Pour l’ONU, l’expansion de l’État islamique dans de « nombreuses régions d’Afrique » est « alarmante »

Ces derniers mois, l’État islamique [EI ou Daesh] a connu des fortunes diverses. Ainsi, s’il a conservé une capacité de nuisance au Levant depuis la fin du califat qu’il avait instauré à cheval entre la Syrie et l’Irak, sa branche yéménite n’est pas parvenue – pour le moment – à s’imposer face aux groupes locaux, dont al-Qaïda dans la péninsule arabique [AQPA].

En Afrique du Nord, l’organisation jihadiste peine à s’y implanter durablement, à l’exception du groupe égyptien Ansar Beït el-Maqdès [qui lui avait prêté allégeance en 2014, ndlr], lequel aurait conservé une « certaine résilience », selon le dernier rapport remis par Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, au Conseil de sécurité. Ainsi, en Libye, elle a subi de sévères revers, ses capacités ayant été fortement diminuées, notamment après la perte de ses principaux cadres.

Au Sahel, où il a revendiqué plusieurs attaques de grande envergure contre les civils au motif que ceux-ci soutenaient les autorités locales, l’État islamique au Grand Sahara [EIGS] est sous la pression par la force française Barkhane, qui a récemment neutralisé plusieurs de ses dirigeants. Et il est aussi aux prises avec le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM, lié à al-Qaïda], lequel lui conteste certaines régions.

Cependant, la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique [ISWAP], active dans la région du Lac Tchad, poursuit son essor. Une tâche qui lui est rendue encore plus facile depuis qu’il aurait éliminé Abubakar Shekau, le chef du groupe jihadiste Boko Haram [sa mort n’a pas été confimée par « certains États membres », souligne M. Guterres, ndlr]. Estimant son effectif à 5’000 combattants [au maximum], le rapport avance que cette organisation « cherche à étendre sa zone d’opérations en direction de Maiduguri » [Nigéria], tout en multipliant les incursions dans les pays voisins, notamment au Cameroun et au Niger.

Mais c’est en Afrique centrale et en Afrique de l’Est que Daesh a connu une rapide expansion au cours de ces derniers mois. En Somalie, l’organisation est principalement implantée dans le Puntland et, dans une moindre mesure, à Modgadiscio. Et c’est depuis ce pays, via son bureau « al-Karrar », qu’elle supervise et appuie les actions de l’État islamique en Afrique centrale [ISCAP], en particulier au Mozambique et en… République démocratique du Congo.

Au Mozambique, la province de Cabo Delgado est devenue « emblématique de l’influence de Daesh en Afrique », affirme le rapport. Notamment après la brève occupation de la localité de Palma, en mars 2021.

« Les autorités locales n’ont pas réussi à défendre la ville et à assurer sa sécurité, comme dans le cas de Mocimboa da Praia, située plus au sud dans le Cabo Delgado, occupée depuis août 2020 par des organisations affiliées à Daesh. Ces faits récents pourraient avoir de profondes répercussions sur la paix et la sécurité dans la région et doivent être abordés de façon prioritaire au moyen d’une démarche régionale cohérente », prévient M. Guterres.

D’autant plus, explique-t-il, que, destination de migrants économiques en raison, notamment, des activités liées à l’exploitation gazière, la province de Cabo Delgado est une « zone de transit commode pour les combattants de Daesh », laquelle, par ailleurs, « accueille bon nombre d’activités de trafic », en particulier celui de la drogue, en provenance d’Asie. Qui plus est, l’ISCAP a aussi démontré sa capacité à opérer en mer, avec raids lancés vers les îles de Vamizi, Matemo et Makalowe [Mozambique].

« L’autonomie conférée par la structure centrale de Daesh, le grand nombre de petites cellules opérationnelles et l’absence de mesures antiterroristes d’envergure ont transformé effectivement le groupe régional affilié à Daesh en grave menace présentant le risque de se propager davantage, éventuellement vers les pays voisins », estime M. Guterres.

En tout, la République démocatique du Congo est déjà aux prises avec cette menace, l’ISCAP ayant étendu ses opérations de la province du Nord-Kivu vers celles d’Ituri, du Sud-Kivu et du Tanganyika. Et cela, sous la férule de Musa Baluku, le chef des « Forces démocratiques alliées » [ADF], un groupe jihadiste d’origine ougandaise, désormais affilié à l’EI.

« Tout en cherchant à s’étendre en République démocratique du Congo, Daesh doit se mouvoir entre d’autres groupes armés actifs dans la région, instrumentaliser au besoin les différends intercommunautaires et attirer des combattants terroristes étrangers supplémentaires. Son modèle insurrectionnel nécessitera également des revenus supplémentaires et d’éventuels liens avec des groupes criminels contrôlant des industries extractives et des activités d’extraction minière illégales dans la zone », prévient M. Guterres.

Cependant, l’étendue des liens entre les groupes affiliés à l’EI en RD Congo et au Mozambique n’est « pas claire » pour le moment.

Quoi qu’il en soit, pour l’ONU, cette expansion de l’EI dans cette partie de l’Afrique depuis le début de l’année 2021 est « alarmante ». Et « elle montre que les synergies entre le terrorisme, la précarité et les conflits se sont renforcées et fait ressortir la nécessité d’une réponse mondiale urgente pour aider les pays d’Afrique et les organisations régionales ».

Et le risque est de voir Daesh être en mesure de planifier des attentats au-delà de ses zones d’influence. « Les États Membres avaient déjà prévenu que Daech pourrait retrouver la capacité de fomenter des attaques internationales si sa structure centrale ou l’un de ses affiliés régionaux venait à se renforcer suffisamment. Ce scénario n’en est devenu que plus plausible », a conclu M. Guterres.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]