Le chef de la diplomatie de l’UE plaide pour une force de réaction rapide européenne

Lors des opérations d’évacuation des ressortissants étrangers et de civils afghan susceptibles d’être menacés par les talibans, désormais maîtres de l’Afghanistan, les pays européens ont pu donner le sentiment d’avoir agi en ordre dispersé, sous la houlette des États-Unis sans lesquels il aurait très compliqué d’agir. Chacun a ainsi lancé sa propre mission d’exfiltration, déployant à Kaboul ses propres forces de protection, qui sont venues s’ajouter au 6’000 soldats américains chargés d’assurer la sécurité de l’aéroport.

Dans un entretien donné au « Corriere della Serra« , ce 30 août, le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a estimé que l’Union européenne [UE] doit « tirer les leçons de cette expérience ».

« Tous les pays de l’UE présents en Afghanistan se sont mobilités autour de l’aéroport de Kaboul au cours des dernières semaines. Ils ont coopéré entre eux et partagé leur capacité de transport. Mais en tant qu’Européens, nous n’avons pas pu envoyer 6’000 soldats […] pour sécuriser la zone. Les États-Unis l’ont été », a commencé par souligner M. Borrell.

Aussi plaide-t-il pour la créaton d’une « force de réaction rapide » européenne permanente, capable d’agir en cas d’urgence. « L’UE doit pouvoir intervenir pour protéger nos intérêts lorsque les Américains ne veulent pas être impliqués », a plaidé M. Borrell, estimant qu’une telle unité devrait pouvoir mobiliser « 5’000 soldats » à court terme.

Une telle proposition a déjà été faite en mai dernier par quatorze pays membres de l’UE, dont la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Grèce, Chypre, la République tchèque, le Portugal, l’Irlande et la Slovénie.

L’idée était alors de créer une force de 5’000 hommes, dotée des moyens de transport nécessaires pour les acheminer, avec leurs équipements, sur un théâtre d’intervention donnée. Et elle pourrait aussi être mise à la disposition des Nations unies… et de l’Otan.

Plusieurs initiatives visant à doter l’UE d’une capacité militaire de réaction rapide ont été avancées par le passé… Et aucune ne s’est véritablement concrétisée. Il y a bien les « groupements tactiques » européens [GTUE]. Mis en place en 2007 et placés en alerte à tour de rôle, ils n’ont jamais été sollicités depuis leur création… faute d’accord entre les pays contributeurs.

« L’Europe tâtonne en quête d’une réactivité collective, dont on voit bien qu’elle serait un succès décisif sur la voie d’une défense européenne. Parmi ces tentatives, la création des groupements tactiques de l’UE est emblématique des difficultés rencontrées. Ils n’ont jamais été déployés à ce jour faute d’accord politique mais ont permis des rapprochements multinationaux dont l’avenir dira s’ils peuvent être fructueux », avait ainsi résumé un rapport sur l’autonomie stratégique européenne, publié par le Sénat en 2019.

En outre, un obstacle au déploiement de ces GTUE a trait aux contraintes politiques, le processus de décision d’une éventuelle intervention, par exemple, étant différent d’un pays membres à l’autre. Il faudrait également s’accorder sur des règles communes d’engagement et mettre l’accent sur l’interopérabilité. Ce qui suppose une culture stratégique commune, comme se propose de la développer l’Initiative européenne d’intervention [IEI] qui, lancée par la France, ne relève pas de l’UE.

Quoi qu’il en soit, pour Josep Borrell, les Européens doivent « profiter » de la crise afghane pour « apprendre à travailler davantage ensemble et renforcer notre autonomie stratégique ». Et d’insister : « En tant qu’Européens, nous devrions être capables de faire les choses aussi par nous-mêmes, en renforçant notre capacité d’action ».

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