Repéré près du Cotentin, un navire espion russe se dirige vers Kaliningrad en longeant des câbles de communications

Relevant de la Direction principale de la recherche en eaux profonde [GUGI] de la marine russe, le navire « océanographique » Yantar a régulièrement été repéré, ces dernières années, à proximité des câbles sous-marins de communication, par lesquels transite la quasi totalité [97% du trafic] des télécommunications mondiales.

Ce bâtiment de près de 6’000 tonnes a également été sollicité pour les opérations de recherche du sous-marin argentin ARA San Juan, disparu en novembre 2017… Et il a également été aperçu en baie de Seine, en avril 2020, alors que le nouveau sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] Suffren devait entamer ses essais en mer. Essais qui, à l’époque, avait été retardés en raison de la pandémie de covid-19.

Quoi qu’il en soit, la présence du Yantar, par ailleurs doté de deux mini-sous-marins [un AS-37 Rus et un AS-39 Konsul], dans un secteur donné est rarement anodine. En août, le navire espion russe a ainsi été repéré au large des comtés irlandais de Donegal [Irlande] et de Mayo, là où passent les câbles de télécommunications AEConnect-1 et Celtic Norse, lesquels relient respectivement l’Irlande aux États-Unis et à l’Écosse. Et son comportement avait été décrit par des sources militaires comme étant « suspect », avait indiqué le quotidien Irish Times.

Puis, comme il coupe fréquemment son système d’identification automatique [AIS], sa trace fut perdue… Jusqu’au 13 septembre. En effet, le Yantar est apparu au large du Cotentin [Manche].

« Dans le cadre de la défense maritime du territoire, la Marine nationale assure un suivi de la cinématique et des activités de tous les navires d’intérêt. Les moyens de la Marine nationale mis à disposition du commandant de zone maritime, s’assurent que les navires, battant pavillon étranger, effectuent un passage inoffensif au large de nos approches et dans le respect de la réglementation internationale », a d’ailleurs commenté la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord auprès de la Presse de la Manche.

Par la suite, le Yantar a continué sa route vers la mer du Nord, sa destination étant l’enclave russe de Kaliningrad, coincée entre la Pologne et la Lituanie. C’est, en tout cas, ce qu’indique le site MarineTraffic, qui compile les données de l’AIS.

Visiblement, le navire russe poursuit la mission commencée il y a plusieurs semaines… car le cap qu’il suit actuellement n’est pas celui de la base Olenya Guba qui, située près de Mourmansk, réunit les moyens du GUGI.

Si l’on regarde la carte des câbles de télécommunications, on constate que sa route semble suivre le câble « Atlantic Crossing-1 » [AC-1], lequel fait une boucle qui passe par l’Atlantique, la Manche, les Pays-Bas, le Danemark et la mer du Nord, puis par le nord du Royaume-Uni avant de revenir vers les États-Unis.

Un second câble susceptible d’intéresser le Yantar est le SeaMeWe-3, lequel relie la Corée du Sud et l’Allemagne, en passant par l’océan Indien, la mer Rouge, la Méditerranée, le golfe de Gascogne, la Manche et la mer du Nord.

En outre, dans la région de la Baltique, ce ne sont pas les câbles de télécommunications qui manquent, ceux-ci reliant la Suède [dont l’île de Gotland, surnommée le « porte-avions de la Baltique] et la Finlande aux pays baltes.

L’intérêt pour les câbles sous-marin, qui relève de ce que l’on appelle le « Seabed Warfare » [ou la guerre des abysses], un domaine qui fait l’objet d’une attention particulière à l’occasion de l’ajustement de la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, est multiple. Il peut s’agir de sabotage et/ou d’espionnage. Mais pas seulement.

« Nous nous sommes aperçus que des étrangers montraient un intérêt particulier à naviguer au large de nos côtes, juste à la verticale de câbles sous-marins. […] Il y a là des enjeux en termes de renseignement et de surveillance de fonds sous-marins, car ces câbles peuvent être utilisés aussi à des fins de détection. Des travaux universitaires soulignent le fait que les technologies de fibres optique employées dans ces câbles leur confèrent la capacité de détecter des séismes mêmes très faibles et donc pourquoi pas de détecter le passage de sous-marins », avait ainsi expliqué l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale, lors d’une récente audition parlementaire.

Photo : Mini-sous-marin AS-37 « Rus »

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