Alors que les talibans s’approchent de Kaboul, le chef d’état-major afghan a été remplacé

En une semaine, les talibans ont pris le contrôle de dix des trente-quatre capitales provinciales que compte l’Afghanistan, la dernière étant celle de Ghazni, chef-lieu de la province du même nom, située à environ 150 km au sud-ouest de Kaboul.

Logiquement, la ville de Meydan Chahr, la capitale de la province de Wardak, où la gendarmerie française a assuré la formation des policiers locaux par le passé, pourrait être la prochaine cible du mouvement taleb. À moins que leur choix ne se porte sur Pol-e-Alam, située dans la province de Lôgar…

Quoi qu’il en soit, en s’étant assuré du contrôle de la majeure partie du nord de l’Afghanistan, les taliban sont sur le point d’encercler Kaboul… D’ailleurs, le 11 août, un responsable militaire américain a confié à Reuters que la capitale afghane pourrait tomber dans trois mois… Voire moins, au rythme auquel évolue la situation.

Les « Afghans doivent avoir la volonté de se battre pour eux-mêmes, pour leur nation », a lancé Joe Biden, le chef de la Maison Blanche, assurant ne pas regretter sa décision de retirer les forces américaines du pays [décision qui avait été prise par son prédécesseur, Donald Trump, dans la foulée de l’accord de Doha, signé en février 2020 abec les talibans, ndlr].

Les États-Unis ont « dépensé plus de 1.000 milliards de dollars en vingt ans, entraîné et équipé […] plus de 300.000 militaires afghans » qui sont « plus nombreux que les talibans », a ensuite fait valoir M. Biden.

Et, tant du côté des militaires que de celui des diplomates américains, on assure que les forces afghanes ont le « potentiel » pour arrêter l’offensive du mouvement taleb. Elles « ont des forces aériennes, les talibans non. Elles ont des armes modernes et des compétences en termes d’organisation, les talibans non », souligne-t-on au Pentagone, a rapporté l’AFP.

Cela étant, on explique aussi que l’avancée rapide des talibans est due aux divisions politiques à Kaboul… « Ils ont raison, le gouvernement afghan peut faire davantage », a estimé Carter Malkasian, une ancien du Pentagone travaillant désormais pour le cabinet de conseil CNA.

Ainsi, a-t-il soutenu auprès de l’AFP, « la classe dirigeante afghane doit surmonter ses divisions proverbiales et surtout montrer l’exemple en envoyant au front les meilleurs chefs militaires ».

D’où, sans doute, la décision du président Ashraf Ghani de relever le général Wali Ahmadzai de ses fonctions de chef d’état-major des forces afghanes. Celui-ci n’aura guère eu le temps de s’habituer à ce poste puisqu’il ne l’aura occupé que pendant une cinquantaine de jours, après avoir succédé au général Yasin Zia. Son remplaçant est déjà connu : il s’agit du général Hebatullah Alizai, qui était jusqu’alors le commandant du Corps des opérations spéciales.

Durant ces dernières années, les forces spéciales afghanes ont sans nul doute été les plus efficaces [et aussi les plus sollicitées] face aux talibans. D’où la raison de ce choix… Cependant, ce remaniement risque fort de n’avoir qu’un effet limité [s’il doit en avoir un] sur les dynamiques en cours.

En effet, cité par l’AFP, le chercheur Anthony Cordesman estime que les « États-Unis ont eu un discours bien trop optimiste au sujet des progrès du gouvernement afghan en matière de gouvernance, de progrès militaires et de création de forces de sécurité afghanes efficaces ». Et, maintenant, il est sans doute trop tard pour redresser la barre…

Il est vrai que, durant ces 20 années d’engagement en Afghanistan, le mot « optimisme » aura été souvent prononcé par les chefs militaires [notamment américains] et les responsables politiques. Et les voix discordantes ont été priées de se faire discrètes… y compris en France [comme le général Vincent Desportes, sanctionné en juillet 2011 par le ministre de la Défense d’alors, pour avoir critiqué la conduite des opérations sur le théâtre afghan quand il était le directeur du Collège interarmées de défense, ndlr].

Pourtant, il aurait suffi d’accorder plus de crédit aux rapports de l’Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan [SIGAR], John Sopko, pour prévoir ce qui allait se passer… Ou encore prendre en compte les évaluations du renseignement américain.

Ainsi, ces rapports n’ont cessé de régulièrement mettre en garde contre les maux qui rongeaient les forces afghanes : corruption endémique, désertions, lourdes pertes au combat, analphabétisme des soldats, déficits capacitaires, etc. En outre, transposer des modèles occidentaux à ces dernières en faisant fi de leurs particularismes aura été une erreur. De même que d’avoir perdu l’idée que, comme le disait Frédéric Le Grand, la « connaissance du pays où l’on doit mener une guerre est la base de toute stratégie ».

« La performance des forces de sécurité afghanes va probablement se dégrader, du fait des opérations des talibans, des pertes au combat, des désertions, d’une logistique peu performante, et de faiblesses de commandement », avait ainsi souligné Dan Coats, alors Directeur national du renseignement, en 2017. « À moins que nous ne changions quelque chose […] la situation va continuer à se détériorer et nous allons perdre tous les gains que nous avons enregistrés ces dernières années », avait prévenu, à la même époque, le général Vincent Stewart quand il était directeur de la Defense Intelligence Agency [DIA, renseignement militaire, ndlr].

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