Un navire militaire français « fantôme » repéré dans les eaux taïwanaises

Outil d’aide à la navigation, le Système d’identification automatique [AIS, pour Automatic Identification System] permet de connaître – du moins en théorie – la position, le cap et la vitesses des navires en temps réel. Ces derniers sont ainsi équipés d’un transpondeur AIS, constitué d’un récepteur GPS et d’un émetteur de données en VHF. Celui-ci transmet les données sous forme numérique via deux canaux VHF dédiés [161,975 MHz et 162,025 MHz]. Chaque bateau – qu’il soit civil ou militaire – est identifié par un numéro MMSI.

Les données AIS permettent de suivre le trafic maritime, via des sites spécialisés, comme MarineTraffic ou VesselFinder. Or, en juin, il est apparu que ce système a livré des informations au sujet du « destroyer » britannique HMS Defender et de la frégate néerlandaise HMNLS Evertsen. Faisant partie de l’escorte du porte-avions HMS Queen Elizabeth, ces deux navires avaient été envoyés en mer Noire pour une courte mission. Et, à un moment, il fut avancé qu’ils avaient mis le cap vers Sebastopol [Crimée] alors qu’ils étaient en escale… à Odessa [Ukraine].

Visiblement, les données GPS de ses deux navires ont été falsifiées. Et ce ne serait pas un cas isolé, à en croire l’organisation SkyTruth, qui a enquêté sur ce phénomène. En effet, plus de 100 navires [civils ou militaires] en ont été les victimes depuis août 2020.

Quant aux falsifications concernant les bâtiments militaires [appartenant pour la plupart à des pays membres de l’Otan], les investigations de SkyTruth n’ont pas permis d’en déterminer l’origine avec certitude.

Cependant, rapporte le magazine Wired, selon Todd Humprheys, directeur du Laboratoire de radionavigation de l’Université du Texas, un tel mode opératoire correspond « à des pratiques de désinformations dont nos amis russes ont l’habitude ». Cela étant, à en croire des informations venues de Taïwan, la Marine nationale a probablement fait les frais d’une telle pratique.

Ainsi, le 11 août, via Twitter, le compte « @yanzu27 » a relayé une information selon laquelle un navire militaire français – en l’occurrence la frégate multimissions [FREMM] Provence, se trouvait au mouillage au large de Fangyuan, localité située sur la côte occidentale de Taïwan, qui fait donc face à la Chine. Et de produire les données recueillies via MarineTraffic pour appuyer son affirmation, reprise par la suite par le site taïwanais « New 27 Brigade« .

Seulement, la FREMM Provence est identifiée par le numéro MMSI « 227999300« … lequel ne correspond pas avec celui attribué au navire repéré par MarineTraffic [qui est le « 999999998« ]. En outre, la photographie de ce dernier, diffusée par le même site, montre la frégate légère furtive « Courbet », reconnaissable à son numéro de coque [F-712]. Or, il se trouve que le numéro MMSI de celle-ci, qui effectue actuellement des essais en mer après avoir été modernisée, est le « 228731000« . Qui plus est, le dernier signal qu’elle a envoyé via l’AIS remonte au 27 septembre 2019.

Plus généralement, le code MMSI « 999999998 » ne correspond à aucun bâtiment de la Marine nationale susceptible de se trouver actuellement dans la région…

D’où la question : quel est ce navire militaire français « fantôme » qui se trouverait au large de Taïwan? La réponse aurait être donnée par la garde-côtière taïwanaise… Mais cette dernière s’est apparemment emmêlé les pinceaux dans cette histoire.

En effet, l’un de ses responsables a confirmé qu’un navire militaire français avait bien jeté l’ancre au large du canton de Fangyuan, a rapporté Focus Taïwan, le 12 août. « Un patrouilleur des garde-côtes a été envoyé sur les lieux pour évaluer la situation », a-t-il même dit, sans donner plus de détails. Quant au bureau français de Taipei, il a « refusé de commenter l’affaire », selon le média taïwanais.

Puis, plus tard, la garde-côtière taïwanaise a démenti les propos tenus par l’un de ses responsables. « Les radars des stations côtières n’ont pas détecté la présence d’un bâtiment de guerre français près de Taïwan mercredi [11/08] », a-t-elle assuré, précisant que les « espaces maritimes et aériens autour » de l’île sont « constamment surveillés ».

Malgré ce démenti, MarineTraffic indique toujours que ce bateau « fantôme » se trouve dans les eaux taïwanaises…

Évidemment, la présence supposée d’un navire militaire français dans le détroit de Taïwan ne pourrait que donner lieu à des complications diplomatiques entre Paris et Pékin. Aussi, on peut s’interroger sur les tenants et les aboutissants de cette bien curieuse affaire.

Photo : Frégate Courbet © Marine nationale

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