La marine allemande va de nouveau s’aventurer dans la région Indo-Pacifique avec une frégate

Jusqu’au début des années 2000, la marine allemande [Deutsche Marine] était en mesure d’envoyer des navires dans la région Indo-Pacifique. Seulement, et alors que, sur le plan stratégique, cette dernière prenait de plus en plus d’importance, notamment en raison de d’échanges économiques toujours plus intenses, plus aucun bâtiment allemand n’y a depuis montré son pavillon…

Or, pour l’Allemagne, la région Indo-Pacifique constitue l’un des principaux débouchés pour son industrie. Ainsi, selon des chiffres publiés en mai dernier, les exportations allemandes en direction de la Chine ont augmenté de 22,3% sur un an, pour s’établir à 26,3 milliards d’euros… Et les importations chinoises vers le marché allemand ont atteint les 32 milliards d’euros [soit +24,6%] sur un an.

Ainsi, dans la même veine que les thèses développées par Norman Angell [la paix par l’impératif économique] ou par Thomas L. Friedmann [voir « théorie des arches dorées »], Berlin a pensé que l’essor de ses échanges économiques avec Pékin pouvait être un moyen d’encourager les autorités chinoises à plus d’ouverture politique. Ce qui s’est révélé faux, comme on peut le voir avec la mise au pas de Hong Kong, le sort des minorités ethniques [à commencer par celui des Ouïghours], la pression sur Taïwan ou bien encore la militarisation de la mer de Chine méridionale, avec la politique du fait accompli.

Seulement, toute la difficulté pour l’Allemagne est de rester ferme sur ces enjeux tout en ne fâchant pas la Chine pour des raisons économiques… D’où les « lignes directrices pour la région Indo-Pacifique » publiées par Berlin en septembre 2020.

En résumé, celles-ci plaident en faveur d’un investissement accru [et à tous les niveaux] de l’Allemagne dans la sécurité de cette partie du monde, tont en prônant le dialogue afin de résoudre les différends territoriaux et les conflits, notamment en mer de Chine méridionale. Dans le même temps, il est aussi question de nouer de nouvelles relations économiques avec les pays ayant une « même compréhension de la démocratie », l’idée étant de limiter la dépendance au marché chinois. « En tant que nation commerçante, notre prospérité dépend directement de la liberté du commerce et des routes maritimes, qui dans une large mesure traversent l’Indo-Pacifique », avait ainsi souligné Heiko Maas, le ministre allemand des Affaires étrangères.

Un an plus tôt, son homologue de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, avait estimé qu’il était temps pour l’Allemagne de « montrer sa présence » dans la région Indo-Pacifique, « aux côtés de ses alliés ». Et d’ajouter : « Un pays de notre taille, avec sa puissance économique et technologique, sa situation géostratégique et ses intérêts mondiaux ne peut pas simplement rester à l’écart et regarder ».

Et cette présence allemande dans cette région se traduira prochainement par l’arrivée de la frégate Bayern [F-217], de la classe Brandenburg. Ce navire a en effet appareillé de la base navale de Wilhelmshaven, le 2 août, pour un périple qui doit durer environ sept mois. Et sa mission sera, comme l’a rappelé M. Kram-Karrenbauer lors d’une cérémonie marquant son départ, de défendre la vision d’un « ordre mondial fondé sur les règles ». Et donc de défendre la liberté de navigation.

Dans un premier temps, la frégate Bayern sera engagée dans les missions Sea Guardian [sous la bannière de l’Otan, en Méditerranée] et Atalante [opération de l’UE de lutte contre la piraterie, ndlr] au large de la Corne de l’Afrique. Puis elle mettra le cap vers l’Indo-Pacifique, où elle fera escale au Vietnam, en Corée du Sud, à Singapour, en Australie et au Japon. Enfin, elle sera engagée dans les opérations de surveillance du respect des sanctions prises par les Nations unies à l’égard de la Corée du Nord.

Évidemment, durant son parcours, la frégate Bayern devra traverser la mer de Chine méridionale, revendiquée dans sa quasi totalité par Pékin. Cela étant, « la partie chinoise a été informée à l’avance par la ministre de la Défense et son collègue des Affaires étrangères des intentions extrêmement pacifiques » du navire allemand, a relevé le quotidien Frankfuter Allgemeine Zeitung. A priori, une escale à Shanghaï est même au programme…

« Le cœur de la mission du navire est de montrer son pavillon. Avec le déploiement en Indo-Pacifique, la Deutsche Marine démontre qu’elle est un instrument politique fiable pour l’Allemagne, qui peut être utilisé dans le monde entier », fair valoir la Bundeswehr.

La frégate Bayern n’est pas la plus moderne qui est en service au sein de la Deutsche Marine… Et on aurait pu penser qu’une frégate de type F-125, conçue justement pour les longs déploiement, aurait été désignée pour une telle mission. Seulement, bien que la première de la série a été mise en sercice en 2019, aucune n’a été utilisée en opération à cause de défauts techniques.

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