Des analystes militaires chinois relativisent l’achat par Taïwan de 40 obusiers « Paladin » auprès des États-Unis

Pour Taïwan, la question n’est pas de savoir si la Chine tentera de l’envahir mais quand les premiers soldats de l’Armée populaire de libération poseront le pied sur son territoire. D’ailleurs, Pékin ne fait pas mystère de ses intentions, comme l’a encore rappelé Xi Jinping, le président chinois, le 1er juillet dernier.

« Résoudre la question de Taiwan et réaliser la réunification complète de la patrie sont les missions historiques indéfectibles du Parti communiste chinois et l’aspiration commune du peuple chinois », a en effet déclaré M. Xi. Et d’ajouter : « Tous les fils et filles de la Chine, dont les compatriotes des deux côtés du détroit de Taiwan, doivent travailler ensemble […] et écraser les complots d »indépendance de Taïwan' ».

Et, à tels propos s’ajoute la pression militaire constante que met la Chine sur l’île, avec notamment l’envoi régulier d’avions militaires dans la zone d’identification de défense aérienne taïwanaise.

Cela étant, on ignore comment l’APL s’y prendra pour faire plier Taïwan… Blocus maritime? Guerre « hybride »? Frappes massives contre les défenses taïwanaises, suivies d’un débarquement sur les plages taïwanaises couplé à des opérations aéroportées?

En tout cas, il est certain que les forces chinoises mettent l’accent sur le développement de leurs capacités amphibies, que ce soit avec la construction des imposants navires de type 075… ou encore avec l’adaptation de rouliers à de telles opérations, comme l’a indiqué une récente étude de la Jamestown Foundation.

Quoi qu’il en soit, l’état-major taïwanais s’attend à toutes les éventualités. D’où son nouveau concept de « défense globale » qui, en cas d’invasion, prévoit trois étapes : la protection, la bataille décisive dans la zone littorale et la destruction de l’ennemi sur la plage de débarquement. [*] Et les récents achats d’équipements militaires auprès des États-Unis comme les programmes d’armement lancés par Taipei visent justement à parer tout débarquement sur les plages taïwanaises.

Ainsi, sous l’ère de l’administration Trump, Taïwan a obtenu pratiquement tout ce que rechignait à lui accorder celle du président Obama. À commencer par l’acquisition de 66 chasseurs-bombardiers F-16 Viper. Mais la liste comprend également de 108 chars M1A2T Abrams, 250 missiles anti-aérien Stinger, 11 systèmes d’artillerie HIMARS [pouvant tirer des missiles ATCMS d’une portée de 300 km], de 135 missiles de croisière AGM-84 SLAM ER [Standoff Land Attack Missile / Expanded Response], de 400 missiles antinavires RGM-84L-4 Harpoon Block II et de 100 systèmes de défense côtière Harpoon [HCDS]. Et sans oublier quatre drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-9B SeaGuardian.

La semaine passée, et pour la première fois que le président Biden a pris ses fonctions, la DSCA [Defense Security Cooperation Agency], l’agence chargée des ventes d’équipements militaires américains à l’étranger, a recommandé au Congrès d’accepter la vente potentielle à Taïwan de 40 canons automoteurs [chenillés] de 155 mm M109A6 « Paladin » pour un montant total de 750 millions de dollars [cette somme comprend notamment les munitions, le soutien, la formation, et les véhicules de dépannage].

À l’instar des M1A2T Abrams, ces canons automoteurs, dont la conception est désormais ancienne, permettront à l’armée taïwanaise de cibler les têtes de pont en cas de débarquement chinois sur l’île. Mais il s’agit également d’élever le coût et les risques d’une éventuelle opération amphibie de l’APL.

Comme à l’accoutumé, Pékin a dénoncé ce projet de contrat d’armement entre les États-Unis et Taïwan, via un porte-parole de son ministère des Affaires étrangères. Et de promettre d’étudier de « possibles sanctions » en retour.

Mais c’est dans les médias proches du Parti communiste chinois [PCC] que l’annonce au sujet de cette vente de M109A6 « Paladin » a été plus « subtilement » critiquée.

« Ces obusiers automoteurs ne peuvent pas tenir le rôle auquel ils sont destinés car les forces armées de l’île de Taïwan n’ont pas la supériorité aérienne et ne sont pas en mesure de contrôler leurs approches maritimes. Ils seront des cibles pour l’APL quand ils seront déployés sur la ligne de front ou sur la côte dans une guerre potentielle », a affirmé Wei Dongxu, un expert militaire chinois interrogé par le Global Times, un journal proche du PCC. Un avis rejoint celui d’autres analystes, à encore ce dernier.

« Les États-Unis n’aident pas vraiment Taïwan à renforcer ses capacités militaires avec leurs ventes d’armes car ils y voient l’opportunité de recycler leurs équipements obsolètes et en tirent des bénéfices déraisonnablement élevés, tout en provoquant plus de problèmes à travers le détroit », a-t-il ajouté.

Voici donc un argument qui prend, en quelque sorte, le contre-pied des critiques que venait d’énoncer le ministère chinois des Affaires étrangères, celui-ci ayant estimé, comme les fois précédentes, que cette nouvelle vente d’armes américaine à Taiwan allait « saper la souveraineté et les intérêts de sécurité de la Chine ».

[*] Selon Chen­wei Lin, directeur de l’Institut de recherche sur la défense nationale et la sécurité [INDSR] de Taïwan [.pdf]

Photo : US Army

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