Avec le retour de la « haute intensité », la Marine nationale aura-t-elle assez de sous-marins?

Avant les années 1990 et la fin de la Guerre Froide, la Marine nationale comptait six sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE]. Puis ce format fut réduit à cinq à partir de 1991, avec le retrait du SNLE « Le Redoutable », après vingt ans de service. L’arrivée des SNLE de la classe « Le Triomphant », à partir de 1997, fixé le nombre de navires de ce type mis en oeuvre par la Force océanique stratégique [FOST] à quatre.

Par ailleurs, le nombre de sous-marin nucléaires d’attaque [SNA] de type Rubis en service au sein de la Marine nationale fut porté à quatre durant la décennie 1980, puis à six à partir de 1992, avec la livraison des SNA « Améthyste » et « Perle ». Initialement, la classe « Rubis » devait compter huit exemplaires… Mais la commande des deux derniers fut annulée après l’implosion de l’Union soviétique. L’heure était alors aux « dividendes de la paix ». Dans le même temps, le dernier des six sous-marin océanique de la classe Narval, le « Dauphin », fut désarmé.

Cela étant, les SNLE et les SNA ont côtoyé, jusqu’en 2001, des sous-marins à propulsion « classique », qui étaient alors progressivement retirés du service. En effet, au début des années 1990, cinq sous-marins de type Daphné étaient encore en dotation, de même que quatre autres de type « Agosta ».

Aussi, et alors que la Révue stratégique actualisée, publiée en janvier, a souligné le « durcissement de la compétition entre puissances » et n’a pas exclu le risque d’un « conflit majeur » pouvant concerner la France et ses partenaires européens, certains parlementaires s’interrogent sur le format de flotte sous-marine française…

Et cela d’autant plus que des « adversaires » potentiels, comme la Russie et la Chine, ont mis les bouchées doubles dans ce domaine… Et leurs sous-marins sont à la fois toujours plus nombreux, tout en étant sans cesse plus performants. En outre, d’autres pays, comme l’Australie, l’Inde ou encore la Corée du Sud, cherchent à renforcer leurs capacités sous-marines quand d’autres veulent s’en doter.

Toutefois, la France n’est pas en reste, avec deux programmes de sous-marins nucléaires actuellement en cours. Les SNA de la classe Rubis vont être progressivement remplacés par ceux de la classe Barracuda, dont le premier exemplaire, le Suffren, devrait prochainement être admis au service actif. Et si la construction du second, le Duguay-Trouin, a pris un peu de retard, son équipage bleu est en train de se former. Quant aux SNLE de la classe « Le Triomphant », ils s’effaceront devant ceux du projet SNLE 3G [pour 3e génération], dont la réalisation a été lancée en février 2021.

Mais la question est de savoir si la Marine nationale disposera d’assez de sous-marins, alors que son homologue britannique, par exemple, compte sept SNA et, à terme, quatre SNLE de la classe Dreadnought. Aussi, en juin, lors de l’une des dernières auditions du général François Lecointre en tant que chef d’état-major des armées [CEMA], le député Yannick Favennec-Bécot s’était interrogé sur le nombre de SNLE, qui « était adapté à la situation sécuritaire et géostratégique bien particulière des années 2000, laquelle n’a plus rien à voir avec le contexte actuel, pour ne pas parler du contexte à l’horizon 2035 ».

Et de demander si « le schéma opérationnel de la force océanique stratégique, à savoir un navire en patrouille, un navire en alerte, un navire à l’entraînement et un navire en maintenance demeure pertinent », sachant qu’un accident n’est pas à exclure, comme l’a monté l’incendie du SNA Perle, en juin 2020.

Le général Lecointre avait alors ecarté l’idée de revenir à un format de cinq SNLE comme il y a trente ans, soulignant que l’effort pour en construire quatre de nouvelle génération était « déjà important » et que l’outil industriel n’était pas forcément adapté pour aller au-delà.

« Nous y parvenons aujourd’hui malgré une capacité industrielle sous tension. C’est extraordinaire, pour ne pas dire miraculeux, que la France, avec 2 % du PIB consacrés à ses armées, en soit capable. Il n’est pas imaginable dans un horizon prévisible que notre pays puisse consacrer 4 % ou 5 % de son PIB aux armées et la Marine nationale devra donc continuer à réaliser des prouesses en matière de gestion de la ressource humaine. Le nombre d’équipages par bâtiment est précisément calibré et lui permet de construire les compétences dont elle a besoin pour former notamment les officiers mariniers ou les pachas de bateau. La route est longue et les équilibres sont difficiles à tenir », avait alors conclu l’ex-CEMA.

Un autre député, Bernard Bouley, s’est quant à lui interrogé sur le nombre de SNA en service, dans une question écrite adressée à Florence Parlyn la ministre des Armées.

« En dehors des 4 SNLE réservés à la dissuasion nucléaire, la France dispose seulement de 6 SNA et pas un seul sous-marin à propulsion conventionnelle. Or, avec l’incendie du SNA Perle, le désarmement du Saphir et le Suffren qui n’est pas encore admis au service actif, la France ne va disposer que de 4 SNA pour un très long moment, ce qui apparaît insuffisant pour à la fois remplir l’ensemble des missions qu’ils doivent accomplir et défendre efficacement la totalité des territoires maritimes compte tenu des périodes d’indisponibilité, d’entretien et d’entraînement nécessaires », a d’abord rappelé le parlementaire, en soulignant que « le nombre de sous-marins en service et de pays dotés ou en cours de dotation de sous-marins modernes est en constante augmentation ».

Aussi, M. Bouley a évoqué l’idée de porter à huit le nombre de SNA de type Barracuda [dotés, qui plus est, d’un système de lancement vertical] et de commander entre deux et quatre sous-marins à propulsion diesel-électrique, de type « Scorpène » ou « Shortfin Barracuda ». En clair, il s’agirait de renvenir, peu ou prou, au format qui avait été prévu pour la FOST il y a quarante ans…

Dans sa réponse, le ministère des Armées a botté en touche, se contentant de rappeler qu’il est question de doter la Marine nationale de six SNA de type Barracuda à l’horizon 2030. « Malgré les contraintes qui ont pesé sur le budget des armées ces vingt dernières années, ce nombre n’a pas diminué par rapport à la série des Rubis. Cela montre l’importance accordée par notre pays à ses forces sous-marines », a-t-il fait valoir.

S’il n’a rien dit d’autre sur la quantité, le ministère des Armées s’est en revanche attardé sur la qualité de ces nouveaux SNA, lesquels « disposeront de nombreuses innovations technologiques et capacitaires qui leur permettront de conserver un avantage opérationnel sur leurs concurrents ». Cependant, il n’est pas question de leur intégrer un lanceur vertical à bord car « il s’agirait d’une modification importante qui devrait répondre à un besoin qui n’est pas consolidé pour le moment ». Mais un SNA, aussi performant soit-il, n’a pas le don d’ubiquité…

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