendum constitutionnel prévu le 31 octobre, puis des élections locales, législatives et présidentielles devant être organisées d’ici mars 2022. Aussi, l’éventuelle arrivée de la SMP Wagner au Mali a de quoi nourrir le doute sur les motivations du pouvoir actuellement en place à Bamako.

Aussi, dans un entretien donné à RFI à l’occasion d’une réunion de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [Cédéao], le ministre nigérien des Affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, a annoncé la couleur.

« Nous considérons que l’évolution actuelle de la situation au Mali ne préjuge rien de bon, parce qu’ils [les militaires] marquent leur volonté, lorsqu’ils disent que les élections ne sont pas leur priorité. […] En février 2022, les élections doivent avoir lieu, sinon nous allons associer l’ensemble de la communauté internationale aux sanctions contre les militaires maliens. Donc, nous exigeons une feuille de route claire pour qu’on aille aux élections », a en effet prévenu M. Massoudou.

Quant au recours éventuel à la société militaire privée russe, le chef de la diplomatie nigérienne a été clair : « Nous ne pouvons pas accepter que les militaires maliens nous amènent un autre élément hétérogène constitué de mercenaires étrangers dans notre zone. Donc, la Cédéao tient à ce que des mercenaires russes ne soient pas dans notre région pour dégrader davantage la situation sécuritaire ». En outre, a-t-il ajouté, cela pourrait remettre aussi en cause l’existence de la Force conjointe du G5 Sahel.

Le communiqué publié à l’issue de la « Conférence » des chefs d’État et de gouvernement de la Cédéao n’a pas dit autre chose. « Au plan sécuritaire, la Conférence dénonce fermement la volonté des autorités de la transition d’engager des compagnies de sécurité privées au Mali et est très préoccupée par les conséquences certaines sur la détérioration de la situation sécuritaire au Mali et dans l’ensemble de la région », y lit-on.

Le minitère malien des Affaires étrangères a réagi trois jours plus tard… en s’en prenant au chef de la diplomatie nigérienne. « Dans la mesure où le Niger n’assume pas la présidence en exercice de la Cédéao, le gouvernement de la République du Mali s’interroge à quel titre son ministre s’érige en porte-parole de l’organisation dont les décisions et les recommandations sont clairement énoncées dans le communiqué final du sommet », a-t-il observé, s’interrogeant sur les « motivations réelles » des déclarations tenus par M. Massoudou.

Et de dénoncer ensuite des « propos inacceptables, inamicaux et condescendants de la part d’un responsable dont le pays a toujours entretenu d’excellentes relations avec le Mali et qui dispose de canaux bilatéraux pour aborder l’ensemble des question d’intérêt commun dans un esprit constructif ».

S’agissant des informations concernant la SMP Wagner, la diplomatie malienne dit « s’étonner » et « s’interroger » sur des « allégations basées uniquement sur des rumeurs et des articles de presse commandités s’inscrivant dans le cadre d’une campagne de dénigrement [du Mali] et de diabolisation de [ses] dirigeants ».

Cependant, sans citer la SMP Wagner ou un autre pays, le communiqué fait valoir que le gouvernement de transition malien ne « permettra à aucun État de faire des choix à sa place et encore moins de décider quels partenaires il doit solliciter ou pas », son « souci » étant de « préserver l’intégrité territoriale » du Mali.

Ce n’est pas le premier accroc entre Bamako et Niamey. En juillet, lors d’une conférence de presse donnée à Paris au côté de son homologue français, Emmanuel Macron, le président nigérien nouvellement élu, Mohamad Bazoum, avait tenu des propos peu amènes à l’endroit du gouvernement de transition malien.

« Il ne faut pas permettre que les militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front […], que les colonels deviennent des ministres ou des chefs d’État. […] Qui va faire la guerre à leur place? Ce serait facile si chaque fois qu’une armée de nos pays a un échec sur le terrain, elle vient prendre le pouvoir ! […] Ce ne sont pas des choses acceptables », avait lancé M. Bazoum. Ce qui valut à Mamoudou Moumouni, l’ambassadeur du Niger en poste à Bamako, d’être convoqué par le ministère malien des Affaires étrangères.

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