Afghanistan : La victoire des talibans va-t-elle dans le sens des intérêts de la Chine, de la Russie et de l’Iran?

Si les ambassades de nombreux pays occidentaux, notamment ceux appartenant à l’Otan, ont fermé leurs portes à Kaboul devant l’avancée des talibans, ce n’est pas le cas de celles de la Russie et de la Chine… Et, visiblement, leur services continuent à fonctionner comme de rien n’était, ce 16 août. D’autant plus que Moscou et Pékin ont fait savoir qu’aucune évacuation n’était à l’ordre du jour.

Certes, ces dernières semaines, la Russie a fait part de son intention de renforcer les capacités militaires du Tadjikistan, où elle dispose d’une importante base. En outre, ses forces armées ont récemment pris part à des manoeuvres avec leurs homologues tadjikes et ouzbèkes, à deux pas de la frontière afghane, afin de dissuader d’éventuels groupes jihadistes de profiter de la situation en Afghanistan pour déstabiliser l’Asie centrale.

Une éventualité qui préoccupe évidemment les pays de la région, comme ils l’ont encore rappelé ce 16 août, via un communiqué publié par l’Organisation du Traité de sécurité collective [OTSC], une alliance militaire au sein de laquelle la Russie tient un rôle prépondérant.

Pour autant, il ne faudrait pas oublier que, alors que la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique [EI-K] prenait son essor, l’envoyé du Kremlin pour l’Afghanistan, Zamir Kabulov, avait affirmé, en décembre 2015, que les intérêts de la Russie « coïncidaient objectivement » avec ceux du mouvement taleb afghan face à l’organisation jihadiste alors dirigée par Abou Bakr al-Baghdadi. Et d’affirmer que des « canaux de communication » avaient été établis avec les talibans pour « échanger des informations », malgré les liens de ces derniers avec al-Qaïda.

En 2016, le gouvernement afghan s’était même inquiété de ces relations entre Moscou et le mouvement taleb, évoquant une « nouvelle tendance dangereuse ». D’autant plus que la Russie était alors soupçonnée de livrer des armes aux insurgés. Une accusation qui sera portée à plusieurs reprises contre Moscou par le général américain John Nicholson, alors commandant de la mission de l’Otan « Resolute Support » ainsi que par James Mattis, l’ex-chef du Pentagone. Ce que les autorités russes ont toujours démenti…

Quoi qu’il en soit, dans un entretien donné à la chaîne de télévision Rossia 24, le 15 août, Zamir Kabulov a laissé entendre qu’il préférait traiter avec les talibans plutôt qu’avec le désormais ex-gouvernement afghan, qu’il a qualifié de « fantoche ». Et de souligner que ceux-ci respectent, du moins pour le moment, les « accords relatifs à la sécurité de l’ambassade de Russie à Kaboul ».

« Nous partons du principe que les accords doivent être respectés. Jusqu’à présent, en termes de sécurité de notre ambassade, ils le sont par les talibans », a dit M. Kabulov, pour qui c’est « un signal encourageant ». Quant à savoir si Moscou reconnaîtra le nouveau régime en place à Kaboul, il faudra attendre… Tout dépendra de ses futurs actes.

Quant à la Chine, alliée du Pakistan qui, lui-même, a hébergé et soutenu les responsables du mouvement taleb afghan, elle a anticipé la nouvelle donne à Kaboul. Fin juillet, une délégation de talibans, emmenée par le mollah Baradar, a ainsi été reçue à Tianjin [nord de la Chine], l’objectif étant de nouer des « relations de bon voisinage ».

Pour les autorités chinoises, il importe d’avoir un environnement régional stable pour que puisse se déployer le projet des nouvelles routes de la soie… et de sécuriser les intérêts miniers en Afghanistan tout en évitant toute déstabilisation de la province du Xinjiang, à majorité musulmane. Or, les talibans leur ont assuré que le territoire afghan « ne serait pas utilisé contre la sécuroté de quelque pays que ce soit ». Un engagement qui vaut sans doute aussi pour la Russie.

Ce 16 août, une porte-parole de la diplomatie chinoise a rappelé que Pékin « respecte le droit du peuple afghan à décider de son propre destin et de son avenir » et que les « talibans ont indiqué à plusieurs reprises leur espoir de développer de bonnes relations avec la Chine ». Reste à voir ce qu’il en sera dans les semaines à venir…

Enfin, l’Iran a également salué les derniers événements survenus à Kaboul… Or, par le passé, ce pays a aussi été accusé de fournir une « assistance » aux talibans. Ce fut le cas en 2009, le général Stanley McChrystal, alors commandant des forces de l’Otan en Afghanistan, avait affirmé que l’unité al-Qods des Gardiens de la révolution fournissait un soutien militaire au mouvement taleb, l’objectif de Téhéran étant alors d’empêcher les forces américaines d’utiliser le territoire afghan comme base arrière contre son programme nucléaire.

« La défaite militaire et le départ des Etats-Unis d’Afghanistan doit se transformer en opportunité pour établir la sécurité et une paix durable dans ce pays », a ainsi commenté, via un communiqué, le nouveau président iranien, Ebrahim Raïssi, ajoutant que Téhéran « tenait aux relations de bon voisinage avec l’Afghanistan ».

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