Paris menace Bamako d’un retrait militaire en cas d’accord avec la société militaire privée russe Wagner

Fondée par Dmitri Outkine, un ancien du GRU [renseignement militaire russe, ndlr], avec l’appui de l’homme d’affaires Evguéni Prigojine, un proche du Kremlin, la société militaire privée [SMP] russe Wagner a pris pied en Centrafrique en 2018, après que Moscou a obtenu l’autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies de livrer des armes aux forces armées centrafricaines [FACa].

Puis, la protection rapprochée du président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, fut confiée à des mercenaires russes tandis qu’une campagne de désinformation visant la France fut mise en place. En outre, Bangui signa des accords de coopération avec Moscou.

Seulement, la SMP Wagner, qui a visiblement un intérêt pour les ressources minières du pays, fait plus que de former les soldats des FACa… étant donné qu’elle est partie prenante aux combats contre les groupes rebelles centrafricains. En en juin, un rapport des Nations unies a ainsi dénoncé les exactions commises par ses derniers et leurs « instructeurs » russes tandis que, au même moment, Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères dénonçait une « captation du pouvoir » à Bangui par les mercenaires russes.

Ce scénario va-t-il se répéter au Mali? C’est, en tout cas, ce que suggèrent des informations de l’agence Reuters, confirmées par plusieurs sources. Ainsi, il est prêté l’intention à Bamako de signer un accord avec la SMP Wagner afin de former les forces armées maliennes [FAMa] et d’assurer la « protection des hautes personnalités ». Mais de tels « services » ne seraient pas gratuits : il est question d’une rétribution d’un peu plus de 9 millions d’euros par mois ainsi que d’un accès privilégiée à trois gisements miniers [deux d’or et un de magnésium].

« Le Mali entend désormais diversifier et à moyen terme ses relations pour assurer la sécurité du pays. Nous n’avons rien signé avec Wagner, mais nous discutons avec tout le monde », a affirmé le ministère malien de la Défense, à la tête duquel se trouve le colonel Sadio Camara, qui avait effectué un stage en Russie peu avant le coup d’État d’août 2020, dont il a été l’un des acteurs. Mais « à ce stade, rien n’a été signé », a-t-il ajouté, en répondant à une sollicitation de l’AFP.

Que la Russie s’intéresse au Mali, où, à la demande des autorités maliennes, la France a déployé des troupes pour combattre les groupes jihadistes qui y sévissent, dans le cadre de l’opération Barkhane,  étendue à l’ensemble du Sahel, n’est pas une surprise. Dès l’independance, en 1961, Bamako avait noué des liens étroits avec Moscou… Mais cette relation ne survécut pas à l’implosion de l’Union soviétique, trente ans plus tard.

Quoi qu’il en soit, la perspective de voir débarquer des mercenaires russes au Mali n’est absolument pas du goût de Paris, qui, en juin, a annoncé une refonte de son dispositif militaire au Sahel. C’est en effet ce qu’a fait savoir M. Le Drian, lors d’une audition devant la commission des Affaires étrangères, à l’Assemblée nationale, le 14 septembre.

« C’est absolument inconciliable avec notre présence. […] Une intervention d’un groupe de ce type au Mali serait incompatible avec l’action des partenaires sahéliens et internationaux du Mali », a lancé M. Le Drian. « Ils se sont illustrés dans le passé, singulièrement en Syrie, en Centrafrique beaucoup avec des exactions, des prédations, des violations en tous genres [et] ne peuvent pas correspondre à une solution quelconque », a-t-il ensuite rappelé. Et d’insister : « En Centrafrique, ça a provoqué une détérioration de la situation sécuritaire ».

Le même jour, devant les députés de la commission de la Défense, la ministre des Armées, Florence Parly, a estimé que « si les autorités maliennes devaient contractualiser avec la société Wagner, ce serait extrêmement préoccupant et contradictoire, incohérent avec tout ce que nous avons entrepris depuis des années et tout ce que nous comptons entreprendre en soutien des pays du Sahel ».

Dans son propos préliminaire, la ministre avait rappelé qu’il n’était pas question pour la France de se retirer militairement du Sahel.

« Nous ne partons pas du Sahel. Nous poursuivons la lutte contre le terrorisme. Nous maintenons un dispositif militaire sur place pour continuer d’appuyer nos partenaires sahéliens, ceci en nous adaptant à l’évolution de la menace. La transformation ordonnée par le Président de la République n’est en aucun cas un départ du Mali, mais bien une reconfiguration de nos forces pour les rendre encore plus opérantes et efficaces. Je rappelle que le dispositif final des troupes françaises au Sahel continuera de compter sur l’engagement permanent conséquent de soldats français en lien avec nos partenaires. Je puis vous dire que cela représentera un effort réel, conséquent et constant pour nos armées », a explique Mme Parly.

Quoi qu’il en soit, selon une source de l’AFP, l’arrivée de la SMP Wagner au Mali [il est question d’au moins un millier de mercenaires] risquerait de remettre en question le soutien américain aux opérations françaises, voire européennes, avec le groupement de forces spéciales Takuba. « Les États-Unis arrêteraient tout » et « certains pays européens pourraient aussi décider de se désengager », a-t-elle souligné.

Photo : archive

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