Le secrétaire général de l’ONU redoute que le scénario afghan puisse se reproduire au Sahel

Depuis que les talibans ont pris le pouvoir à Kaboul, plusieurs observateurs ont dit craindre l’impact qu’un tel scénario pourrait avoir au Sahel, où sévissent au moins deux organisations jihadistes, à savoir le Groupe de soutien à l’islam et au musulmans [GSIM ou JNIM, lié à al-Qaïda] et l’État islamique au grand Sahara [EIGS]. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, est visiblement de ceux-là.

« Il y a un vrai danger. Ces groupes terroristes [au Sahel] peuvent se sentir enthousiasmés par [le succès des talibans] et avoir des ambitions au-delà de ce qu’ils pensaient il y a quelques mois », a en effet estimé M. Guterres, lors d’un entretien donné à l’AFP.

Aussi, a-t-il continué, et alors que la France va revoir son dipositif militaire dans la région, il est « essentiel de renforcer les mécanismes de sécurité » car le « Sahel est le point faible le plus important, qu’il faut soigner ». Et de préciser : « Ce n’est pas seulement le Mali, le Burkina ou le Niger, maintenant il y a des infiltrations en Côte d’Ivoire, au Ghana ».

En 2012, et alors qu’al-Qaîda au Maghreb islamique [AQMI], le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest [MUJAO] et Ansar Dine, aujourd’hui fédérés au sein du GSIM, venait de s’emparer du nord du Mali, il était question de mettre sur pied la MISMA [Mission internationale de soutien au Mali], sous l’égide de l’Union africaine et le soutien des Nations unies.

Ainsi, la résolution 2805, adoptée en décembre 2012 par le Conseil de sécurité de l’ONU, avait autorisé le déploiement de cette force au Mali, avec la mission d’aider à « reconstituer la capacité des forces maliennes » et d’appuyer les autorités maliennes dans leurs initiatives visant à « reprendre les zones du nord de son territoire qui sont contrôlées par des groupes armés terroristes et extrémistes, tout en préservant la population civile ».

Comme on le sait, les évènements s’étant précipités en janvier 2013, avec l’avancée des jihadistes vers Bamako stoppée par l’opération française Serval, la MISMA fut remplacée par la MINUSMA [Mission des Nations unies au Mali] six mois plus tard.

Visiblement, M. Guterres voudrait, en quelque sorte, ressusciter cette MISMA en proposant la création d’une « force africaine de lutte antiterroriste, avec un mandat sous chapitre sept [prévoyant le recours à la force, ndlr] du Conseil de sécurité et avec des fonds affectés, qui puissent garantir une réponse au niveau de la menace ». Mais, a-t-il déploré, « je crains aujourd’hui que la capacité de réponse de la communauté internationale et des pays de la région ne soit pas suffisante face à la menace ».

Cela étant, la situation en Afghanistan n’est pas comparable à celle qui prévaut au Sahel. En premier lieu, le mouvement taleb, soutenu par les services de renseignement pakistanais [voire par d’autres puissances], est d’essence nationaliste. Ce qui n’est pas le cas des organisations jihadistes sahéliennes, qui sont transnationales. En outre, leurs effectifs ne sont pas comparables.

Ensuite, la France ne va pas se désengager militairement de la bande sahélo-saharienne [BSS], contrairement à ce qu’ont fait les États-Unis [et l’Otan] en Afghanistan. Pour rappel, si la fin de l’opération Barkhane est annoncée, les forces spéciales françaises seront maintenues pour les interventions à « haute valeur ajoutée », le groupement européen Takuba continuera d’accompagner les forces locales au combat [dont celles du G5 Sahel] et l’appui aérien continuera, notamment depuis la base aérienne projetée de Niamey.

« C’est l’armée française et l’opération Barkhane qui a empêché ces dernières années la constitution d’un califat territorial au Sahel, et je le dis ici avec force : sans nos armées, tout ou partie de cette région serait tombée dans la main du jihadisme, du terrorisme, avec un État terroriste dûment organisé. […] Mais le terrorisme évolue sous d’autres formes, se diffuse vers le sud, fragilise les États sans maintenant poursuivre cette volonté d’un califat territorial. Donc il nous faut faire évoluer l’opération Barkhane pour progressivement en sortir et bâtir notre présence au Sahel au travers de deux piliers : la coopération avec les armées du Sahel [et] un travail d’appui et de sécurisation », a d’ailleurs expliqué le présidant Macron, le 13 juillet dernier.

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