Sahel : Le Tchad va réduire de moitié l’effectif de son bataillon déployé dans la région des trois frontières

Ces derniers jours, la région dite des trois frontières, car situées aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger, a été le théâtre de plusieurs massacres de civils commis par des jihadistes appartenant probablement à l’État islamique au grand Sahara [EIGS], l’organisation rivale du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM], liée à al-Qaïda.

Ainsi, le 9 août, des hommes armés, arrivés en moto, ont tué une cinquantaine de civils dans les localités de Karou, Ouatagouna et Daoutegeft, situés dans la région de Gao. « Les terroristes sont entrés dans les villages et ont massacré tout le monde », a affirmé une source sécuritaire à l’AFP. Des maisons ont été incendiées et du bétail a été emporté.

Puis, une semaine plus tard, le village de Darey-Daye, situé dans la région nigérienne de Tillabéri, 37 personnes ont été tuées par des assaillants circulant à moto. Et, le 20 août, 17 habitants du village de Theim ont connu le même sort.

Depuis le début de l’année, avance l’ONG Human Rights Watch, au moins 420 habitants de cette région ont été victimes de groupes jihadistes qui « semblent mener une guerre contre la population civile dans l’Ouest du Niger. Ils ont tué, pillé et brûlé, semant dans leur sillage mort et destruction et brisant des vies ».

Le Burkina Faso vit lui aussi au rythme des exactions commises par les jihadistes. Le 18 août, 60 civils, 15 soldats et 5 miliciens ont été tués lors de l’attaque de leur convoi, à 25 kilomètres de Gorgadji [nord du pays]. Selon les autorités burkinabè, les assaillants auraient subi, eux-aussi, de lourdes pertes lors de la riposte des militaires, en laissant 58 des leurs sur le terrain.

Selon un récent rapport de l’ONU, les attaques contre les civils entrent dans le cadre de la stratégie de l’EIGS, qui les justifient au motif que « les vicitmes avaient soutenu les autorités locales ».

« Affamés et sous la menace constante des hommes armés non identifiés, les villageois sont chassés, facilitant ainsi la conquête de nouveaux espaces pour ces terroristes, trafiquants de tout genre qui ont besoin de créer et de sécuriser les voies de leurs deals mafieux de cigarettes, d’or, d’armes, etc. », résume le site d’information burkinabè Wakat Sera. Et d’ajouter : « les cultivateurs et les éleveurs dont les activités permettent aux citadins de se nourrir, sont contraints de fuir leurs terres, ce qui provoque une flambée des prix sur les différents marchés de produits qui sont maintenant hors de portée pour nombre de citoyens lambda que ce soit au Niger, au Mali ou au Burkina Faso ».

Aussi, pour ce média, et alors que « l’hydre terroriste, malgré les pertes de certains de ses cadres, neutralisés pour la plupart par la Force Barkhane, ne perd pas sa fougue assassine », il est urgent « pour les Maliens, Nigériens et Burkinabè de s’unir et trouver la stratégie, la bonne, pour aller, à l’assaut de l’ennemi commun ».

Justement, s’agissant de « stratégie », il avait été décidé, lors du sommet de Pau organisé en janvier 2020, de concentrer les efforts de la force Barkhane et de celle du G5 Sahel sur cette région des trois frontières. Le Tchad avait alors promis d’y déployer un bataillon, soit 1’200 soldats.

Seulement, en raison d’une opération menée en réaction à l’attaque de la garnison de Bohoma [plus de soldats tués sur une île du lac Tchad, ndlr], en mars 2020, et d’un désaccord entre N’djamena et ses partenaires sur les modalités financières de cet engagement, ce renfort n’a pu être déployé à Tera [Niger] qu’au printemps dernier, avec l’appui des marsouins du 8e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine [RPIMa]. Non sans difficultés d’ordre logistique… et des problèmes de comportement à l’égard des civils locaux [avec trois cas de « viols avérés » commis par des soldats tchadiens, ndlr].

Cela étant, l’effectif de ce bataillon tchadien déployé au Niger sous l’égide le force conjointe du G5 Sahel [par ailleurs commandée par le général tchadien Oumar Bikimo depuis fin juillet] va être réduit de moitié. L’annonce en a été faite par N’Djamena, le 21 août.

« On a redéployé au Tchad 600 hommes en accord avec les forces du G5 Sahel. Il s’agit d’un redéploiement stratégique pour s’adapter au mieux à l’organisation des terroristes », a confirmé Abderaman Koulamallah, le porte-parole du gouvernement tchadien. « C’est une décision concertée de longue date avec le commandement du G5 [Sahel]. On a voulu alléger le dispositif qui n’était pas adapté », a-t-il ensuite justifié. « Par rapport à la situation sur le terrain, il faut avoir une force mobile d’où le retrait de certaines de nos forces avec les armes lourdes », a-t-il précisé. Et d’assurer : « Notre volonté politique de faire face aux djihadistes reste intacte ».

Il est possible que cette décision ait un rapport avec la dernière attaque subie par l’armée tchadienne sur les rives du lac Tchad et attribuée à « Boko Haram » [ou bien par l’État islamique en Afrique de l’Ouest, les autorités tchadiennes ne faisant pas la distinction entre ces deux groupes jihadistes nigérians]. Pour rappel, début août, au moins 26 soldats ont été tués au retour d’une patrouille. « Le lourd tribut que nous payons dans cette guerre asymétrique est amer mais il ne sera pas vain. Nous ferons capituler l’hydre terroriste », avait alors réagi Mahamat Idriss Déby, le président du Conseil de transition mis en place après le décès d’Idriss Déby Itno, le père de ce dernier.

En tout cas, rapporte l’AFP, en France, le ministère des Armées a précisé que la décision de N’Djamena avait été prise « en parfaite concertation avec les partenaires du G5 Sahel et de la Coalition pour le Sahel ». Et d’ajouter : « Il s’agit d’avoir un dispositif à la fois plus léger, plus réactif et plus facile à soutenir, en conservant les moyens de combat les plus adaptés à l’ennemi ».

Cette réduction des effectifs tchadiens dans la région des trois frontières a été décidée alors que le dispositif militaire français au Sahel va connaître des changements notables dans les semaines à venir, avec la fin annoncée de la force Barkhane. Fin qui ne se traduira pas par la fin de l’engagement de la France, bien au contraire. En effet, les commandos de la « Task Force » Sabre resteront concentrés sur la traque et l’élimination des hauts responsables jihadistes tandis qu’il reviendra au groupement européen de forces spéciales « Takuba » d’accompagner les troupes locales au combat, lesquelles seront toujours soutenues par des moyens français, notamment dans les domaines de l’appui aérien et du renseignement.

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