Les forces américaines vont-elles tenter de détruire le matériel de l’armée afghane tombé aux mains des talibans?

Le 21 juillet, lors d’une conférence de presse, le chef du Pentagone, Lloyd Austin, annonçait que trois hélicoptères de manoeuvre UH-60 récemment remis à neuf allaient être très prochainement atterrir à Kaboul. Et d’assurer qu’un tel soutien continuerait après le retrait total des forces américaines d’Afghanistan.

Les États-Unis équipèrent ainsi les forces de sécurité afghanes de pied en cap, allant même jusqu’à leur fournir les treillis [dans le motif avait été choisi par un ministre afghan de la Défense parce qu’il le trouvait « joli »]. Au total, près de 30 milliards de dollars furent déboursés à cette fin par Washington. Et cette manne n’échappa nullement à la gabegie.

En 2014, un rapport remis au Congrès par le « Special Inspector General For Afghanistan Reconstruction » [SIGAR] s’inquiétait de la perte de toute trace de centaine de milliers d’armes légères qui avaient été livrés aux forces afghanes à partir de 2004, dans le cadre d’un programme doté de 626 millions de dollars.

Quoi qu’il en soit, les forces afghanes a donc reçu, de la part des États-Unis, au moins 208 aéronefs [entre 2003 et 2016], dont des avions d’attaque légers A-29 Super Tucano et Cessna Caravan, des hélicoptères UH-60 « Black Hawk », MD-530 et Mil Mi-17 [de conception russe, ndlr] ainsi que des drones ScanEagle. S’agissant des capacités terrestres, l’armée nationale afghane [ANA] a – entre autres – pris possession de plusieurs centaines de véhicules [dont un lot de 403 Humvee, en février dernier]. Et c’est sans compter les équipements de combat individuels comme les jumelles de vision nocturne [16’000 lui ont été cédées], les systèmes de communication, les armes légères et les munitions.

Or, maintenant que les talibans sont [re]devenus les maîtres de l’Afghanistan, tous ces équipements – du moins ceux qui n’ont pas été détruits – leur appartiennent désormais. Et, à en croire l’agence Reuters, qui a interrogé des responsables américains à ce sujet, c’est une source de préoccupation à Washington… Au point que l’administration Biden étudierait plusieurs options, dont celle consistant à effectuer des frappes aériennes pour détruire les matériels les plus « sensibles », comme les hélicoptères, les blindés et autres pièces d’artillerie.

« Nous avons déjà vu des combattants talibans équipés d’armes fabriquées aux États-Unis qu’ils ont prises aux troupes afghanes. Cela représente une menace sérieuse pour les États-Unis et nos alliés », a estimé Michael McCaul, un élu du Parti républicain, membre du comité des Affaires étrangères à la Chambre des représentants

Seulement, deux obstacles se dressent devant d’éventuelles frappes aériennes. Le premier est que les États-Unis ne veulent pas prendre le risque d’engager un bras de fer avec les talibans à l’heure où les opérations d’évacuation de ressortissants étrangers et de civils afghans potentiellement menacés ont lieu depuis l’aéroport de Kaboul.

Quant au second, il porte sur le nombre de cibles à détruire, sachant que, selon le renseignement américain, les talibans auraient mis la main sur 2’000 véhicules blindés. S’agissant des aéronefs, il est très peu probable que le nouveau régime taleb soit en mesure de s’en servir, faute de pilotes, de techniciens qualifiés et de pièces de rechange. « Ironiquement, le fait que nos équipements tombent en panne si souvent sera finalement une bonne chose », a commenté un responsable sollicité par Reuters.

En outre, plusieurs dizaines d’appareils qui étaient encore en état de vol ont été utilisés par les aviateurs afghans pour trouver refuge en Ouzbekistan et au Tadjikistan.

Cela étant, il est possible que les talibans puissent revendre les appareils qu’ils ont saisis… à des puissances comme la Chine ou la Russie. Mais une telle éventualité serait peu probable, selon Richard Aboulafia, spécialiste de l’aéronautique au sein du groupe Teal. « À vrai dire, si les Russes ou les Chinois voulaient mettre la main sur un Super Tucano ou un Black Hawk des premiers modèles, ce ne serait pas si difficile », a-t-il dit à Defense News, notant que ces aéronefs avaient été « équipés de manière assez rudimentaire ».

« Il est compréhensible que les gens s’inquiètent de capacités tombant entre les mains de personnes dont nous ne savons pas exactement comment et contre qui elles l’utiliseront, qu’il s’agisse d’un [fusil] M16 ou d’un A-29 », a admis le général Mark Kelly, le chef de l’Air Combat Command. « Mais il suffit de dire que la technologie qui se trouve dans l’A-29 n’est pas une technologie de pointe », a-t-il ajouté.

En revanche, les équipements susceptibles de poser le plus de problèmes sont les jumelles de vision nocturne, les armes individuelles, les mortiers et les obusiers. C’est en effet ce qu’a souligné le général Joseph Votel, ex-chef de l’US CENTCOM, le commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient. De tels matériels « pourraient donner un avantage aux talibans contre les bastions anti-talibans historiques, comme la vallée du Panchir« , a-t-il dit.

Photo : Minsitère afghan de la Défense

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